Les Ukrainiens fuient la guerre, mais pas sans leurs animaux de compagnie
En plus des quelque 7 500 réfugiés d'Ukraine arrivés en Israël, une quarantaine d'animaux domestiques sont également arrivés, a déclaré le ministère de l'Intégration
LVIV, Ukraine – Dans la nuit froide d’un vendredi de mars, Oksana et Nastya descendent d’un train bondé à Lviv après un voyage cauchemardesque.
La veille, alors que les bombes russes se rapprochaient dangereusement de leurs appartements dans la ville ukrainienne de Kharkiv, elles ont fui vers la gare de la ville et sont montées dans un wagon bondé avec d’autres personnes se dirigeant également vers l’ouest pour fuir les attaques.
« Les wagons étaient remplis à ras bord, avec cinq personnes sur chaque banquette inférieure, deux ou trois personnes sur la couchette supérieure, certains dormaient même sur les étagères à bagages. Il était difficile de respirer, pas assez d’oxygène », raconte Oksana.
Les deux professionnelles en service clientèle n’ont pu emporter avec elle que ce qu’elles pouvaient porter, soit, un sac à dos rembourré chacune. Mais même dans la cohue du wagon, Oksana a réussi à trimballer quelque chose d’autre avec elle : un sac de transport noir et rouge contenant son compagnon à fourrure, George.
George, un matou de 12 ans qui miaulait bruyamment à la moindre gêne, a passé le trajet pénible patiemment dans sa cage, entouré de sons et d’odeurs étranges.
Sur la recommandation d’un collègue israélien, les deux femmes et George ont atterri dans une synagogue de Lviv un vendredi soir de mars, où elles ont été nourries et où un membre de la congrégation leur a donné une chambre d’hôtel.
Le trio a éventuellement réussi à quitter l’Ukraine pour se rendre en Allemagne, où les femmes ont fait une demande de séjour provisoire en tant que réfugiées à Wolfenbuttel.
Et votre petit chien, aussi
Oksana et Nastya ne sont pas des cas isolés parmi les réfugiés ukrainiens. Dans la masse humaine qui fuit la guerre – les Nations unies affirment que plus de 10 millions d’Ukrainiens ont été déplacés, dont plus de 4 millions ont quitté le pays – il est impossible de ne pas remarquer les chiens, les chats, les oiseaux et les autres animaux domestiques que les Ukrainiens emmènent avec eux dans leur pénible périple vers la sécurité.
Extrêmement limités dans ce qu’ils peuvent emporter, de nombreux Ukrainiens donnent néanmoins la priorité à leurs animaux de compagnie par rapport à d’autres possessions.
Le 9 mars, un bus organisé par l’ambassade d’Israël pour faire sortir ses citoyens et leurs familles d’Ukraine contenait 60 humains, quatre chiens, un chat et une tortue parfaitement inconsciente.
Il y a tellement d’animaux de compagnie qui font le voyage avec leurs propriétaires ukrainiens que les organisations polonaises de protection des animaux ont afflué aux postes frontières et aux gares pour s’assurer que les animaux reçoivent une alimentation adéquate et soient accueillis dans des conditions raisonnables. En se promenant sur le parking devant la gare de Przemysl, on peut y voir des camionnettes affichant des logos d’empreintes de pattes, de silhouettes de chats et d’illustrations d’animaux souriants.
Les réfugiés et leurs animaux de compagnie sont accueillis dans la plupart des pays européens, en partie grâce à une recommandation de la Commission européenne visant à réduire les formalités administratives et à assouplir les règles.
Une fois dans ces pays, les propriétaires d’animaux doivent entreprendre diverses démarches pour confirmer ou obtenir des puces d’identification pour leurs animaux et des vaccins contre la rage.
En Allemagne, par exemple, les autorités exigeraient que les animaux provenant de refuges ukrainiens passent 30 jours en quarantaine dans un pays de l’UE limitrophe de l’Ukraine, où ils peuvent être vaccinés, même s’ils ont la preuve de leur vaccination par un refuge en Ukraine.
Si de nombreux animaux sont mis en sécurité, d’autres sont laissés sur place pour diverses raisons. Des organisations de protection des animaux, telles que la Human Society International, s’efforcent de fournir des provisions et des soins aux animaux abandonnés dans des refuges, des fermes ou ailleurs.
