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Le deuil commun devenu dangereux, les Juifs doivent rester seuls lors de shiva

Les proches se réunissent généralement après une perte, mais les personnes endeuillées sont maintenant obligées de rester seules face à leur tragédie

Illustration : des Israéliens pleurent des adolescents noyés dans des inondations soudaines, le 27 avril 2018. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)
Illustration : des Israéliens pleurent des adolescents noyés dans des inondations soudaines, le 27 avril 2018. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

JTA – Après le décès de Shaul Moshi la semaine dernière à Los Angeles à l’âge de 94 ans, plus de 100 personnes se sont rassemblées à son domicile pour le traditionnel minyan de la shiva.

C’était mercredi soir – avant la fermeture des synagogues et des écoles, avant que les bars et restaurants ne se vident de leurs clients, et avant que la ville n’interdise drastiquement les rassemblements de plus de 50 personnes en raison de la pandémie de coronavirus.

Pendant quelques jours, les rituels de deuil juifs traditionnels au domicile familial se sont déroulés normalement, les visiteurs se rassemblant afin de réconforter la femme et les enfants de Moshi, et permettant à un minyan [NdT : le quorum de dix personnes nécessaire à la récitation de certains passages de la prière et à la lecture de la Torah] de se former afin de réciter le Kaddish, la prière juive pour les morts.

Mais, depuis le week-end dernier, ces évènements de base du processus de deuil juif ont ressemblé toujours davantage à des actes d’insouciance, alors que de vastes zones dans le pays se retrouvaient confrontées à divers degrés de confinement afin de contenir la propagation du COVID-19. Les services de prière ont été transférés dans une autre maison de la famille, et la femme âgée et la fille de Moshi ont terminé la shiva d’une semaine en grande partie seules – recevant la visite de seulement quelques proches, et dans l’incapacité de réciter le Kaddish.

« Il y a ce sentiment que vous voulez être avec la famille », a déclaré David Abrahams, gendre de Moshi. « Vous voulez être réconforté. Vous voulez vous soutenir les uns les autres dans un moment comme celui-ci. »

Les rituels traditionnels du deuil juif impliquent la création instantanée d’une sorte de cocon social, car les personnes endeuillées se retirent généralement chez elles pendant la période de la shiva, et les amis et la famille leur rendent visite, apportant de la nourriture. Mais à mesure que l’épidémie de coronavirus augmente, et alors que la distanciation sociale est à l’ordre du jour, de plus en plus d’aspects de la vie quotidienne ont été chamboulés. Des actes humains aussi fondamentaux que le réconfort des personnes endeuillées sont pratiquement devenus du jour au lendemain des menaces importantes pour la santé publique.

Illustration : les gens prient dans des espaces clos, ne permettant que 10 personnes à la fois, au Mur occidental, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 15 mars 2020. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

Dans tout le pays, les rabbins ont demandé instamment à ce que toutes les visites à domicile soient interrompues et que les traditionnelles condoléances de la shiva soient effectuées uniquement par téléphone ou par Internet, ce qui a conduit à des histoires déchirantes de familles contraintes de faire leur deuil dans l’isolement physique, et les empêchant de mener les rituels de deuil religieux.

À Chicago, un survivant âgé de la Shoah qui a perdu sa femme a demandé aux visiteurs de s’inscrire à des créneaux de visite – les limitant à cinq personnes à la fois, et leur demandant de garder leurs distances les uns des autres chez lui. Finalement, même cela a représenté un risque qu’il n’était plus disposé à prendre, et la famille a clos la période de la shiva en plein milieu.

« Avec cette pandémie, ils ont tout simplement trop peur de toutes ces personnes apparemment en bonne santé qui pourraient venir chez eux », a déclaré David Wolkenfeld, le rabbin de la famille. « C’est triste à tant de niveaux. La famille n’obtient pas le soutien et les accolades typiques, et le réconfort d’une communauté dont vous avez tant besoin pour traverser ces moments vraiment difficiles. »

À Long Island, dans la banlieue de New York, Gerda Garbatzky, survivante de la Shoah de 90 ans, a commencé à montrer des signes de maladie jeudi. Elle a été admise à l’hôpital vendredi soir et il a été confirmé qu’elle était porteuse du coronavirus dimanche soir. Pendant tout ce temps, elle a été maintenue en isolement et été interdite de recevoir des visiteurs. Après sa mort lundi, sa fille et son petit-fils, tous deux en quarantaine, n’ont pas pu se réunir pour se réconforter, et ont dû se contenter d’un appel vidéo.

