Le président rencontre des femmes arabes qui ont perdu des proches dans des crimes
Une mère dont la fille a été abattue sous ses yeux, une femme dont sept membres de la famille ont été tués et d’autres ont participé à cette réunion déchirante
Alors que le nombre de meurtres dans la communauté arabe continue de grimper en flèche, le président Isaac Herzog et son épouse Michal ont rencontré dimanche, à leur résidence, des femmes arabes qui ont perdu des êtres chers, victimes du fléau de la criminalité violente.
Amina Abu Siyam a évoqué sa fille Rabab, mère de trois enfants, qui a été assassinée par son mari après des années de violences.
« Elle a été institutrice pendant neuf ans. La situation s’est empirée avant qu’elle ne termine sa formation de directrice d’école. Son mari ne voulait pas qu’elle devienne directrice. Il la menaçait. Elle a vécu avec moi pendant un an, menacée de meurtre », a déclaré Abu Siya.
Pour finir, « il est entré chez moi et lui a tiré dessus à bout portant. Elle était assise à côté de moi et elle a reçu six balles dans la tête, alors que sa fille jouait sur ses genoux… J’ai vu chaque balle entrer dans sa tête et je n’ai rien pu faire ».
Abu Siyam a indiqué qu’elle était elle-même menacée et a exhorté Herzog à faire pression pour que des mesures plus sévères soient prises à l’encontre des hommes violents.
« Monsieur le Président, je vous demande de mettre un terme à cette situation par tous les moyens possibles. La loi doit être modifiée pour offrir aux femmes menacées plus qu’un abri. »
Kifah Agbariyeh, une habitante d’Umm al-Fahm, a raconté que sept de ses proches avaient été assassinés, « le dernier il y a moins d’un mois ».
« Par l’une des organisations criminelles connues à Umm al-Fahm. Ma famille compte aujourd’hui 28 orphelins. S’il est vrai que nous vivons dans un pays démocratique, n’en suis-je pas une citoyenne ? N’ai-je pas le droit d’être en sécurité ? Je ne suis pas protégée, Monsieur le Président », a déploré Mme Agbariyeh.
Michael Herzog a déclaré qu’elle n’avait « pas de mots » pour décrire ce qu’elle ressentait en entendant les récits des femmes. « Vous faites partie de la communauté arabe, mais il s’agit de nous tous, de tous les membres de notre société et nous vivons tous au même endroit ». Elle a remercié les femmes et a déclaré : « Je partage votre frustration ».
Herzog a, quant à lui, affirmé qu’il traitait l’affaire « comme si notre propre famille avait été blessée et tuée ».
« Il ne s’agit pas pour moi d’une question de Juifs et d’Arabes. C’est un problème national israélien à grande échelle… Il suffit de vous entendre pour comprendre à quel point c’est terrible. Il est nécessaire de prendre des mesures pour que chaque homme qui envisage de prendre une arme à feu y réfléchisse à deux fois, et ce, sans parler de ce qu’il reste à faire dans le domaine de l’éducation, de l’emploi et de la protection sociale.
« Ce phénomène doit être éradiqué. Il est dangereux et terrible. Il va à l’encontre de tout droit de l’homme à vivre en paix. Nous sommes là pour vous aider. Nous œuvrons pour lutter contre cette guerre depuis notre entrée [dans la résidence du Président], et c’est un défi de taille pour Israël », a déclaré Herzog, ajoutant que les femmes qui étaient venues s’exprimer « sont de véritables héroïnes, qui mènent un combat courageux et juste ».
Dimanche encore, deux hommes ont été abattus dans la ville arabe de Nahf, dans le nord du pays, à la suite d’une querelle entre criminels, selon la police. D’après les informations publiées par la presse israélienne, les deux hommes étaient âgés de 71 et 61 ans. Ils ont été abattus alors qu’ils étaient assis dans une voiture.
Ce crime est le dernier en date d’une vague de crimes meurtriers qui frappent la communauté arabe.
Selon le groupe Abraham Initiatives, une organisation qui traque les violences dans la communauté arabe, au moins 106 Arabes ont été tués depuis le début de l’année dans des incidents violents ou liés à la criminalité. Parmi eux, 91 ont été tués par balle. Quatre-vingt-dix-neuf étaient des citoyens israéliens. Au cours de la même période l’année dernière, il y a eu 44 décès, a déclaré le groupe.
La police, les politiciens et les leaders communautaires se battent, depuis quelques années, pour endiguer les activités criminelles à l’origine de l’escalade de la violence, qui semble s’être intensifiée depuis quelques mois.
De nombreux leaders communautaires arabes attribuent la responsabilité de ces violences aux autorités et à la police qui, selon eux, ont été dans l’incapacité de réprimer les organisations criminelles, détournant largement le regard face à ces violences – querelles familiales, guerres entre gangs et violences faites aux femmes. Les communautés souffrent aussi de longues années de négligence de la part des autorités de l’État.
Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, un législateur d’extrême droite qui a fait campagne en promettant de renforcer la sécurité publique, est resté largement silencieux sur la montée en flèche de la criminalité.
Selon ses critiques, il aurait en outre pris des décisions politiques qui contribuent à mettre des vies en danger, comme l’abandon des campagnes de lutte contre la criminalité dans plusieurs villes arabes.
Les analystes estiment que les meurtres sont dus à la violence du monde interlope, alimentée par des gangs puissants pratiquant l’extorsion, le prêt usuraire, le racket de protection et d’autres activités criminelles.
Samedi, des centaines de personnes, dont des membres arabes de la Knesset, ont protesté contre ce qu’ils appellent l’apathie de la police face à la montée en flèche de la criminalité.