La Serbie fustige l’envoyé israélien qui a salué un « pogrom » croate
Féliciter Zagreb pour sa Journée de la Victoire "va à l'encontre des principes des droits humains des sociétés modernes, a estimé l'ambassadeur de Belgrade à Tel Aviv
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

La Serbie a fustigé Israël lundi, après que le pays a adressé ses félicitations à la Croatie à l’occasion de la Journée de la Victoire, qui marque une bataille meurtrière, que les Serbes considèrent comme un pogrom.
« Ce qui est arrivé aux Serbes en Croatie, où ils ont vécu pendant des siècles, durant l’opération Storm, le 4 août 1995, est malheureusement le plus grand exode d’un groupe ethnique en Europe après la Seconde Guerre mondiale », a déclaré Milutin Stanojevic, ambassadeur serbe en Israël, au Times of Israël. dimanche matin.
« Saluer ce pogrom comme ceux qui le fêtent tous les ans comme ‘la Journée de la Victoire’ ou ‘la restauration de la souveraineté’ va à l’encontre des principes des droits humains des sociétés modernes. Venant, de la part d’un représentant israélien, c’est plutôt ironique et triste », a-t-il ajouté.
Plus tôt dans la journée, l’ambassadeur israélien à Zagreb, Ilan Mor, a publié un tweet de félicitations en l’honneur de la Journée de la Victoire.
Le tweet original félicitait la Croatie pour le 24e anniversaire de l’Opération Storm, qui a restauré sa souveraineté lors de la Guerre de Croatie. Félicitation également à l’occasion de la Journée de la Victoire et de l’Indépendance. »
Lundi en début d’après midi, le tweet en question avait été supprimé et remplacé par un tweet plus succinct, excluant les vœux portant sur le 24e anniversaire de l’opération Tempête et la déclaration sur « la restauration de la souveraineté ».
https://twitter.com/AmbassadorMor/status/1158301464416182277
Efraim Zuroff, un historien de la Shoah, basé à Jérusalem, qui a longtemps critiqué la Croatie et d’autres pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est, pour le refus d’avouer leur rôle dans leurs crimes contres les Juifs, a déclaré que les propos du diplomate israélien étaient déplacés.
« C’est une déclaration malheureuse de très mauvais goût, étant donné que l’opération Tempête a donné lieu à une expulsion de masse de près de 200 000 Serbes, qui ont été expulsés de leurs maisons », a expliqué Zuroff au Times of Israël. « Ce n’est pas un conflit dans lequel Israël devrait s’impliquer. »
Le ministère des Affaires étrangères de Jérusalem n’a pas fourni de commentaires au moment où cet article a été publié.
Jérusalem entretient de solides relations diplomatiques avec Belgrade, mais ses rapports avec Zagreb semblent encore plus forts. Fin juillet, la présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović est venue à Jérusalem en visite officielle.
« Je pense qu’un futur prometteur attend le partenariat entre nos pays. Mais un futur prometteur doit être basé sur une compréhension claire du passé », avait déclaré le président Reuven Rivlin durant un dîner d’Etat en son honneur, en référence aux « crimes » du régime Oustachi pendant la guerre, en Croatie.
Le tweet de l’ambassadeur israélien n’est pas le premier élément à propulser Israël dans cette controverse. L’an dernier, l’armée israélienne a participé à une parade célébrant la victoire de la Croatie.
Des centaines de personnes ont été tuées et des milliers d’autres ont été déplacées pendant l’opération Tempête. La quasi-totalité de la population serbe a été expulsée de chez elle par les forces armées pendant l’opération.
Selon l’ambassadeur serbe, l’armée israélienne a été la première armée étrangère à participer à des festivités de la victoire croate.
A ce moment, les médias croates avaient montré des photos d’au moins deux F-16 israéliens survolant la ville de Knin, coincée entre Zagreb et Split, aux côtés de MiG-21 croates.

Selon un site croate, le général de brigade (à la retraite) Mishel Ben Baruch, qui supervise la Direction de la coopération internationale de défense du ministère de la Défense, avait dit être « honoré de pouvoir participer » au 23e anniversaire de l’opération Tempête.
L’armée avait défendu sa participation à l’évènement de 2018 en expliquant dans un communiqué que les avions avaient été déployés en Croatie dans le cadre d’un accord de coopération militaire, et que la participation à l’évènement relevait de la « coopération stratégique » entre les deux pays ». Le communiqué évoquait également un accord israélo-croate sur une vente d’armes, alors en suspens.
« Pour les Croates, c’est peut-être des jours de victoires, mais pour les Serbes, ce sont des jours de deuil », avait écrit Stanojevic au Times of Israël, à cette époque. « Nous portons le deuil de l’exode. Plus de 2 500 personnes sont mortes. On ignore où ils reposent. Plus de 2 500 personnes ont fui la Croatie, majoritairement des civils. Ce n’est pas le moment ni le lieu pour qu’un pays tiers s’implique. »
Le nombre précis de victimes et de déplacés est sujet à controverse.
Si la Croatie revendique cette offensive comme une victoire militaire qui a permis de réunifier les territoires du pays et de mettre fin à la guerre, la Serbie porte le deuil des victimes de cette offensive. Le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré l’an dernier que « Hitler voulait un monde sans Juifs, la Croatie et sa politique voulaient une Croatie sans Serbes. »