Les Israéliens éthiopiens demandent des excuses et la démission du chef de la police
Une porte-parole de la police et le ministre Erdan défendent Alsheich, pour qui il est “naturel” que les policiers suspectent davantage les immigrants

Le député Israélien éthiopien Avraham Nagusa a appelé mercredi le chef de la police israélienne Roni Alsheich à s’excuser publiquement pour avoir déclaré qu’il était « naturel » que la police suspecte plus les Israéliens éthiopiens que les autres citoyens, dans un contexte d’appel croissant à sa démission.
Alsheich s’est attiré des condamnations de toute part pour ses remarques, qui ont été interprétées comme racistes.
« Des études dans le monde ont prouvé que les immigrants et les jeunes étaient invariablement plus impliqués dans la criminalité que les autres », a-t-il déclaré pendant une réunion de l’association du barreau israélienne de Tel Aviv.
Il répondait à une question sur les accusations persistantes de violence policière et de discrimination raciale à l’encontre des Israéliens éthiopiens.

Mercredi matin, le député du Likud Nagusa a demandé sur Twitter que « le chef de la police s’excuse auprès de la communauté des immigrants éthiopiens pour ses remarques d’hier soir. »
Des militants sociaux de la communauté israélo-éthiopienne ont appelé le chef de la police à remettre son badge mercredi matin, déclarant que ses remarques « ont prouvé que la police met la communauté en danger. »
La dirigeante de l’Association israélienne pour les juifs éthiopiens, Ziva Mekonen-Degu, a demandé la démission d’Alsheich, déclarant qu’il ne pouvait pas rester en charge de l’application de la loi en Israël.
Les deux responsables se sont rencontrés mercredi matin, a annoncé la radio militaire.
« Je lui ai dit qu’il existe une certaine élite qui se voit comme les seuls représentants de Dieu et les seuls êtres humains, et [le reste d’entre nous] sont probablement des criminels. Une telle personne ne peut pas superviser les forcs de l’ordre », a déclaré Mekonen-Degu.
Une porte-parole de la police a rejeté sur la Dixième chaîne les critiques de son chef, soulignant qu’il ne faisait que citer les conclusions d’études criminologiques dans le monde.
« Dans les 26 postes de police situés dans des communautés d’immigrants éthiopiens, nous formons les policiers différemment, ils prennent la responsabilité et vérifient touts les dossiers des années en arrière. Dans les endroits où un jeune Ethiopien a un seul délit [sur son dossier] d’insulte à un policier ou d’obstruction de l’action d’un policier, nous abandonnons le dossier », a déclaré la porte-parole, Merav Lapidot.
« Nous voyons que les jeunes [israélo-éthiopiens] sont biens, tout comme nos enfants », a-t-elle ajouté.
Alsheich avait déclaré que les études avaient monté que les jeunes en général étaient plus impliqués dans la criminalité, et que « quand les deux se rassemblent, il y a une situation dans laquelle une communauté donnée est plus impliquée que d’autres dans la criminalité, en termes de statistiques. »
« Quand un policier arrive vers un individu suspect [jeune ou immigrant, ou les deux], son cerveau le suspecte plus que quelqu’un d’autre, c’est naturel », a-t-il continué. Il a souligné que les préjugés à l’égard des Ethiopiens parmi les policiers « sont naturels », en raison des statistiques mentionnées les associant, en tant qu’immigrés, à des taux de criminalité plus importants.
Il a indiqué qu’il pensait aussi aux Arabes israéliens et aux Palestiniens de Jérusalem Est qui sont en contact avec des policiers israéliens.
Alsheich a déclaré que la police israélienne travaillait avec les dirigeants de la communauté éthiopienne israélienne pour tenter de diminuer les discriminations.
Suite au tollé, la police a publié mardi un communiqué déclarant qu’Alsheich « n’avait aucune intention d’offenser les Israéliens d’origine éthiopienne. »
« Ces remarques ont été prononcées ouvertement, dans le but de corriger et d’améliorer » la police, selon le communiqué.

Les Israéliens éthiopiens accusent depuis longtemps la police de violences et d’agressions contre les membres de la communauté. L’année dernière, elle avait organisé une série de manifestations dans tout le pays, déclenchée par une vidéo montrant une agression policière contre un soldat israélien éthiopien en avril 2015.
Après cet incident, des milliers de personnes étaient descendues dans les rues pour demander au gouvernement de traiter le racisme systématique et institutionnalisé affronté par la communauté israélienne éthiopienne. Les militants avaient aussi exprimé leur frustration de la vision à court terme de l’Etat dans la gestion des besoins économiques et sociaux de leur communauté.
L’un des dirigeants des militants impliqués dans ces manifestations, Gadi Yibarkan, a déclaré mardi que le chef de la police n’était « pas particulièrement intelligent pour dire ouvertement qu’Israël est un pays raciste. »
« Nous ne sommes pas des travailleurs migrants, nous sommes des juifs qui reviennent dans leur pays après 2 500 ans d’exil », a déclaré Yibarkan, ajoutant que le chef de la police avait rendu « compréhensible que les policiers traitent violemment les noirs et les arabes. »

Des députés de l’opposition ont également sévèrement critiqué Alsheich pour ses remarques, et l’association des migrants éthiopiens en Israël a demandé sa démission.
« Non seulement le chef de la police ne traite pas les violences policières envers la communauté éthiopienne, mais il les encourage », a déclaré Merav Michaeli, députée de l’Union sioniste. « Les jeunes immigrants éthiopiens ne sont pas des ‘migrants’, ils sont Israéliens à tous les sens du terme, et ce type de remarques est tout sauf ‘naturel’. »
Ayman Odeh, président de la Liste arabe unie, a déclaré mardi qu’il n’était pas surpris d’entendre Alsheich faire des remarques « racistes et discriminatoires ».
« Il faut rappeler au chef de la police que son travail est de servir et de sécuriser tous les citoyens israéliens, pas seulement les juifs blancs », a-t-il accusé, ajoutant que les forces de l’ordre israéliennes « maltraite systématiquement les secteurs les plus faibles de la population. »
Michal Rozin, députée du Meretz, a également dénoncé les remarques d’Alsheich, et l’a appelé à mettre en place des ateliers sur le racisme obligatoire pour tous les policiers.

Gilad Erdan, ministre Likud de la Sécurité intérieure, a défendu Alsheich, déclarant mardi que le chef de la police ne justifiait pas le phénomène de « sur-suspecter », mais disait en fait le contraire.
« Il a déclaré, courageusement, qu’il y avait un problème et que les forces de police le traitait », a déclaré Erdan au sujet d’Alsheich, ajoutant qu’il avait « simplement décrit le processus de pensée des policiers qui les a dans le passé poussé à mal réagir. »
Erdan a déclaré qu’il soutenait totalement son chef de la police et sa vision des forces de police qui ont été secouées ces dernières années par une série de scandales sexuels, d’affirmation d’incompétence, de discriminations et d’usage excessif de la force.
En juin, la Deuxième chaîne avait annoncé que le mécontentement des Israéliens de leur police était monté de 69 %, son niveau constant des 17 mois précédents, à 84 %. L’étude avait montré que la police tait perçue comme « corrompue, avec des fonctionnaires inaptes pour différentes raisons. »
Quelques semaines après, Alsheich avait annoncé que les policiers commenceraient à porter des caméras sur eux dans le cadre d’une large campagne pour renforcer la confiance des citoyens envers leurs forces de l’ordre. Le ministère de la Sécurité intérieure a alloué 40 millions de shekels (environ 9,5 millions d’euros) à ce projet, avait à l’époque déclaré Alsheich.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.