Michael Barenboim : « Je suis Juif, mais je ne veux pas être représenté par Israël »
Fils d'un musicien de renom, le jeune violoniste allemand dit avoir "du mal à comprendre comment la demande pour un cessez-le-feu immédiat ne fait pas consensus en Allemagne et en Occident"
Michael Barenboim, le célèbre violoniste allemand, emboîte le pas à son père, le pianiste et chef d’orchestre Daniel Barenboim, en critiquant Israël.
Michael Barenboim est professeur de violon à la Barenboim-Said Academy, fondée par son père et le célèbre penseur palestino-américain Edward Saïd, mais aussi violoniste solo au West-Eastern Divan Orchestra. Cette formation rassemble des musiciens israéliens, égyptiens, iraniens, jordaniens, libanais et palestiniens.
Barenboim participe à des concerts de charité destinés à collecter des fonds pour la fourniture d’une aide humanitaire à Gaza et en Cisjordanie.
Lors d’une conférence TED organisée à Berlin en février 2024, le musicien juif avait partagé devant une salle comble son sentiment face à la guerre à Gaza et notamment la réponse de l’armée israélienne à l’attaque du 7 octobre par les terroristes du Hamas.
Des extraits de son intervention sont réapparus ces derniers jours sur les réseaux sociaux.
« Pourquoi impliquer les Palestiniens dans cette histoire si nous, Allemands, avons une conscience coupable ? Il n’y a aucune raison que les Palestiniens souffrent de quelque chose que les Allemands ont fait il y a 80 ans, » a déclaré Barenboim.
« Je me réveille chaque matin, la première chose que je fais est de regarder mon téléphone [pour vérifier] combien de centaines de Palestiniens ont été tués aujourd’hui, combien d’hôpitaux ont été détruits, combien de membres d’enfants ont été amputés sans anesthésie », poursuit-il.
« J’ai du mal à comprendre comment la demande pour un cessez-le-feu immédiat ne fait pas consensus en Allemagne et en Occident », affirme-t-il sous les applaudissements du public.
Il conclut son intervention en estimant que « Israël essaye tout le temps de se présenter comme la seule représentation du judaïsme. Je suis Juif, n’est-ce pas ? […] Mais je ne veux pas être représenté par Israël ».
Le journal libanais L’Orient-le-Jour rapporte que sur les réseaux sociaux, les internautes, qu’il s’agisse d’activistes pro-Palestiniens ou non, ont repris en masse certains extraits, saluant ce qu’ils ont appelé « une conversation très intelligente ».
« Michael Barenboim, un juif allemand, un musicien à la tête d’une académie, l’a dit en premier ! Merci ! C’est ce que nous ressentons tous. Merci de rester en Allemagne », a écrit une utilisatrice de X, tandis qu’un autre internaute saluait « un vrai humanitaire, qui défend la vérité et la justice ».
En réaction, plusieurs comptes pro-israéliens ont estimé que le musicien faisait en réalité de la « désinformation », lui reprochant, comme cela est massivement le cas des défenseurs de l’État hébreu, de ne pas mentionner le pogrom du 7 octobre mené par une horde de terroristes et de civils palestiniens.
Dès le 11 octobre, le père de Michael Barenboim, Daniel, avait lui condamné l’attaque du Hamas mais aussi le siège de Gaza par Israël, qu’il considérait comme une « punition collective qui est une violation des droits humains ».
Daniel Barenboïm est de longue date connu pour ses critiques acerbes à l’égard de l’État juif.
Détenteur depuis 2008 d’un passeport palestinien et nommé « messager de la paix » par l’ONU en 2007, il considère que l’art a un rôle à jouer dans la diffusion d’un message de paix au Proche-Orient. En 2011, il dirige ainsi un concert historique à Gaza.
En 2015, il effectue des démarches pour organiser un concert à Téhéran. Une décision controversée en Israël, où la ministre de la Culture de l’époque, Miri Regev, avait accusé Barenboim d’utiliser la culture comme plate-forme pour ses « opinions politiques anti-Israël » et d’ainsi « encourager la délégitimation [de l’existence] d’Israël ».
En 2017, il dénonce dans une tribune publiée par Le Monde la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.