L’impact du succès vaccinal de Netanyahu sur les élections
Quatre points de vue alors qu'Israël se prépare à voter - le 4e scrutin le moins idéologique qui soit et le référendum le plus personnel sur notre plus pérenne Premier ministre
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Si Benjamin Netanyahu est réélu la semaine prochaine, le rôle central joué par sa gestion de la campagne de vaccination dans le pays ne fera aucun doute.
Lors d’une interview télévisée la semaine dernière, le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a admis avoir été « impressionné, franchement, par l’obsession de votre Premier ministre » pour tenter de convaincre sa société qu’Israël était le terrain d’essai national idéal pour les vaccins de Pfizer. « Il m’a appelé 30 fois », s’est émerveillé Bourla.
Parce que Netanyahu a assuré un approvisionnement rapide et abondant, Israël a été le premier pays au monde à vacciner, avec un peu moins d’un million d’Israéliens éligibles qui doivent encore être vaccinés. La conséquence directe est qu’Israël a pu rouvrir progressivement la majeure partie de l’économie ces derniers jours sans que l’on assiste à une augmentation des niveaux de contagion et que le nombre de cas graves de COVID-19 diminue de jour en jour.
Les rivaux de Netanyahu affirment qu’Israël, qui déplore plus de 6 000 morts dus au COVID, n’a pas obtenu de bons résultats en termes de taux de mortalité par habitant – nous sommes au 55e rang mondial, à l’heure où nous écrivons ces lignes, alors que 170 pays environ font mieux – et ils affirment que cela découle, du moins en partie, de sa décision politisée de ne pas mettre en œuvre le système dit des feux de signalisation. Ce système visait à imposer des confinements plus restrictifs dans les zones à forte contagion, mais comme beaucoup de ces zones étaient des villes et des quartiers ultra-orthodoxes densément peuplés, et que Netanyahu craignait de s’aliéner l’électorat ultra-orthodoxe et ses membres à la Knesset, ces fermetures différenciées n’ont généralement pas été imposées.
Des critiques tels que Yair Lapid, du parti Yesh Atid, ont cité l’exemple de Chypre pour souligner l’échec apparent de Netanyahu à cet égard – avec une population dix fois moins nombreuse que celle d’Israël, le nombre de morts dans cette île est de 240. Et si Netanyahu a rétorqué que Chypre, étant une île, est facile à isoler, Lapid a noté dans une interview au ToI au début du mois qu’Israël n’a dû fermer qu’un seul aéroport – alors que Chypre en a deux – mais n’a pas réussi à le faire efficacement.

Néanmoins, lorsqu’on leur demande dans des sondages récents s’ils sont satisfaits de la gestion de la pandémie par le gouvernement, une proportion croissante de l’électorat répond par l’affirmative : 57 % dans un sondage réalisé par la Douzième chaîne mardi soir, contre 44 % à la même question il y a deux semaines.
La plupart des Israéliens disent encore aux sondeurs qu’ils doutent de l’affirmation de Netanyahu selon laquelle le COVID-19 est vraiment derrière nous. Mais si les statistiques sur la baisse des taux de contagion et du nombre de patients gravement malades se maintiennent jusqu’à mardi, c’est un Israël de plus en plus optimiste sur le plan de la COVID qui ira aux urnes, et cela ne peut que profiter à Netanyahu.
Le dilemme du faiseur de roi
Aucun sondage d’opinion de cette campagne n’a montré que le camp pro-Netanyahu était proche du chiffre magique de 61 – la majorité la plus étroite dans la Knesset de 120 membres.
Au contraire, le Likud, les deux partis ultra-orthodoxes et le Parti sioniste religieux se dirigent vers une cinquantaine de sièges à eux trois. Tout en admettant que les sondeurs sous-estiment parfois le Likud et les partis ultra-orthodoxes, et que Netanyahu sait comme personne d’autres comment attirer les électeurs le jour de l’élection, même lui doute probablement que ces quatre partis puissent à eux seuls le propulser vers la victoire. Il mise plutôt sur la possibilité d’atteindre les 61 sièges et plus avec le soutien de Yamina de Naftali Bennett.
Plusieurs sondages suggèrent que cela est arithmétiquement à portée de main, puisque Yamina se situe entre 10 et 12 sièges. La question est de savoir si Bennett, qui est catégorique sur le fait que Netanyahu doit partir et qu’il devrait lui-même être Premier ministre, accepterait de servir dans un gouvernement dirigé par Netanyahu, et si oui, dans quel rôle.
Netanyahu a explicitement déclaré qu’il n’accepterait pas de « faire tourner » le poste de Premier ministre avec Bennett et ne permettrait certainement pas à Bennett de passer en premier dans un tel arrangement. Bennett, ayant vu ce qu’il est advenu de la promesse de rotation faite par Netanyahu à Benny Gantz, le « Premier ministre d’alternance » de Kakhol lavan, n’accepterait certainement pas de passer en second.

