Gantz exhorte Netanyahu à reprendre les négociations sur la refonte judiciaire
Pour le chef de parti d'opposition, les négociations sont nécessaires pour "empêcher les effusions de sang" ; pour le Likud, elles sont "une perte de temps"
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le député Benny Gantz, l’un des chefs de l’opposition, a mis en garde, jeudi, contre le risque imminent de guerre civile. Gantz a demandé au Premier ministre Benjamin Netanyahu de mettre un terme au projet de refonte judiciaire prévu par sa coalition et de revenir à la table des négociations afin de tenter de trouver un compromis.
Solidaire des manifestations qui tentent de faire pression sur Netanyahu, Gantz s’est adressé aux journalistes depuis Ramat Gan, dans les environs de Tel Aviv, à quelques mètres de l’endroit où les manifestants ont tenu l’une de leurs actions les plus intenses, quelques heures plus tôt.
Mercredi soir en effet, des milliers de manifestants ont bloqué l’autoroute principale de la ville à grands renforts de feux d’artifices et autres fusées éclairantes, avant d’être dispersés par les canons à eau de la police et les coups de la police montée.
Des manifestations similaires ont eu lieu, sensiblement au même moment, en une quarantaine d’endroits, dans tout le pays, suite à la démission du chef de la police de Tel Aviv, Amichai Eshed.
« Je demande à Netanyahu d’annoncer sans délai la suspension du projet de loi et de venir à la résidence présidentielle aujourd’hui se rassoir à la table des négociations », a déclaré Gantz. « S’il ne le fait pas pour la démocratie, s’il ne le fait pas pour la sécurité, s’il ne le fait pas pour l’économie, alors qu’il le fasse pour l’intégrité de la population israélienne et pour éviter de nouvelles effusions de sang. »
Le parti du Likud de Netanyahu n’a pas tardé à réagir en déclarant en substance : « Nous n’avons pas confiance en Benny Gantz », quand il parle de parvenir à un consensus.
Gantz a ajouté que le parti « est otage des manifestants et ne veut pas – voire ne peut pas – parvenir à un compromis. Son objectif est de gagner du temps ».
Cette semaine, la coalition a présenté des projets de loi visant à limiter le recours, par le pouvoir judiciaire, à la notion juridique de « caractère raisonnable » pour examiner les décisions des élus et priver de pouvoir l’Association du barreau israélien, en supprimant sa présence du panel chargé de sélectionner les juges du pays.
Ces mesures sont largement considérées comme des signes avant-coureurs de ce qui est à n’en pas douter le clou de la refonte judiciaire, à savoir l’attribution de davantage de pouvoirs aux branches de l’exécutif et du législatif en matière de nomination des juges, par une restructuration de la commission de sélection des juges.
Gantz a réaffirmé son soutien aux manifestants qui, depuis maintenant six mois, s’opposent « au coup d’État du régime ».
La manifestation de mercredi, organisée dans le sillage du « débarquement » d’Eshed, qui s’est dit poussé à la démission pour des raisons « politiques » – à savoir son refus de faire usage de « force disproportionnée » contre les manifestants – a fait écho au blocage, lundi, des voies d’accès à l’aéroport international Ben Gurion.
Plus de 10 000 manifestants ont pris d’assaut les voies d’accès à l’aéroport, des centaines d’entre eux faisant irruption dans le terminal à renfort de slogans, klaxons et drapeaux israéliens.
Une des leaders de la manifestation, Shikma Bressler, a déclaré jeudi à la radio militaire que ces actions avaient vocation à « passer à la vitesse supérieure de la contestation ». Les leaders des manifestations ont en effet fait savoir que leur objectif était d’empêcher la promulgation de projets de loi liés à la réforme avant les vacances d’été de la Knesset, à la fin du mois de juillet.
Là où Gantz assure que « le dialogue est la seule solution pour se bâtir un avenir commun », les leaders de la contestation et des partis de l’opposition qui ne participent pas aux négociations aujourd’hui en suspens n’y voient qu’une sombre farce.
« Nous en avons assez de ces appels à un faux dialogue », a renchéri le chef du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, peu de temps après le discours de Gantz.
« Il est proprement irresponsable de faire de l’opposition un trompe-l’œil démocratique », a-t-il poursuivi, affirmant qu’il est de la « responsabilité de l’opposition de se positionner clairement contre le gouvernement messianique et halakhique [relevant de la loi juive] et ses projets de loi prédateurs qui nous mènent tout droit vers un régime aveugle. »
Gantz a dit s’être entretenu jeudi avec le président, Isaac Herzog, sous les auspices duquel des pourparlers s’étaient déroulés, et a redit son intérêt à une reprise des négociations.
HaMahane HaMamlahti, le parti de Gantz, et Yesh Atid dirigé par le chef de l’opposition, Yair Lapid, se sont tous deux retirés des pourparlers à la mi-juin, posant comme conditions à leur retour la dotation, par la coalition, de personnels auprès de la commission de sélection des juges, dont ils demandent par ailleurs qu’elle se réunisse, et l’arrêt du projet de refonte controversé.
La coalition n’a répondu à aucune de ces conditions pour le moment, et le Likud a imputé cette rupture du dialogue aux rangs de l’opposition.
« Il est dommage que Benny Gantz n’ait pas répondu aux appels des dirigeants de la coalition, qui lui demandaient depuis des mois de conclure un accord », a encore déclaré le Likud dans son communiqué de jeudi.