L’UEJF fustige les « zoombombing à caractère pédopornographique et antisémite »
L'organisation a dénoncé un incident survenu hier, lors d’un recueillement de Yom HaShoah sur l’application, et demandé la "mise en place d'un outil de signalement d'urgence"

Dans un communiqué publié ce mardi, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a dénoncé l’antisémitisme lors des directs sur l’application Zoom.
La missive faisait suite à un incident survenu lundi, lors d’un recueillement de Yom HaShoah sur l’application. Le témoignage d’une rescapée de la Shoah a été détourné et remplacé sur l’écran des utilisateurs par une vidéo pédo-pornographique. Face à la situation, et démuni d’outils de signalement d’urgence, l’animateur Gabriel Abensour a été contraint de clore la session et le témoignage de la survivante.
« Je suis encore en état de choc, mais j’écris parce que je réalise brutalement que ça peut arriver à d’autres », a-t-il écrit en réaction. « En pleine cérémonie de Yom HaShoah sur Zoom, une personne a hacké la session et a diffusé du contenu pédo-pornographique. J’imagine que les motivations étaient antisémites et que la personne a trouvé le lien en ligne. Je prie de réussir à oublier ces quelques secondes de torture. Je ne sais pas à quel degré d’horreur peut tomber l’être humain. »
« Je réalise la naïveté avec laquelle nous utilisons tous Zoom, qui est rentré dans nos vies il y a un mois à peine. Vérifiez que les sessions Zoom auxquelles vous participez et auxquelles participent vos enfants (surtout !) ont toutes un mot de passe et que ce mot de passe n’est pas diffusé à trop de monde », a-t-il ajouté.
Il a expliqué avoir déposé plainte, effectué un signalement auprès du Bureau de vigilance nationale contre l’antisémitisme (BNVCA) et tenté d’en faire de même sur la plateforme Pharos.
« J’étais en train de raconter mon enfance de 1939 à 1945 et tout d’un coup il y a eu une vidéo horrible. Je n’arrivais pas à y croire. C’était terrible », raconte à l’AFP Myriam Gross, la survivante de la Shoah.
L’UEJF lui a apporté « tout [son] soutien », suite à « l’ignoble attaque antisémite et criminelle ». « Celle-ci montre que dans un moment où le confinement donne aux réseaux sociaux et aux technologies de communication une importance centrale dans les liens sociaux, la haine continue à s’y manifester de façon toujours plus violente », a ajouté l’organisation. « Nous nous dresserons donc toujours contre ceux qui, guidés par la haine antisémite et négationniste, salissent la mémoire des 6 millions de juifs assassinés durant la Shoah. Plus que jamais, transmettre la mémoire est un combat. Plus que jamais, les entreprises Internet doivent prendre leurs responsabilités dans cette crise. »
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L’organisation a également « exigé la mise en place immédiate par Zoom d’un outil de signalement d’urgence », dénonçant les « actes de zoombombing à caractère pédopornographique et antisémite ».
« De plus en plus de sessions Zoom ont ainsi été détournées pour imposer à l’écran des contenus illégaux contre la volonté des utilisateurs », a-t-elle dénoncé. « Malgré la mise en place de mesures de sécurité depuis le début du confinement, les failles se multiplient de manière inquiétante mettant en danger les 200 millions d’utilisateurs journaliers. »
« Dans le contexte du confinement, la plateforme Zoom, initialement prévue pour un usage professionnel, est devenue un véritable vecteur de lien social », a expliqué Noémie Madar, présidente de l’UEJF. « À ce titre, Zoom a une responsabilité évidente afin de ne pas être utilisée à des fins criminelles et de promotion de la haine. La mise en place d’un outil de signalement d’urgence et la transmission des identifiants de connexion des auteurs des attaques à la justice sont nécessaires pour protéger l’espace. »
Après avoir alerté les directions américaine et française de Zoom, l’UEJF a rencontré mardi après-midi Loïc Rousseau, président France de la société. « Il doit revenir vers nous au plus vite. Nous attendons un retour et nous nous laissons le droit de les poursuivre en justice s’ils ne mettent pas en place une plateforme de signalement conformément à la loi française », a précisé la présidente de l’association.
Relativement inconnue avant la crise du Covid-19, l’application américaine a frayé son chemin chez des salariés, des familles ou des amis leur permettant de se parler de visu malgré le confinement imposé dans de nombreux pays. Elle sert ainsi de salle de classe, de studio de yoga, de table de poker et même d’église. Des couples s’y marient, des familles y assistent aux funérailles d’un proche.
Selon Eric Yuan, ingénieur et fondateur de la plateforme, celle-ci a dépassé en mars les 200 millions de participants à des réunions quotidiennes, contre 10 millions en décembre dernier.
La plateforme permet d’appeler jusqu’à 100 personnes en simultané, pendant 40 minutes, gratuitement. Un abonnement payant donne accès à plus de fonctionnalités.
Son design est basique mais on choisit un arrière-plan pour cacher sa chambre mal rangée (cocotiers, bibliothèque…) ou partager son écran avec les autres participants.
Au début du mois, la docteure Tehilla Shwartz Altshuler, du think-tank de l’Institut israélien de la Démocratie, a tiré la sonnette d’alarme au sujet de l’application qui, selon elle, pose des problèmes de confidentialité.
« Contrairement à d’autres applications, Zoom exploite une politique de confidentialité scandaleuse grâce à laquelle elle collecte des informations sur tous ses usagers sans avoir au préalable leur consentement explicite. C’est le cas pour tous ceux qui ont téléchargé l’application et qui ont accepté la politique de confidentialité – et c’est également le cas pour ceux qui accèdent aux rencontres sans avoir téléchargé l’application ou apporté leur approbation à la politique sur la vie privée », a-t-elle expliqué dans une déclaration.
« Zoom considère ses usagers comme des ‘produits’ et, en conséquence, toutes les informations transmises – et notamment les détails des cartes de crédit, les informations d’emploi et autres informations toutes aussi sensibles – se trouvent en possession de la compagnie », a-t-elle ajouté.
Elle a poursuivi en clamant que « Zoom ne collecte pas seulement des données par les Cookies mais elle enregistre toutes les conversations qui ont lieu par le biais de l’application. Voilà quelques exemples de la manière dont l’entreprise peut utiliser ces données : Former les systèmes d’intelligence artificielle à convertir des vidéos ou des voix en textes ou à identifier les émotions, à rassembler des informations sur les utilisateurs en tant qu’individus – à quoi ressemblent leurs voix, comment ils organisent des rencontres, quels sont leurs intérêts personnels, et même à quoi ressemblent leurs habitations. Toutes ces informations ont une valeur inestimable pour les publicitaires ou autres intérêts commerciaux », s’est-elle insurgé.
En raison du phénomène du « ZoomBombing » et du manque de protection des données personnelles, des entreprises et organisations, comme la Croix-Rouge, recommandent désormais à leurs employés de ne pas se servir de Zoom.