Bennett insiste sur le fait qu’il ne fera pas partie d’une coalition dirigée par Lapid de Yesh Atid. Il a déclaré mardi qu’il sera « l’adulte responsable » qui assurera un gouvernement de droite après les élections. Il a dit qu’il approchera Gideon Saar de Tikva Hadasha pour essayer d’assurer cela. Il a également déclaré qu’“au final, c’est le public qui décidera”.
Si, en fin de compte, les électeurs laissent à Bennett le choix entre servir sous Netanyahu, s’efforcer de construire une coalition anti-Netanyahu extrêmement improbable et très diverse, ou forcer Israël à participer à une cinquième élection, que fera-t-il ? Qu’est-ce que ses électeurs voudraient qu’il fasse ?
Qui gaspille les votes ?
Dans le système multipartite d’Israël, les élections peuvent être gagnées ou perdues sur des votes perdus – c’est-à-dire des bulletins déposés pour des partis qui n’atteignent pas le seuil de 3,25 % et qui ne sont donc pas comptabilisés lors de l’attribution des sièges à la Knesset. À ce jour, le camp pro-Netanyahu semble avoir un avantage majeur sur le camp anti-Netanyahu à cet égard.
Parmi les partis soutenant Netanyahu, seul le Parti sioniste religieux dirigé par Bezalel Smotrich est proche du seuil, mais la plupart des sondages le voient entrer sans encombre à la Knesset, avec 4 à 5 sièges. Parmi les partis anti-Netanyahu, en revanche, Meretz et Kakhol lavan se rapprochent dangereusement du seuil. Il en va de même pour Raam, un parti arabe qui s’est séparé de la Liste arabe unie et que Netanyahu a exclu comme partenaire ou soutien de la coalition.
Si ces trois partis n’y parviennent pas, plusieurs centaines de milliers de votes non-Netanyahu seraient perdus – un avantage énorme, potentiellement déterminant pour l’élection. (Quelque 4,6 millions de voix ont été exprimées lors des élections de l’année dernière).

Tout sur Bibi !
Pendant une brève période, il y a 20 ans, Israël a expérimenté une élection à double vote. L’électorat votait pour le Premier ministre de son choix et pour le parti de son choix. Cette « réforme » a été rapidement abandonnée car elle n’a pas eu l’effet escompté, à savoir renforcer les grands partis et stabiliser ainsi le système politique.
Lors de ces élections, plus encore que lors des trois dernières, l’électorat vote essentiellement pour son Premier ministre préféré – ou plus précisément, il choisit entre les camps pro et anti-Netanyahu.
L’idéologie est plus marginalisée que jamais. Le camp anti-Netanyahu déclaré, cette fois, comprend non seulement le centre, la gauche et les partis arabes idéologiquement opposés et le vétéran de la droite anti-Bibi Avigdor Liberman, mais aussi l’ex-ministre faucon du Likud Gideon Saar de Tikva Hadasha, et, bien qu’avec un peu plus d’ambivalence, la très à droite Yamina de Bennett. Par ailleurs, Liberman, Saar et Bennett ont tous travaillé en étroite collaboration avec Netanyahu – avant de devenir eux-mêmes membres de la Knesset – et ont été ministres dans ses gouvernements ; tous sont maintenant convaincus qu’il est mauvais pour Israël.
Parmi ses rivaux de droite, Liberman fustige Netanyahu principalement pour ses capitulations en série devant les partis ultra-orthodoxes. Saar affirme que le Premier ministre détourne l’élaboration des politiques pour servir ses propres intérêts. Bennett dit qu’on ne peut pas lui faire confiance et qu’il est en poste depuis bien trop longtemps.
Le succès relatif de ces opposants à Netanyahu et de leurs partis confirme que leurs critiques ont une certaine résonance parmi l’électorat, mais le Likud reste de loin le plus grand parti, et Netanyahu un choix beaucoup plus populaire que ses rivaux au poste de Premier ministre.

