Le propriétaire juif d’un magasin pillé à Chicago « n’est pas du tout en colère »
"Je suis seulement contrarié que les gens n'en soient pas restés à Black Lives Matter," a déclaré Don Flesch

JTA — Don Flesch a réussi à emporter un seul article de sa boutique d’appareils photos située dans le centre-ville de Chicago alors qu’elle était consumée par les flammes samedi soir : un ancien appareil Kodak. C’était le premier appareil photo que son grand-père vendait après qu’il a ouvert le magasin en 1899.
Mais Flesch a déclaré qu’il ne gardait aucune rancœur envers les gens qui ont pillé et brûlé sa boutique, Central Camera. Le pillage s’est déroulé dans le contexte des émeutes entraînées par la mort de George Floyd, un homme noir lors de son arrestation par un policier de Minneapolis, aidé de ses trois collègues, pendant le Memorial Day.
« Je ne suis pas en colère du tout, a déclaré Flesch à la JTA. Je suis seulement contrarié que les gens n’en soient pas restés à Black Lives Matter. C’est la raison pour laquelle toute cette affaire a commencé ».
Central Camera, située à l’ombre d’une voie ferrée suspendue sur South Wabash Avenue, à quelques pâtés de maison du célèbre Art Institute de Chicago, est l’un des différents commerces tenus par des Juifs à avoir subi des dégâts pendant les émeutes de ce week-end. A Los Angeles, le quartier historiquement juif de Fairfax était un épicentre de la manifestation, alors que des restaurants casher israéliens ont été endommagés à Washington, DC.
Comme de nombreux autres propriétaires, Flesch a exprimé sa solidarité avec les manifestants et a promis de reconstruire sa boutique. Il reçoit l’aide de nouveaux passionnés d’appareils photo qui ont fait un don dans le cadre d’une campagne de financement participatif. Lundi soir, il avait déjà récolté près de 140 000 dollars.

Mais, il ne pourra pas récupérer certains objets qu’il a perdus dimanche soir, notamment des appareils photos rares et des anciens modèles sur les 121 ans d’histoire de Central Camera.
La boutique a été un lieu important du centre-ville de Chicago pendant toute cette période, ses néons distinctifs allumés au-dessus de la devanture du magasin étaient présents depuis les années 1920. La boutique est située à un pâté de maisons de l’endroit où le grand-père de Flesch, Albert, a ouvert sa première boutique dans la rue Adams en 1899.
Adolescent, Albert Flesch a fui sa Hongrie natale plutôt que d’accepter une conscription forcée dans l’armée. Au lieu d’aller en Italie, il est monté dans un bateau à destination d’Ellis Island et a ensuite pris un train pour Chicago. Il a trouvé son premier emploi en 1895 dans le commerce des appareils photo au Siegel-Cooper sur State Street. Quatre ans plus tard, il a ouvert Central Camera.
Il a tenu la boutique pendant plus de 50 ans, jusqu’à sa mort d’un arrêt cardiaque en 1953. Trois ans après l’ouverture de sa boutique, Albert Flesch est devenu le premier propriétaire blanc d’une boutique du centre-ville de Chicago à embaucher un homme noir à un poste de vente. Il avait alors proposé à George, un noir américain, de travailler derrière le comptoir.
Après la mort d’Albert Flesch, la boutique a été reprise par ses fils – le père de Flesch, Harold, et son frère Stanley. Flesch les aidait les samedis soirs alors qu’il était à l’école primaire. Il a commencé à y travailler à plein temps en 1968.
A un moment, il y avait tellement de Flesch à travailler dans la boutique qu’ils ont commencé à se faire appeler par leurs initiales.

La famille de la mère de Flesch, les Lieberman, était originaire de Pologne. La famille a vécu à Hyde Park dans le sud de Chicago, où ils fréquentaient la Sinai Congregation, la plus vieille synagogue réformée de la ville. Flesch a épousé une femme israélienne qui partageait sa passion pour la photographie. Le couple a eu deux enfants avant de divorcer.
Samedi soir, Flesch était dans sa maison dans la banlieue de Skokie quand il a été informé que les alarmes s’étaient déclenchées à Central Camera. Il est arrivé au centre-ville presque une heure plus tard, regardant désespérément depuis l’autre côté de la rue, comment des pillards détruisaient la boutique.
« Les gens entraient et sortaient, ils entraient sans rien et sortaient avec quelque chose, a-t-il dit. Je n’ai pas aimé ça, mais je ne pouvais rien faire. Et je n’allais pas essayer de les en empêcher ».
Ni le frère jumeau de Flesch, Ronald, un architecte, ni ses deux enfants n’ont manifesté leur intérêt pour reprendre l’affaire familiale. Flesch ne sait pas ce qui va se passer à la troisième génération de son entreprise quand il sera temps pour lui de partir à la retraite.
Entre temps, il a promis de reconstruire.
« C’est mon boulot, a déclaré Flesch. C’est le seul boulot que j’aie jamais fait. Je veux continuer à le garder en vie. Nous allons reconstruire. Nous allons revenir aussi bons, voire meilleurs, qu’avant ».