Le chef de la Cour suprême d’Afrique du Sud persiste en « priant pour Jérusalem »
Le juge Mogoeng Mogoeng déclare sous serment que l'obligation religieuse de prier pour la paix et de ne pas haïr Israël n'est pas une prise de position politique
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le président de la Cour suprême d’Afrique du Sud a justifié les commentaires pro-Israël qu’il a faits lors d’une conférence en ligne le mois dernier et pour lesquels il a été fortement critiqué par les politiciens locaux et les activistes pro-palestiniens, affirmant qu’il ne faisait que remplir ses devoirs religieux en plaidant pour la paix et en « priant pour Jérusalem ».
Dans une déclaration déposée sous serment lundi auprès du service de police sud-africain, Mogoeng Mogoeng a également fait valoir que si les juges n’ont pas le droit de se prononcer sur les controverses politiques, cela ne s’applique qu’aux questions qui sont justiciables dans le pays et ne l’empêche pas de commenter de manière générale les questions de politique étrangère qui ne seront jamais portées devant les tribunaux sud-africains.
« Mon obligation biblique de prier (demander à Dieu) pour la paix de Jérusalem ou de ne pas haïr ou maudire Israël ne peut constituer une préférence d’Israël sur la Palestine », a-t-il écrit.
Mogoeng a déclaré que, bien qu’il n’ait jamais fait de commentaires sur le sionisme, sa foi chrétienne le motive à rejeter la haine et la guerre, à accepter toutes les nations et à promouvoir la paix.
Le juge en chef a poursuivi en citant plusieurs versets de l’Ancien et du Nouveau Testament pour souligner son devoir religieux de rechercher la paix et de prier pour le bien-être d’Israël, comme Exode 17:15 et Hébreux 12:14.
Il a en outre noté que s’il a effectivement exprimé son amour pour Israël, il aime aussi les Palestiniens, et l’a dit explicitement lors de son apparition controversée à la conférence en ligne.
« Interdire les remarques que j’ai faites sur la paix, la privation de terres, les sans-abri, la pauvreté, le colonialisme, etc. signifierait qu’un juge n’est même pas autorisé à dire quoi que ce soit sur l’apartheid au motif que cela reviendrait à s’impliquer dans une controverse ou une activité politique. Mais, cela ne peut pas être juste », a-t-il écrit.
Dans cette déclaration sous serment de 19 pages, dont une copie a été obtenue par le Times of Israel, Mogoeng a répondu de manière très détaillée à une plainte écrite déposée auprès de la Commission sur la conduite des juges d’Afrique du Sud par une organisation basée à Johannesburg appelée Africa4Palestine, qui était auparavant connue sous le nom de BDS South Africa.
Dans la plainte, le directeur d’Africa4Palestine, Muhammed Moosa Desai, a écrit qu’il pense que Mogoeng a commis « des violations délibérées ou par négligence grave du Code de déontologie judiciaire », qui interdit aux juges de s’impliquer dans « une controverse ou une activité politique ».
Dans un webinaire du 23 juin, co-organisé par le Jerusalem Post et le grand rabbin sud-africain Warren Goldstein, Mogoeng a déclaré qu’il avait « l’obligation, en tant que chrétien, d’aimer Israël, de prier pour la paix de Jérusalem, ce qui signifie en fait la paix d’Israël ». Et je ne peux pas, en tant que chrétien, faire autre chose qu’aimer et prier pour Israël, parce que je sais que toute haine d’Israël de ma part et de ma nation ne peut qu’attirer des malédictions sans précédent sur notre nation ».
Avec sa position résolument pro-palestinienne, Pretoria se prive d’une « merveilleuse opportunité de changer la donne dans la situation israélo-palestinienne », a-t-il ajouté.
Avant de prononcer ces commentaires, il avait reconnu « sans aucune équivoque que l’orientation politique prise par mon pays, l’Afrique du Sud, m’engage » et que ce qu’il s’apprête à dire ne doit pas être interprété comme une tentative de dire qu’il n’est pas lié par la position de Pretoria sur le Moyen-Orient. Mais, a-t-il ajouté, comme tout citoyen, il a le droit de critiquer les politiques du gouvernement « ou même de suggérer que des changements sont nécessaires ».
Ses propos ont suscité une vive controverse en Afrique du Sud.
Le Congrès national africain, [African National Congress – ANC], le parti au pouvoir dans le pays, l’a accusé de s’aventurer en politique avec des commentaires « malheureux » « qui pourraient le rendre vulnérable s’il devait se prononcer sur une question de droits de l’homme à l’avenir ».
« Il a également soutenu ouvertement les actions de l’État d’Israël, des actions condamnées par le Conseil de sécurité des Nations unies à de nombreuses reprises et un comportement méprisant envers les droits de l’homme du peuple de Palestine », a déclaré le porte-parole de l’ANC, Pule Made.
La ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a déclaré qu’elle avait pris connaissance des commentaires de Mogoeng sur Israël « avec une grande consternation ».
Dans sa plainte de 13 pages, Desai d’Africa4Palestine écrit que Mogoeng « s’est clairement impliqué dans une controverse politique, et peut-être même dans une activité politique ». Sa « conduite inappropriée » est « particulièrement flagrante » car il est le chef du pouvoir judiciaire et donne l’exemple à tous les autres juges du système juridique du pays, a accusé Desai.
Dans sa réponse mardi, Mogoeng a déclaré que ses mots lors du webinaire du 23 juin étaient simplement un « appel pour une résolution pacifique de la question israélo-palestinienne ou la possibilité de leur coexistence d’une manière mutuellement bénéfique et l’amour pour les deux parties par opposition à la haine pour l’une d’entre elles ».
Africa4Palestine a choisi de le cibler « parce que j’ai cité des parties de la Bible qu’ils n’aiment pas, pour exprimer mon amour pour Israël et la Palestine et mon obligation scripturale de prier pour la paix de Jérusalem », a-t-il écrit.
Au cours du webinaire de juin, il a déploré la position de Pretoria sur le conflit au Moyen-Orient, car elle « ne semble pas s’aligner sur la possibilité que nous contribuions à la réalisation de la paix dans cette région », a écrit le juge. « Je l’ai fait, non pas comme un commentaire politique, mais comme une réflexion axée sur les droits de l’homme, la justice et la paix ».
L’AFP a contribué à cet article.