Macron : Reconnaître unilatéralement la Palestine serait « totalement contre-productif »
"Aller nous amuser à reconnaitre unilatéralement, [...] ne changera la vie de personne sur le terrain, y compris d'ailleurs des Palestiniens," a indiqué le centriste
Le favori à l’élection présidentielle française Emmanuel Macron a déclaré vendredi qu’il ne reconnaîtrait pas unilatéralement l’état de Palestine s’il devait être élu dimanche.
Dans une interview accordée en direct, durant plus de deux heures, aux journalistes de Mediapart, le centriste Macron – qui devance d’environ 24 % son adversaire d’extrême-droite Marine Le Pen – a indiqué appuyer une solution à deux états pour la résolution du conflit israélo-palestinien, ajoutant que reconnaître la Palestine unilatéralement causerait une instabilité et nuirait aux relations entre la France et Israël.
Voici sa réponse à la question d’Edwy Plenel – « Pourquoi êtes-vous, d’après ce qu’on a compris, contre la reconnaissance unilatérale de la Palestine. La Palestine est au cœur de, vous savez, comme l’a dit Edgar Morin, presque d’un cancer qui est au cœur de la région. La Suède, symbole du libéralisme politique sur notre continent, l’a reconnue, les BRICS, qui sont au cœur de ce que vous rappelez sur le climat, l’alliance avec la Chine, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, l’ont reconnue, pourquoi vous, avez-vous cette position de retrait sur cette question ? »
« Parce que j’ai une position pragmatique. Quel est le problème aujourd’hui ? On a plutôt un dirigeant palestinien qui est plus modéré, qui a pris ses responsabilités, et on a un durcissement de la position israélienne, avec des vrais sujets d’insécurité. Moi je respecte la démocratie israélienne, et j’ai exprimé mon désaccord, notamment sur le non respect des accords d’Oslo.
Aller prendre une position nationale pour favoriser, en tout cas pour dire ‘je reconnais de manière unilatérale’ la Palestine, est-ce que ça sert l’avancée du débat sur place ? C’est totalement contre-productif, ça fait que le jour d’après, je ne parle plus une seule seconde avec Israël.
[Plenel : ou bien ça veut dire le principe d’égalité quand même, il y a deux états]
Non. C’est très différent, je défends ce principe [de deux états pour deux peuples]. Ministre, je suis allé en Israël, j’ai été m’exprimer devant le CRIF, j’ai défendu la théorie des deux états, l’engagement français pour les deux états, la condamnation de la colonisation, etc. Je le fais, constamment.
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Mais une autre chose est d’aller reconnaître unilatéralement la Palestine, qui dans les temps que nous vivons, est un point de déséquilibre qui fait que vous perdez toute relation avec l’Etat d’Israël. J’assume là aussi une filiation avec l’histoire française qui n’est jamais tombée d’un côté ou de l’autre.
Reconnaître l’état de Palestine aujourd’hui, de manière unilatérale, dans ce contexte, c’est faire le choix d’un camp. Et c’est complètement se couper de l’autre.
La force de la diplomatie française, c’est d’avoir toujours tenu ce point d’équilibre qui fait que l’on est l’un des rares partenaires qui parle aux deux [parties].
Et je veux préserver cela parce que si l’on veut être utile à l’humanité, à la région, et à celles et ceux qui y vivent, c’est la capacité à parler aux deux [parties] qui nous rend efficace.
Pas d’aller nous amuser à reconnaître unilatéralement ce qui ne changera la vie de personne sur le terrain, y compris d’ailleurs des Palestiniens. »
Au mois de janvier 2016, le ministre des Affaires étrangères d’alors Laurent Fabius avait déclaré que la France reconnaîtrait la Palestine si les efforts visant à faire progresser les négociations devaient échouer.
Le successeur de Fabius, Jean-Marc Ayrault, avait pris ses distances face à cette menace deux mois plus tard.
Le Grand rabbin de France, Haim Korsia, a rejoint la semaine dernière les chefs religieux chrétiens et musulmans pour appuyer la candidature de Macron contre Le Pen.
Le bureau de Haim Korsia a émis un communiqué en ce sens jeudi dernier, vingt-quatre heures après un débat remarquablement acrimonieux entre les deux candidats en amont du scrutin du 7 mai.
Intitulé « Appel à voter en faveur de M. Emmanuel Macron », il était co-signé par le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, et par Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman.
Une telle démonstration de soutien à un candidat est rare chez les trois leaders confessionnels.
« Pleinement conscients que nos rôles exigent de nous d’être non-partisans, nous sommes, avant tout, des citoyens responsables et nous appelons donc ouvertement à un vote en faveur d’Emmanuel Macron », ont écrit les trois hommes.
Le Front National, qui a été fondé dans les années 1970 par le père de Marine le Pen, négationniste de l’Holocauste condamné pour incitation à la haine raciale contre les Juifs, est farouchement hostile à l’islam pour son programme d’interdiction des prières publiques, de limitation des constructions des mosquées et pour son projet d’imposer la fermeture de l’immigration en provenance des pays musulmans.
Le Pen a promis d’interdire le port des tenues musulmanes et des kippot en public si elle devait être élue. Elle a pris du recul face à la rhétorique antisémite de son père tout en indiquant le mois dernier que la France n’était « pas responsable » de la rafle du Vel d’Hiv.
« Ce n’est plus suffisant pour vaincre le Front National », ont écrit les chefs religieux dans leur communiqué.
« Nous devons rappeler aux Français, en parlant d’une seule voix, les fondations humanistes qui nous animent et pour lesquelles nous oeuvrons aujourd’hui ».