À gauche et dans une grande partie de la droite, le dégoût est grand de voir que Netanyahu, lors de ces élections, a presque certainement ouvert la voie à l’entrée du provocateur Itamar Ben Gvir à la Knesset, en négociant une fusion qui a vu le parti extrémiste et homophobe Otzma Yehudit de Ben Gvir s’associer à Smotrich sous la bannière du Parti sioniste religieux. Ben Gvir est un disciple de feu le rabbin Meir Kahane qui avait accroché dans son salon une photo de Baruch Goldstein, auteur du massacre de 1994 de Palestiniens en prière dans le Tombeau des Patriarches à Hébron.
La consternation est également générale face aux attaques rhétoriques incessantes de M. Netanyahu contre la police et le ministère public qui ont eu la témérité de le juger pour corruption, et à son affirmation selon laquelle les forces de l’ordre tentent un coup politique de concert avec les médias et « la gauche » – un mot fourre-tout de plus en plus vaste pour désigner ses nombreux et divers ennemis, y compris ceux qui se situent le plus catégoriquement à droite.
Il s’agit d’un personnage qui divise, qui cible et courtise alternativement l’électorat arabe en fonction de ses besoins, qui s’absout de toute responsabilité pour les activités incendiaires de son fils Yair sur les médias sociaux, et qui n’a même pas pu condamner les récents incidents violents perpétrés par ses propres partisans du Likud à l’encontre des candidats rivaux de Tikva Hadasha sans saper cette condamnation en qualifiant sardoniquement le parti de Saar de « non pertinent ».
Netanyahu est également un personnage dont on se méfie profondément. Benny Gantz était apparemment l’une des rares personnes en Israël à le croire lorsqu’il a promis d’honorer leur accord de rotation, et même Gantz dit maintenant qu’il a appris sa leçon. Lorsqu’on lui a demandé à maintes reprises si, s’il était réélu, il avait l’intention d’essayer de faire passer une loi qui bloquerait son procès pour corruption, Netanyahu a nié, on ne l’a pas cru et il sait très bien qu’on ne le croit pas.
En revanche, Netanyahu, le Premier ministre, préside actuellement l’une des périodes de sécurité les plus calmes de l’histoire d’Israël. Netanyahu qui a dirigé Israël (dont la plupart des jeunes sont tenus de servir dans l’armée) sans aventurisme militaire pendant 12 ans de bouleversements régionaux. Netanyahu qui a rassemblé des preuves crédibles du programme nucléaire dévoyé de l’Iran, et qui parcourt le monde en soulignant avec éloquence la menace que représente le régime des ayatollahs. Netanyahu qui a renoncé pour une durée indéterminée à l’annexion de la Cisjordanie en faveur de la normalisation des relations avec les Émirats arabes unis, suivie de trois autres processus de normalisation (avec le Bahreïn, le Soudan et le Maroc), avec la promesse d’en avoir d’autres à venir.

La plupart des Israéliens continuent de dire aux sondeurs qu’ils ne veulent pas que Netanyahu reste Premier ministre – 58 % dans un sondage de la Treizième chaîne il y a deux semaines ; 52 % des Israéliens juifs et 56 % des Arabes israéliens dans un sondage de la Douzième chaîne la semaine dernière. Mais lorsqu’on lui demande qui est leur Premier ministre préféré, il obtient toujours un score nettement supérieur à celui de tous ses successeurs potentiels – 37 % dans le sondage de la Douzième chaîne mardi, contre 21 % pour Lapid, 10 % pour Bennett et 9 % pour Saar.
L’opinion profondément conflictuelle des Israéliens à l’égard de M. Netanyahu l’a vu échouer à s’imposer de manière décisive lors des trois dernières élections et s’accrocher de justesse au pouvoir. Cette fois, une plus grande partie de la droite s’est jointe à la bataille contre lui. En revanche, l’alliance de l’ancien chef de Tsahal, Gantz, qui contestait ses références en matière de sécurité, s’est effondrée. Et nous votons dans un état d’esprit plus optimiste que jamais depuis que la pandémie a frappé.
Dans le choix fatidique de mardi, alors qu’une proportion importante de l’électorat reste indécise, le contraste entre Lapid qui écarte la possibilité de vaccins d’ici janvier et Netanyahu qui harcèle Bourla pour qu’Israël en reçoive des millions n’est pas facile à ignorer.
Pas plus que l’affirmation de Lapid selon laquelle Netanyahu, s’il est réélu, déflorera le système judiciaire, corrompra davantage les médias et transformera Israël en une sorte de « démocratie illibérale ».
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel