“L’élection n’est pas pliée”, prévient Robert Badinter
“Mme Le Pen et ses partisans nous proposent d’avancer, mais à reculons, en tournant le dos à l’avenir”, déplore l'ancien garde des Sceaux
L’ancien garde des Sceaux socialiste Robert Badinter met en garde contre le danger Marine Le Pen et pense que l’élection présidentielle n’est pas « pliée », dans un entretien au Journal du Dimanche.
« Je ne ressens pas le même optimisme que nombre de mes amis. Non, l’élection présidentielle n’est pas ‘pliée’ et la défaite de Mme Le Pen n’est pas acquise », prévient M. Badinter.
Et d’expliquer : « le résultat peut dépendre du taux d’abstention au second tour, notamment à gauche. Il suffit qu’une proportion élevée des électeurs s’abstienne de voter pour M. Macron, et Mme Le Pen peut l’emporter. »
Au cœur du projet de Marine Le Pen « s’inscrit le rejet, voire la disparition de l’Union européenne dont la France est fondatrice et qui assure à tous les peuples européens la paix, la liberté et, en dépit des crises, le progrès et la stabilité économique », met en garde M. Badinter.
« Mme Le Pen et ses partisans nous proposent d’avancer, mais à reculons, en tournant le dos à l’avenir », déplore-t-il.
Parmi les « propositions critiquables » du Front national, celle que M. Badinter considère comme « la plus dangereuse » est « l’instauration d’un principe constitutionnel de ‘préférence nationale’. »
« Elle ouvrirait la voie à des mesures humainement détestables, qu’il s’agisse notamment de l’école, des services de santé, des logements sociaux ou de l’emploi. Ce n’est pas en ajoutant la misère à la défiance que l’on pourra intégrer les étrangers établis légalement sur notre sol », s’emporte-t-il.
Robert Badinter ne pense pas que le Front national a « changé de nature », « il a seulement changé de look ».
Il « regrette » le choix de Jean-Luc Mélenchon de ne pas appeler à voter contre Marine Le Pen.
« S’abstenir aujourd’hui, c’est favoriser l’élection de Mme Le Pen. Si c’est un choix tactique, c’est une erreur politique. Si c’est l’expression d’une conviction, c’est plus grave encore », lance-t-il.
Concernant la situation du Parti socialiste, l’ex-garde des Sceaux estime que « ce n’est pas la première grande défaite » que connaît le PS.
« Le résultat du premier tour ne signifie pas la disparition du mouvement socialiste français. Mais il ouvre une période de remise en question de son programme et de son organisation. Ce sera difficile, mais le mouvement socialiste, cette conjonction des libertés et de la justice sociale, ne peut pas disparaître de la scène politique. »