« Un nombre important de chiens errent désormais dans les rues et cherchent refuge dans des bâtiments abandonnés ou bombardés, car les abris ont été endommagés. Il y a également des animaux dans les fermes et les zoos pour lesquels l’évacuation n’est tout simplement pas possible. Ainsi, parallèlement à la tragédie humaine de cette invasion, nous sommes confrontés à la possibilité d’une aggravation de la crise en matière de protection des animaux », a déclaré le mois dernier Ruud Tombrock, directeur de Humane Society International Europe.
La plupart des animaux de compagnie, cependant, accompagnent leurs maîtres.
À Zavod, un entrepôt de Lviv qui sert de colonie artistique et où des musiciens et des peintres accueillent des réfugiés, Kira et Nick, deux habitants de Kharkiv, se souviennent de leur pénible voyage de cinq jours vers Lviv, traversant champs et routes secondaires avec leur chihuahua Butch, âgé de 9 ans.
« Elle était calme pendant le voyage », a déclaré Kira, qui travaille dans un restaurant en des temps plus paisibles.
Le couple avait rempli la voiture avec la nourriture pour chien de Butch, a déclaré Nick, qui travaille pour la société de logistique américaine Leinster. Ils avaient prévu d’emmener la mère et la grand-mère d’un de leurs amis en Pologne, puis de retourner en Ukraine pour passer la guerre dans les Carpates.
Deux étages plus haut dans l’entrepôt de Zavod, une femme nommée Yustyna est assise avec son labrador. Accompagnée de son mari et de sa fille de 18 ans, Yustyna était arrivée à Lviv deux jours auparavant, après un voyage de 30 heures.
C’était le premier voyage en train de son chien de 6 ans.
« Il était silencieux, totalement silencieux », dit-elle. Ils ont passé le long trajet à l’étroit dans un minuscule compartiment de train, et le chien n’a pas aboyé ni eu besoin de faire ses besoins.
« Dieu nous en préserve ! Non ! » s’exclame-t-elle, incrédule, lorsqu’on lui demande si elle a envisagé de laisser son chien derrière elle.
Pendant que nous parlons, la mère de Yustyna s’approche. Cette femme âgée a fui le pays avec la famille de sa fille et leur retriever. Elle nous a dit que l’un des volontaires lui avait donné un manteau et, tout en fondant en larmes, nous a assuré qu’elle n’en avait pas besoin et qu’elle le rendrait un jour.
Yustyna a réconforté sa mère tandis que le chien reniflait curieusement les deux femmes.
Tous les voyages avec des animaux de compagnie ne se sont pas déroulés sans heurts.
Irena a passé une journée entière debout dans son train de Kharkiv à Lviv. Son chien de 5 ans, Unichka, était stressé et a aboyé durant tout le voyage. Les autres passagers, déjà fatigués et tendus, ont perdu patience.
« Il y a eu des disputes », dit-elle tristement.
« C’était vraiment dur pour nous ; nous n’avons pas dormi ni mangé pendant 24 heures », a déclaré Irena. « Le chien avait vraiment peur. »
Mais ici, dans la gare bondée de Lviv, Unichka s’est bien comportée, reniflant avec satisfaction les alentours alors que la foule se pressait tout autour d’elle.
Des chats, des chiens et des hamsters
À Chișinău, en Moldavie, l’un des nombreux camps de transit mis en place par l’Americain Joint Distribution Committee a été réservé aux réfugiés fuyant avec des animaux de compagnie.
En plus des quelque 7 500 réfugiés d’Ukraine qui sont arrivés à l’aéroport de Ben Gurion depuis le début de l’invasion russe, une quarantaine d’animaux domestiques sont également arrivés, a déclaré le ministère de l’Intégration le 23 mars.
Parmi eux, des chiens de différentes races, des chats, et même quelques hamsters.
Des dizaines de familles avec des animaux de compagnie ont été accueillies au Moshav Goren, à l’ouest de la Galilée, en attendant d’y voir plus clair dans leurs projets.
Daria Polishuk, qui a fui Kiev et est arrivée en Israël depuis la Moldavie avec sa fille de 12 ans et son fils de 8 ans, a amené le chien de la famille et deux hamsters. Son mari a dû rester sur place car les autorités ukrainiennes ne permettent pas aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le pays au cas où ils devraient être appelés sous les drapeaux.
Au terminal 1 de l’aéroport Ben Gourion, qui a été transformé en centre d’accueil, les nouveaux arrivants attendaient non seulement des rafraîchissements pour les humains, mais aussi de la nourriture pour chiens et chats.
« Mes enfants ont tout perdu – leurs amis, leur école, leurs activités extrascolaires », a déclaré Mme Polishuk. « Tout ce qui leur reste, c’est moi, le chien et les hamsters. »