Le plan de Trump pour Gaza vise à appâter Ryad ; les Saoudiens ont-ils été séduits ?
Selon un diplomate arabe, les États-Unis ne devraient pas miser sur l'Arabie saoudite : Ryad ne proposera pas la normalisation, comme l'avait fait Abou Dhabi avec l'annexion de la Cisjordanie

La proposition du président américain Donald Trump de prendre le contrôle de la bande de Gaza et de la vider de ses Palestiniens a fait paniquer les dirigeants arabes mardi soir. Le conseiller à la Sécurité nationale Mike Waltz a cherché à apaiser les esprits le lendemain matin.
Le principal conseiller de la Maison Blanche a laissé entendre, dans une interview accordée à CBS News, que le plan de Trump visait probablement à faire naître de nouvelles idées chez ses homologues arabes sur la manière de reconstruire la bande de Gaza.
« Personne n’a de solution réaliste, et il met sur la table des idées très audacieuses, fraîches et nouvelles… Cela permettra à toute la région de proposer ses propres solutions si elle n’aime pas la solution de M. Trump », a déclaré Waltz.
Le conseiller à la Sécurité nationale a semblé considérer la proposition de Trump comme une simple tactique de négociation, le président mettant sur la table une offre (très) ambitieuse tout en étant ostensiblement prêt à se contenter de moins, pour autant qu’il s’agisse d’une amélioration par rapport à la situation de départ actuelle.
Tel semble être le plan du président pour gérer les différends avec le Canada, le Mexique, le Panama et la Colombie au cours des deux premières semaines de son mandat.
Et cela n’est pas propre au second mandat de Trump, pas plus qu’au conflit israélo-arabe.
En 2020, Trump avait dévoilé – lors d’une autre conférence de presse conjointe avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu – un plan de paix qui offrait à Israël plus de territoires en Cisjordanie que toute autre proposition antérieure et prévoyait que les États-Unis reconnaissent l’annexion par Israël de toutes ses implantations.
Netanyahu s’était engagé à faire passer une décision du cabinet actualisant ce plan le week-end suivant et des dirigeants d’implantations avaient salué l’événement, tout comme ils l’ont fait mardi après l’annonce de la proposition de Trump de prendre le contrôle de Gaza.
En définitive, l’exaltation de l’extrême droite a été de courte durée. Les Émirats arabes unis sont venus aux États-Unis avec une contre-proposition que Trump ne pouvait pas refuser : normaliser les relations avec Israël en échange de l’abandon par Jérusalem de sa tentative d’annexion soutenue par les États-Unis.
L’échange de bons procédés n’impliquait pas de résoudre le conflit israélo-arabe, comme le prévoyait son plan de paix pour 2020, mais Trump ne semblait pas opposé à l’idée de contourner les Palestiniens pour renforcer les liens d’Israël avec d’autres dirigeants arabes de la région et ouvrir la voie à des contrats d’armement lucratifs entre Washington et ses alliés arabes.

Cinq ans plus tard, Waltz nous apprend que Trump est à nouveau ouvert à d’autres propositions que celle qu’il a annoncée lors de sa dernière conférence de presse conjointe avec Netanyahu.
Les spéculations allaient bon train sur le fait que l’accord en cours pour la libération des otages serait en tête de l’ordre du jour de la visite de Netanyahu, compte tenu de la volonté de Trump de le mener à bien et de l’intention de plus en plus manifeste du Premier ministre de reprendre le combat contre le groupe terroriste palestinien du Hamas avant que les trois phases de l’accord n’aient été achevées.
Mais après avoir exprimé à maintes reprises son manque de confiance dans la capacité du cessez-le-feu à tenir, Trump a détourné l’attention de ce problème en mettant à l’épreuve son idée de prise de contrôle de la bande de Gaza.
Un haut fonctionnaire israélien a déclaré mercredi au Times of Israel que Jérusalem estime que Trump ne cherche ni à faire pression ni à influencer le Hamas avec cette proposition.

Selon ce responsable israélien, basé à Washington, le message était en réalité destiné à l’Arabie saoudite.
Les décideurs de Ryad ont sans nul doute pu l’entendre en direct, puisqu’ils étaient déjà réveillés à 4 heures du matin pour publier une déclaration réfutant catégoriquement une affirmation faite par Trump quelques heures plus tôt dans le Bureau ovale. Ce dernier avait déclaré que Ryad n’exigeait pas la création d’un État palestinien en échange d’une normalisation des relations avec Israël.
Trump espère que Ryad suivra les traces d’Abou Dhabi et proposera de normaliser les relations avec Israël en échange de la suspension de son tout dernier plan, comme il l’a fait pour les droits de douane de 25 % imposés au Canada et au Mexique, a supposé le responsable israélien.
Un tel accord serait bien plus lucratif pour Trump, qui parle déjà de demander à l’Arabie saoudite d’investir 1 000 milliards de dollars dans l’économie américaine.

Cependant, un diplomate arabe de haut rang a déclaré au Times of Israel que Trump et Netanyahu ne devraient pas s’attendre à ce que Ryad vienne à leur rescousse.
« Le président Trump est allé trop loin avec ce plan, et son effort pour déstabiliser l’Égypte et la Jordanie ne peut pas être accepté », a déclaré le diplomate, faisant référence aux appels répétés de Trump pour que Le Caire et Amman accueillent des Palestiniens pendant la reconstruction de Gaza, ce qui, selon les deux pays, menacerait leur sécurité nationale et élargirait les frontières du conflit israélo-arabe, au lieu de les réduire.
Interrogé sur la volonté de l’administration Trump de voir les pays arabes proposer des solutions alternatives, plutôt que de simplement rejeter celles émanant de Washington, le haut diplomate a insisté sur le fait que le monde arabe le faisait déjà.
Le diplomate a évoqué les plans de gestion de la bande de Gaza après la guerre, qui impliquent l’Autorité palestinienne (AP) et le soutien de près d’une demi-douzaine de pays arabes.

« Tous ces projets ont été bloqués par Netanyahu », a déclaré le diplomate, déplorant le refus du Premier ministre d’accorder une place à Gaza à l’AP plus modérée, basée en Cisjordanie, qu’il assimile toujours au groupe terroriste palestinien du Hamas.
« Cet effort était le meilleur moyen de marginaliser le Hamas à Gaza, et Israël l’a rejeté, ce qui a permis au Hamas de rester une force aussi puissante qu’elle l’est aujourd’hui », a estimé le haut diplomate arabe.
Le diplomate a affirmé que les pays arabes alliés de Washington sont toujours prêts à travailler avec l’administration Trump pour stabiliser Gaza, « mais cela signifie qu’il faut s’occuper – et non pas exporter – de la situation difficile des Palestiniens ».
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