Les dirigeants du mouvement anti-réforme s’engagent à intensifier les manifestations
Selon l'ex-Premier ministre Ehud Barak, les pilotes et les unités spéciales devraient refuser de servir si la coalition adopte le projet de loi sur le "caractère raisonnable"
Les dirigeants du mouvement de protestation en cours contre la reforme du système judiciaire du gouvernement se sont engagés à intensifier encore leur opposition la semaine prochaine, alors que les manifestants bloquaient les routes et se rassemblaient devant les domiciles des membres de la coalition jeudi soir.
S’exprimant lors d’une conférence de presse, les organisateurs ont appelé à une manifestation « comme on n’en a jamais vu auparavant en Israël » mardi prochain, au lendemain du jour où la Knesset devrait tenir le premier des trois votes en plénière sur un projet de loi qui limiterait la capacité des tribunaux à utiliser l’outil judiciaire de la notion du « caractère raisonnable » lors du réexamen des décisions gouvernementales et ministérielles.
« Nous allons intensifier notre lutte », ont-ils déclaré.
Répondant à l’appel du chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, jeudi pour que la coalition reprenne les pourparlers sur la réforme judiciaire, les manifestants ont réitéré leur demande de ne pas négocier jusqu’à ce que le processus législatif soit complètement abandonné.
« Le pays est en grand et immédiat danger », a déclaré Shikma Bressler, physicienne et co-organisatrice du mouvement de protestation.
Moshe Radman, un autre leader de la manifestation, a promis que les manifestants continueraient « d’exercer [leur] droit démocratique de manifester de toutes leurs forces ».
Il a exhorté les patrons à donner à leurs employés un jour de congé mardi afin de pouvoir manifester.
L’ancien Premier ministre et chef d’état-major de Tsahal, Ehud Barak, a déclaré jeudi que les pilotes et autres membres militaires d’élite devraient refuser de continuer à servir au sein de Tsahal si le projet de loi sur le « caractère raisonnable » devenait loi.
Le projet de loi visant à empêcher les juges d’exercer un réexamen judiciaire sur le « caractère raisonnable » des décisions du gouvernement a été approuvé par la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset mardi et devrait être examiné en première lecture la semaine prochaine. La coalition viserait à ce qu’elle soit promulguée avant la pause estivale de la Knesset fin juillet.
Barak a déclaré jeudi dans une interview télévisée à la Douzième chaîne que « lorsqu’une loi comme celle-là passe en première lecture [à la Knesset], elle est adoptée afin de la préparer pour ses deuxième et troisième lectures [finale]. C’est un signal d’alarme, une véritable alarme pour tout le pays ».
« Ce jour-là, je m’attends à ce que les pilotes et le Directorat des Renseignements militaires répètent tous leur avertissement : ‘Netanyahu, attention, à la minute où vous essayerez de transformer la première lecture en une véritable loi, nous refuserons de servir une dictature. Point final' », a poursuivi Barak.
Jeudi soir, des manifestants se sont rassemblés près des domiciles de nombreux députés de la coalition, notamment deux des figures de proue du remaniement judiciaire – le ministre de la Justice Yariv Levin et le député Simcha Rothman (HaTzionout HaDatit), ce dernier présidant la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset.
D’autres manifestations ont eu lieu au domicile de ministres et de députés du parti au pouvoir, le Likud, notamment du président de la Knesset Amir Ohana, du ministre de l’Économie Nir Barkat et de la ministre des Renseignements Gila Gamliel. Les manifestants ont également manifesté plus tôt dans la journée devant la maison de Gamliel au nord de Tel Aviv.
La police a déclaré que deux manifestants avaient été arrêtés à Tel Aviv pour avoir attaqué des officiers et troublé l’ordre public, près du domicile du ministre du Développement du Néguev et de la Galilée, Yitzhak Wasserlauf, du parti d’extrême droite Otzma Yehudit. Deux personnes ont également été arrêtées devant le domicile d’Ohana, dans la ville côtière, pour trouble à l’ordre public.