« Normalement, nous nous asseyions dans la même pièce en pleurant, en nous tenant la main. Nous sommes une famille très proche », a déclaré Geoffrey Sorensen, le petit-fils de Garbatzky. « Nous ne pouvions pas faire ça. Je voulais juste embrasser mes parents. Nous avons fait un chat vidéo juste pour que nous puissions nous voir pleurer, ce qui semble terrible, mais j’avais juste besoin de les voir. »

Geoffrey Sorenson n’a pas pu réconforter sa grand-mère, Gerda Garbatzky, alors qu’elle mourait du coronavirus. (Avec l’aimable autorisation de Sorenson / via JTA)

Ceux qui ont perdu un parent sont obligés de réciter le Kaddish quotidiennement pendant 11 mois. La loi juive exige un quorum de prière, ou un minyan, pour la récitation de la prière, et ces personnes en deuil doivent être réunies dans un même lieu, et non en ligne, bien que les autres puissent se réunir à distance.

Mais, dans un avis publié cette semaine, le mouvement conservateur a soutenu une clémence à ce sujet, ce qui permettrait la formation d’un minyan virtuel à condition que tous les participants puissent se voir et faire les réponses liturgiques requises.

« Cette permission de constituer un minyan uniquement en ligne, que ce soit pour toutes les prières nécessitant un minyan ou seulement pour le Kaddish, est limitée à ce sha’at hadehak (situation de crise), où pendant les semaines à venir, la formation d’un minyan ne sera pas possible sans risquer une vie humaine », indiquait la lettre des dirigeants du Comité sur la loi juive. « Cette autorisation est également limitée aux zones où la fermeture de la plupart des synagogues a été ordonnée, ou recommandée, pendant la crise. »

Les dirigeants juifs se démènent également afin de s’assurer que d’autres rituels juifs de fin de vie puissent se dérouler aussi normalement que possible. Kavod v’Nichum, une organisation à but non lucratif qui fournit des ressources sur les pratiques funéraires et de deuil juifs, a organisé des sessions de formation en ligne sur la manière d’effectuer en toute sécurité des rituels juifs concernant la préparation d’un corps pour l’enterrement.

« Le coronavirus ne doit pas entraver les soins des corps », a déclaré David Zinner, directeur exécutif du groupe. « Ce qui a changé, c’est que les personnes vivantes qui effectuent ce travail ne doivent pas présenter de symptômes et devront être prudentes. »

Illustration : des employés préparent de nouveaux lits pour les patients atteints de coronavirus à l’hôpital Sheba de Tel Hashomer, le 17 mars 2020. (Crédit : Flash90)

Des défis encore plus importants concernant les rituels funéraires juifs pourraient se présenter. En Italie, où le coronavirus a durement frappé, les funérailles de certaines victimes ont été reportées. Si le nombre de morts du coronavirus augmente aux États-Unis ou en Israël, trouver suffisamment de volontaires afin de veiller les corps avant l’enterrement, comme l’exige le rituel juif, pourrait devenir difficile.

Pour l’instant, les Juifs en deuil tentent de s’adapter à ces changements qui surviennent à une vitesse incroyable.

Mercredi dernier, Shalom Freedman s’est envolé du New Jersey, où il réside, pour Denver à l’occasion des funérailles de sa mère. Il avait prévu de revenir afin d’achever la période de la shiva avec sa famille, mais son rabbin lui a conseillé de rester sur place car les réunions à domicile étaient désormais interdites dans le New Jersey, et il ne serait pas en mesure de réciter le Kaddish.

Pour beaucoup de Juifs en deuil, cette récitation est un élément extrêmement important du processus de deuil.

« Ne pas être en mesure de dire le Kaddish va être difficile », a reconnu Freedman, qui prévoit de rentrer dans l’est du pays plus tard cette semaine. « Mais les gens ont appelé pour apporter leur soutien. Cela aide vraiment. »

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