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Le père d’Amit Ben Ygal veut utiliser le sperme de son fils pour devenir grand-père

Un projet de loi adopté en première lecture pourrait autoriser le père du soldat tué au combat à utiliser le sperme de son fils pour réaliser une FIV avec une femme de son choix

Illustration de sperme humain (Crédit : CC BY-SA 2.0 Bobjgalindo / Wikimedia)
Illustration de sperme humain (Crédit : CC BY-SA 2.0 Bobjgalindo / Wikimedia)

Depuis qu’il a perdu son fils unique Amit, mort en opération avec l’armée israélienne il y a deux ans, Baruch Ben Ygal ne se raccroche plus qu’à un seul espoir : devenir grand-père en utilisant son sperme dans le cadre d’une fécondation in-vitro (FIV).

Divorcé, Baruch vivait seul avec Amit jusqu’à sa mort en mai 2020 à l’âge de 21 ans, tué par une pierre jetée par un Palestinien lors d’une opération en Cisjordanie.

Un projet de loi adopté en première lecture au Parlement en septembre pourrait autoriser ce père à utiliser le sperme de son fils pour réaliser une FIV avec une femme de son choix. Jusqu’ici, seule l’épouse d’un soldat pouvait récupérer son sperme, utilisable si prélevé dans les 72h suivant la mort.

« Amit était toute ma vie. Aujourd’hui encore, je ne peux pas prononcer le mot ‘mort' », raconte le père de 53 ans, dans son appartement de Ramat Gan en banlieue de Tel-Aviv.

Le sergent de première classe Amit Ben-Ygal, tué après avoir reçu une pierre à la tête pendant un raid d’arrestations dans le village de Yabed, en Cisjordanie, le 12 mai 2020. (Crédit : Réseaux sociaux)

Il ne reste plus un centimètre de la chambre d’Amit qui ne soit pas recouvert de portraits ou dessins à son effigie. Sur son lit aussi, des t-shirts floqués de sa photo, et un journal avec son père en Une, posant avec quelques uns des 50 bébés baptisés « Amit » depuis sa mort.

Des bébés, Baruch Ben Ygal aimerait en avoir dans son appartement.

« Je veux être heureux de nouveau, je veux voir un ou deux enfants d’Amit Ben Ygal dans cette maison, pour shabbat, pour les fêtes », dit le professeur d’histoire juive, estimant que l’armée a une « responsabilité pour l’aider à devenir grand-père ».

Si le texte est adopté, un soldat devra désormais dire, au début de son service militaire obligatoire, s’il permet en cas de décès à son épouse ou à ses parents d’utiliser son sperme.

« Obligation morale »

Zvi Hauser, député de droite et porteur du texte, en convient : l’idée peut paraître au mieux étrange, au pire choquante.

Le député Zvi Hauser lors d’une réunion de la commission de la Knesset le 20 mai 2019. (Hadas Parush/Flash90)

Mais il assure que son projet prévoit un cadre légal pour empêcher toute dérive, basé sur le consentement du soldat et un contrôle minutieux des dossiers des femmes voulant réaliser la FIV.

La loi s’appliquera à tous les décès mais a été initiée pour répondre aux cas spécifiques des soldats, explique M. Hauser.

« Quand on meurt dans un accident de voiture, on a décidé d’être sur la route. Quand on est tué à l’armée, c’est l’armée qui a décidé que vous soyez là-bas », dit-il à l’AFP. « On vous doit quelque chose et pas seulement de l’argent ».

Irit Oren Gunders, directrice d’une association de soutien aux proches de soldats tués, parle d’une « obligation morale » pour permettre d’assurer une « continuité » familiale, quitte à donner naissance à des orphelins de père.

Pour elle, cette législation est semblable à celle sur la procréation médicalement assistée (PMA) permettant à des femmes seules d’avoir des enfants.

« Il y a beaucoup de femmes qui se rendent dans des banques de sperme et ne savent pas qui est le donneur (…) Ici, c’est du gagnant-gagnant: on pourra dire aux enfants qui était leur père, un héros qui s’est battu pour son pays », affirme Mme Oren Gunders.

« Problème éthique »

Adopté sans réserves en première lecture, le texte a toutefois suscité des critiques, notamment chez les rabbins.

Si Binyamin David de l’Institut rabbinique Pouah, affirme comprendre « la douleur » des familles de soldats tués, ce rabbin souligne « un problème éthique » dans le fait d' »utiliser » un enfant « comme une commémoration de son père décédé ».

Le rabbin Binyamin David, directeur de l’Institut Pouah, qui traite des questions de fertilité et de halakha. (Crédit : Facebook)

Si le soldat « avait connu la mère de son enfant, il n’est pas sûr qu’il aurait été d’accord pour avoir l’enfant avec cette femme-là », poursuit-il.

Amit Ben Ygal souhaitait avoir des enfants et avait une petite amie lorsqu’il est mort, mais celle-ci se sent trop jeune pour une grossesse, d’après le père du soldat.

Il affirme avoir été contacté par des centaines de femmes désireuses de devenir la mère de son petit-enfant, assurant qu’il laissera toute la place à la maman.

Mais il plaide : « Donnez-moi quelque chose pour continuer à vivre. Si j’ai un fils d’Amit, si je sais que j’ai des petits-enfants qui seront là quand je partirai, alors je partirai heureux ».

En 2017, un couple israélien qui avait gagné quelques mois plus tôt le droit de faire et d’élever un enfant à partir du sperme prélevé après la mort de leur fils soldat a subi un revers juridique.

Irit et Asher Shahar souhaitaient utiliser le sperme de leur fils Omri, capitaine de la Marine israélienne, tué en juin 2012 à l’âge de 25 ans dans un accident de voiture, pour fertiliser un ovule acheté et créer un embryon et l’implanter dans une mère porteuse.

Asher et Irit Shahar, avec leur fils Omri, avant la mort d’Omri en juin 2012. (Crédit : autorisation)

Depuis 2003, la loi israélienne autorise les prélèvements de sperme posthume dans le but d’être ultérieurement inséminé ou implanté par fécondation in-vitro ou chez la femme du défunt.

Au cours de la dernière décennie, il y a eu de nombreux cas de parents qui donnaient le sperme de leur fils à des femmes qui souhaitaient procréer. Dans de tels cas, les femmes étaient les mères biologiques de l’enfant. Elles les élevaient, et les parents du donneur posthume conservaient leur rôle de grands-parents.

Certains pays autorisent le prélèvement de sperme posthume si le défunt a laissé une autorisation écrite. En France, en Allemagne et en Suède, par exemple, c’est totalement interdit.

Aux États-Unis, la loi varie d’un état à l’autre, et des affaires clés se sont focalisées davantage sur les questions d’héritage et de sécurité sociale de l’usage d’un tel échantillon que sur le droit à l’utilisation des gamètes.

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