Marche contre l’antisémitisme: le Crif « espère que les Français sauront s’emparer de l’événement »
Yonathan Arfi craint que l'objet de la manifestation soit occulté par des polémiques" après un boycott de LFI et une polémique autour de la présence du RN
Une grande marche contre l’antisémitisme, organisée dimanche en France pour afficher l’union nationale face à la recrudescence des actes anti-juifs dans le pays, se heurte à des polémiques politiques sur la participation de l’extrême droite et le boycott de la gauche radicale.
Le président du Sénat Gérard Larcher et la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, respectivement 3e et 4e personnages de l’Etat, ont appelé cette semaine à « une grande marche civique » contre l’antisémitisme, dans un contexte inflammable, attisé par la guerre dévastatrice entre Israël et le Hamas à Gaza.
L’Hexagone, qui compte les plus importantes communautés juive (500 000 personnes) et musulmane (environ six millions de tradition ou de confession) d’Europe, redoute une importation sur son sol du conflit.
Surtout, les actes antisémites ont explosé en France – plus de 1 000, un record -, depuis le début de la guerre déclenchée par l’attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre.
« J’espère que les Français seront au rendez-vous dimanche, que la mobilisation sera massive », déclare à l’AFP Yonathan Arfi, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). « Mais notre inquiétude est que l’objet de la manifestation soit occulté par des polémiques ».
La participation du parti d’extrême droite de Marine Le Pen, dont le père Jean-Marie, fondateur de la formation, a été condamné plusieurs fois pour antisémitisme, suscite de forts remous. Tout comme le boycott de la manifestation par La France insoumise (LFI), le parti d’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon, accusé d’indulgence envers le Hamas.
« Pas dupes »
Alors que Marine Le Pen a appelé tous les militants de son parti à venir manifester dimanche, les partis socialiste, communiste et écologiste ont affirmé vouloir mettre en place « un cordon républicain » dans le cortège pour ne pas se mêler à l’extrême droite.
Impossible pour ces formations politiques de s’afficher aux côtés d’un parti dont le fondateur a multiplié pendant des années les saillies antisémites et racistes. Même si Marine Le Pen, qui a pris la tête du Front national (devenu Rassemblement national) en 2011, a engagé son parti dans une stratégie de dédiabolisation.
« Elle est dans une stratégie de conquête du pouvoir », souligne l’historien Marc Knobel, rappelant la citation d’un haut responsable du RN, Louis Alliot, en 2013: « c’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour nous ».
« Nous ne sommes pas dupes, il y a des arrière-pensées », reprend Yonathan Arfi du Crif. « L’antisémitisme, ce n’est pas à la carte, le RN dénonce l’antisémitisme islamiste mais est incapable de dénoncer l’antisémitisme qui vient de son propre camp. Je les considérerai comme sincères le jour où ils feront le procès de leur propre histoire », dit-il.
Le président Emmanuel Macron a lui mis en garde mercredi ceux qui « prétendent soutenir nos compatriotes de confession juive en confondant le rejet des musulmans et le soutien des juifs ».
Boycott de la gauche radicale
La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon sera de son côté le seul parti à ne pas participer à la marche. « On ne lutte pas contre l’antisémitisme et le racisme dans la confusion », a-t-elle estimé mercredi dans un communiqué.
La veille, M. Mélenchon avait provoqué l’indignation en déclarant sur le réseau X (ex-Twitter), en référence à la guerre en cours à Gaza, que « les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous dimanche », et ce « sous prétexte d’antisémitisme ».
« Il a insinué que la marche de dimanche est une marche pour Israël, alors que ce n’est pas le cas », relève Marc Knobel.
« Chacun est dans son camp avec ses stratégies, alors que la question qui se pose aujourd’hui est de rassembler le plus de gens possible, des politiques, mais aussi des intellectuels, des Monsieur et Mme Tout le monde », « c’est la République qui est un bouclier contre l’antisémitisme », insiste l’historien.
Yonathan Arfi « espère que les Français sauront s’emparer de l’événement », en souhaitant une mobilisation historique comme celle qui avait suivi la profanation du cimetière juif de Carpentras, en 1990.
Les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre, qui ont fait plus de 1 400 morts côté israélien, ont déclenché une guerre. Israël affirme que son offensive vise à détruire les capacités militaires et de gouvernance du Hamas, et s’est engagé à éliminer l’ensemble du groupe terroriste qui dirige la bande de Gaza. Il affirme viser toutes les zones où le Hamas opère, tout en cherchant à réduire au maximum les pertes civiles.