Englman accuse Tsahal « d’intimidation » de témoins lors de l’enquête sur le 7 octobre
Selon le contrôleur de l'État, les témoignages des militaires ont été enregistrés en présence de hauts-gradés, procédé porteur d'un message « d'intimidation »
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le contrôleur de l’État Matanyahu Englman a accusé lundi l’armée d’avoir « intimidé » des officiers supérieurs au moment de leur témoignage pour les besoins de l’enquête menée sur les défaillances antérieures et concomitantes au pogrom commis par le Hamas le 7 octobre. Il y voit un signe que Tsahal ne coopère pas pleinement aux investigations.
Dans un courrier très critique adressé au chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, le contrôleur de l’État a déclaré que des responsables de l’armée avaient secrètement enregistré des entretiens menés par ses services et donné des indications aux officiers sur la façon de répondre aux questions, parmi d’autres mesures destinées selon lui à empêcher « la vérité de se savoir ».
En décembre dernier, Englman a annoncé le début d’une vaste enquête sur les « défaillances multiples du système », qui passe notamment par l’examen des personnes investies d’une « responsabilité personnelle » envers les « défaillances à tout niveau – politique, militaire et civil », et qui s’est attirée les foudres de l’armée israélienne, malgré tout forcée de coopérer sous pression de la Cour Suprême.
Cette enquête du contrôleur sur les événements du 7 octobre est actuellement la seule investigation exhaustive officielle sur l’attaque qui a coûté la vie à 1 200 personnes, massacrées par des terroristes du Hamas et d’autres groupes terroristes palestiniens dans le sud d’Israël, et fait 251 otages.
Les détracteurs du gouvernement, à commencer par des figures de l’opposition et plusieurs groupes de surveillance du gouvernement, ont fait part de leur inquiétude quant au fait qu’Englman, qui n’a aucune formation juridique et a été nommé à ce poste par un précédent gouvernement Netanyahu, puisse minimiser la responsabilité politique envers le pogrom du 7 octobre.
Englman nie ce qui lui est reproché et assure que l’enquête qu’il mène abordera l’ensemble des défaillances dans la plus parfaite équité.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son gouvernement se sont opposés autant qu’ils le pouvaient à la création d’une commission d’enquête publique. Ils avancent qu’elle serait fatalement biaisée et leur serait politiquement contraire dans la mesure où ses membres seraient désignés par le président de la Cour Suprême, et qu’il serait en outre préférable de la reporter à l’issue de la guerre.
L’armée israélienne mène ses propres enquêtes internes relatives aux manquements antérieurs et concomitants au 7 octobre, à commencer par sa propre appréhension de la situation à Gaza et du Hamas, le renseignement et le processus de prise de décision qui a conduit à l’attaque, sans oublier les combats qui ont suivi l’attaque.
Dans le courrier adressé à Halevi lundi, le contrôleur a regretté que l’administration militaire ait pris des mesures qui, selon lui, semblent contraires à la volonté de ses services d’établir la réalité des faits qui ont précédé et accompagné les événements du 7 octobre.
Englman fait état de cinq points de préoccupation, dont le plus important est, selon lui, la présence d’un représentant de l’État-major adjoint de Tsahal lors de chaque interview de hauts gradés et leur « accompagnement » tout au long des procédures. Plus la question en discussion est sensible et plus l’officier de Tsahal interrogé est de haut rang, plus le responsable militaire présent lors de l’interrogatoire est de haut rang, précise-t-il.
Englman reproche également à l’administrateur militaire d’avoir enregistré, sans le dire, la totalité des entretiens menés par les services du contrôleur de l’État et d’avoir continué à le faire alors même que les services d’Englman en avaient pris connaissance et avaient notifié leur opposition de principe.
Englman évoque par ailleurs le cas de l’un des officiers interrogés par l’équipe du contrôleur de l’État, qui dit avoir signé une clause de confidentialité limitant sa prise de parole, et d’un autre, encore, auquel on aurait indiqué de quelle façon répondre lors de l’entretien.
« Le comportement de Tsahal envoie un message implicite, dissuasif et destiné à intimider les officiers de terrain et officiers subordonnés au haut commandement », explique Englman à Halevi.
« Ce qui peut laisser penser à un manque de coopération avec les services du contrôleur de l’État voire à de l’obstruction, toutes infractions d’une extrême gravité envers le travail du contrôleur de l’État », poursuit-il.
Le contrôleur de l’État ajoute que si l’armée israélienne ne lève pas les obstacles à son enquête, les témoins seront dès lors convoqués en ses locaux par le truchement de la loi de 1958 sur le contrôleur de l’État, et ce « afin de s’assurer que l’enquête soit menée comme il se doit ».
Englman conclut en disant que son enquête sur le pogrom du 7 octobre est cruciale pour l’avenir de la défense du pays et que la coopération de Tsahal est insispensable pour permettre à ses services d’« aller aux racines de la vérité ».
L’armée israélienne a dit « agir systématiquement en conformité avec la loi et coopérer pleinement et en toute transparence avec le contrôleur de l’État ».
« Le contrôleur de l’État a adressé à l’armée israélienne un certain nombre de remarques. L’armée israélienne va examiner toutes les remarques faites par le contrôleur afin d’y répondre de manière factuelle au plus vite », a indiqué Tsahal par voie de communiqué, ajoutant « poursuivre le dialogue direct avec le contrôleur ».