Les membres de la coalition ont récemment intensifié leurs plaintes concernant les rassemblements devant leurs domiciles et ont appelé à une réponse plus sévère de la police (bien qu’ils aient souvent soutenu des manifestations similaires lorsqu’ils s’opposaient au précédent gouvernement).
Les manifestants ont défilé sur l’autoroute Ayalon de Tel Aviv et ont brièvement bloqué la Route 2 le long de la côte. Ils ont également bloqué des routes près du domicile de Levin à Modiin et à Ramat Gan.
אחרי אירועי המחאה אמש באיילון: מפגינים מתאספים בשעה זו מחוץ לבתי השרים ברחבי הארץ. בסרטון – מפגינים סמוך לביתה של השרה גילה גמליאל בתל אביב@michalpeylan pic.twitter.com/P8apNWZuxu
— החדשות – N12 (@N12News) July 6, 2023
« La violence contre les manifestants doit cesser. Les tentatives du gouvernement de supprimer par la force la démocratie se heurteront à une résistance déterminée », a déclaré le chef de l’opposition Yaïr Lapid dans un communiqué.
« La tentative de Levin et [du ministre de la Sécurité nationale Itamar] Ben Gvir de transformer la police en une milice violente sera vaine. »
Les protestations ont eu lieu après que les routes du pays ont été bloquées pendant plusieurs heures mercredi soir par des manifestations spontanées après que le chef de la police de Tel Aviv a annoncé qu’il démissionnerait plutôt que d’être transféré à un poste à échelon inférieur que celui qu’il occupait jusqu’à présent.
Amichaï Eshed a déclaré qu’il avait été démis de ses fonctions en raison de ce qu’il a appelé des « considérations politiques » et pour avoir refusé d’utiliser une « force disproportionnée » à l’égard des manifestants opposés à la réforme judiciaire.
Des milliers de personnes sont descendues dans les rues après son annonce, la plus grande des plus de 40 manifestations signalées dans tout le pays ayant eu lieu sur l’autoroute Ayalon de Tel Aviv, où la police a fait face à des manifestants bloquant la circulation et allumant des feux. L’artère a été bloquée pendant plusieurs heures alors que la police s’efforçait de rétablir l’ordre, avant de déployer des officiers de la garde montée et des canons à eau pour disperser de force les manifestants après minuit.
Un conducteur coincé dans la circulation a tout simplement décidé de rouler sur la foule, apparemment alors qu’il filmait l’incident sur son téléphone, blessant au moins un manifestant avant d’être arrêté par la police. Il aurait été libéré jeudi matin sous certaines conditions.
L’hôpital Ichilov de Tel Aviv a déclaré jeudi que 14 personnes avaient été soignées suite à la manifestation. Six d’entre elles ont été blessées aux yeux, et l’une d’entre elles a dû être opérée.
Après minuit mercredi, la police a déclaré avoir évacué la plupart des manifestants de Tel Aviv d’Ayalon et arrêté 15 personnes. Tous les détenus ont été libérés jeudi matin, a rapporté la chaîne publique israélienne Kan.
Les manifestations de mercredi soir n’étaient pas sans rappeler celles qui avaient eu lieu dans tout le pays fin mars après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu eut annoncé sa décision de limoger son ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui avait mis en garde contre l’impact de la refonte judiciaire sur la sécurité. Netanyahu avait ensuite suspendu le processus législatif de la réforme judiciaire dès le lendemain et était ensuite revenu sur sa décision de renvoyer Gallant.
Israël a été secoué par des manifestations de masse depuis début janvier, lorsque Levin a annoncé son plan de grande envergure pour réformer radicalement le système judiciaire. Les manifestants ont averti que cette réforme affaiblirait le caractère démocratique d’Israël, supprimeraient un élément clé de ses freins et contrepoids et laisseraient les minorités sans protection. Ses partisans affirment, au contraire, qu’il s’agit d’une réforme indispensable pour mettre un frein à l’activisme de la Cour.