Le contrôleur de l’État accuse Tsahal et le Shin Bet de bloquer son enquête sur les échecs du 7 octobre
Matanyahu Engelman a salué la coopération de Gallant et de Katz mais a réitéré ses critiques à l'égard des militaires et des services de sécurité qui, selon lui, empêcheraient à « la vérité d'être révélée »
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le contrôleur de l’État, Matanyahu Englman, a vivement critiqué jeudi le chef d’état-major sortant de Tsahal, Herzi Halevi, et le chef du Shin Bet, Ronen Bar, pour ce qu’il qualifie d’efforts constants de leur part visant à bloquer son enquête sur la « défaillance fondamentale » avant et pendant l’invasion et les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre 2023.
Dans le dernier épisode d’un bras de fer entre le bureau du contrôleur de l’État et les services de sécurité, Englman a affirmé qu’il lui était impossible de mener correctement son enquête sur les défaillances ayant permis au Hamas d’envahir le pays le 7 octobre, sans la pleine coopération de l’armée israélienne et du Shin Bet. Il a donc demandé à la procureure générale d’ordonner à ces deux agences de collaborer avec son enquête.
« Depuis de nombreux mois, nos bureaux enquêtent sur le cabinet du Premier ministre, le Conseil de sécurité nationale et le secrétariat militaire », a déclaré Englman lors d’un discours prononcé à l’occasion d’une conférence de l’Association des trésoriers.
« Les ministres de la Défense ont également coopéré », ajoute-t-il, faisant référence à l’ancien ministre Yoav Gallant et à l’actuel ministre Israel Katz. « Cela dit, sans la pleine coopération de Tsahal et du Shin Bet, il ne sera pas possible de procéder à un examen complet. »
Le bras de fer entre le contrôleur de l’État et les services de sécurité s’inscrit dans un contexte plus large : le refus du gouvernement de mettre en place une commission d’enquête indépendante sur la catastrophe du 7 octobre.
Les déclarations d’Englman sont survenues quelques heures seulement avant la publication par Tsahal des conclusions de sa propre enquête interne sur les défaillances de l’armée.
Mais il a affirmé que l’opinion publique n’accepterait pas une enquête « menée par une institution sur ses propres erreurs » et rappelé que, dans l’immédiat, seul le bureau du contrôleur de l’État était en mesure de mener un examen réellement indépendant des défaillances.
« Sans la pleine coopération de Tsahal et du Shin Bet, il ne sera pas possible de procéder à un examen complet », a-t-il déclaré. « Le chef d’état-major [de Tsahal] et le responsable du Shin Bet bloquent depuis un an et demi l’examen de l’échec principal. »

Englman a demandé à la procureure générale Gali Baharav-Miara d’ordonner à « toutes les parties » de coopérer à son enquête « conformément à la loi fondamentale : Le contrôleur d’État ».
Le peuple israélien « mérite des réponses provenant d’une enquête indépendante » et pas uniquement d’enquêtes internes, a-t-il ajouté.
Englman a critiqué à plusieurs reprises l’armée et le Shin Bet pour leur manque de coopération dans le cadre de son enquête. En janvier de cette année, il a accusé l’armée d’avoir « intimidé » des officiers supérieurs pour qu’ils témoignent devant son équipe, ce qui, selon lui, s’inscrivait dans le cadre des efforts déployés par Tsahal pour empêcher « la vérité d’être révélée ».
Les responsables de la Défense ont précédemment fait valoir que l’enquête du contrôleur devrait attendre la fin du conflit, car elle détournerait l’attention des commandants et des hauts gradés des combats et nuirait ainsi à l’effort de guerre.
Les détracteurs du gouvernement, y compris les membres de l’opposition et plusieurs groupes de surveillance du gouvernement, ont exprimé la crainte que l’enquête d’Englman, qui n’a pas de formation juridique et qui a été nommé à son poste sous un gouvernement dirigé par Netanyahu, ne cherche à minimiser la responsabilité politique de l’assaut dévastateur du 7 octobre.
Englman a fermement démenti ces propos et a insisté sur le fait que son enquête porterait sur tous les aspects des défaillances avec la même importance.
En décembre 2023, Englman avait annoncé le début d’une vaste enquête sur les « défaillances systémiques »,avant, pendant et après le 7 octobre, précisant qu’elle inclurait l’examen de la « responsabilité personnelle » à tous les niveaux — politique, militaire et civil. Tsahal s’était toutefois vivement opposée à cette démarche, affirmant qu’elle détournerait l’attention des commandants supérieurs de la gestion des guerres en cours contre le Hamas et le Hezbollah libanais, soutenu par l’Iran.
En juin 2024, la Haute Cour a émis une ordonnance provisoire ordonnant au contrôleur de l’État Matanyahu Englman de suspendre tous les aspects de son enquête impliquant Tsahal et le Shin Bet.

Cependant, lors d’une audience en novembre, la Haute Cour avait exprimé sa frustration face aux blocages des services de sécurité et averti Tsahal et le Shin Bet qu’elle pourrait révoquer cette ordonnance provisoire.
Quatre jours après cette audience, Tsahal et le contrôleur de l’État étaient parvenus à un accord : le bureau d’Englman enquêterait d’abord sur des questions secondaires liées à la catastrophe du 7 octobre, telles que l’état de préparation du front intérieur face à une attaque d’ampleur, ou encore la procédure ayant conduit à l’autorisation du festival de musique Supernova à Reim. Ces éléments pouvaient être examinés immédiatement.
Les deux parties devaient ensuite s’accorder sur un mécanisme permettant de réévaluer, d’ici février, les « questions centrales », comme les défaillances opérationnelles de Tsahal le 7 octobre, en tenant compte du contexte de guerre toujours en cours.
Or, selon le bureau d’Englman, Tsahal et le Shin Bet n’auraient cessé depuis de compliquer la conduite de son enquête, ce qui aurait conduit à son emportement public jeudi.
Les deux parties doivent remettre à la Haute Cour, d’ici le 6 mars, un état d’avancement détaillé de l’enquête. Le bureau du contrôleur prévoit de demander la levée de l’ordonnance provisoire, selon des informations obtenues par le Times of Israel.
L’enquête menée par Englman sur les événements du 7 octobre reste à ce jour la seule enquête globale autorisée par l’État sur le pogrom perpétré par le Hamas dans le sud du pays, au cours duquel les terroristes du Hamas et d’autres groupes terroristes palestiniens ont assassiné plus de 1 200 personnes, et 251 autres personnes ont été kidnappées pour être emmenées en otage à Gaza.