Miel et spiritualité au menu des ruches d’un apiculteur juif à Londres
Pour David Roth, ce passe-temps, adopté durant la pandémie de COVID-19, ne lui procure pas seulement du miel et de la cire, mais aussi de l'inspiration
Trouver un cadeau original de Rosh HaShana pour leurs amis n’est pas un problème pour David et Judy Roth, un couple juif originaire de Londres. Ils n’ont qu’à faire un joli paquet de l’un des pots de miel que leur procure la ruche située dans leur jardin.
C’est le miel, traditionnellement consommé avec des pommes pour le Nouvel an juif, et les bougies en cire d’abeille produites par les Roth qui expliquent leur décision, il y a de cela trois ans, de se joindre à deux autres couples juifs et d’investir du temps et de l’argent dans l’apiculture, avec tous les risques que cela comportait.
Peu à peu, la joie de produire du miel s’est ajoutée aux bienfaits spirituels de ce nouveau passe-temps, explique David Roth, 61 ans.
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« Je ne m’attendais pas du tout à penser ainsi, mais le miel est un plus très intéressant. Mais franchement, ce n’est pas le plus important », ajoute Roth, responsable marketing et père de trois enfants avec son épouse Judy, infirmière de profession.
Roth se dit fasciné par les subtilités et mystères qui entourent le comportement des abeilles. Mais, le concernant, l’apiculture revêt également une forte composante spirituelle.
« Je suis une personne religieuse, je ne crois pas que le monde ait été créé par accident. Et quand on voit les merveilles du travail et de l’organisation des abeilles, on se sent en connexion avec Dieu », expliquait cette semaine au Times of Israel Roth, qui utilise les bougies en cire d’abeille pour la havdalah– la prière qui marque la fin de Shabbat.
Les Juifs londoniens s’intéressent à l’apiculture depuis 2011 au moins, date à laquelle un centre communautaire juif a lancé l’initiative « Bee The Change », qui a permis de former deux apiculteurs urbains au sein de la communauté.
Les Roth et leurs amis apiculteurs juifs ont, eux, adopté ce passe-temps pendant les confinements dûs au coronavirus, recevant des conseils d’un centre communautaire non juif qui a lancé l’activité dans le cadre de son programme d’adaptation à l’isolement. Les Roth, qui fréquentent une synagogue orthodoxe du quartier nord-ouest de Pinner, à Londres, ont rapidement découvert que l’apiculture était en phase avec leur côté religieux.
Religion aux racines agricoles profondes, le judaïsme a une approche bien documentée de l’apiculture, englobant à la fois la responsabilité du gardien envers ses abeilles et détaillant les complications légales susceptibles de survenir lorsqu’un essaim quitte sa ruche.
L’apiculture est l’une des rares situations dans lesquelles les enfants peuvent servir de témoins selon la halakha – ou loi juive orthodoxe. Cette dernière stipule en effet que si un enfant témoigne qu’un essaim est originaire de la ruche d’un propriétaire, l’essaim peut être rendu au dit propriétaire sur la base de son seul témoignage.
Une autre rare exception atteste de l’importance que l’apiculture avait avant que les humains n’industrialisent la production du sucre : le fait, pour les propriétaires d’abeilles, de pouvoir pénétrer sur la propriété d’autrui – un gros problème dans le judaïsme – pour récupérer des essaims échappés ou errants. Ils peuvent même couper les branches d’arbres appartenant à d’autres personnes – un autre gros problème – mais sont obligés d’indemniser le propriétaire de ladite propriété pour tout dommage causé, selon ce que le rabbin Avraham Laber, lui-même apiculteur et co-directeur du centre du mouvement Habad Loubavitch du sud du comté de Rensselaer, dans l’État de New York, a déclaré à Chabad.org en 2019.
Une organisation à but non lucratif aux États-Unis, Bees for Peace, encourage, dans le cadre de sa mission, les rabbins, les imams et les prêtres à lancer des projets d’apiculture dans leurs communautés pour l’aspect spirituel de l’expérience.
Il n’est pas nécessaire d’être membre du clergé pour comprendre que les sociétés apicoles offrent des pistes de réflexion pour la vie humaine.
« C’est une expérience de réflexion étonnante et c’est là que l’humanité et la nature se rejoignent en quelque sorte », a déclaré Roth. L’observation des abeilles lui a donné « une immense appréciation de la merveille de Dieu ou de la nature, selon votre point de vue », a-t-il ajouté.
Une colonie moyenne compte 50 000 abeilles, a-t-il noté, et « toutes ont un rôle et un but ». « Elles s’occupent les unes des autres. Aucune ouvrière ne va à l’école des abeilles. Elles apprennent instinctivement. C’est une micro-société, qui, soit dit en passant, ne souffre pas des réseaux sociaux. »
L’apiculture n’est pas pour tout le monde. Elle peut être pratiquée sur un toit, mais l’idéal est de disposer d’un terrain suffisamment grand pour que la ruche soit éloignée des fenêtres. David et Judy Roth ont mis en terre des plantes adaptées aux abeilles et ont cessé de tailler une partie de leur jardin pour le laisser pousser naturellement – un terrain à l’état sauvage – pour les abeilles.
L’extraction du miel nécessite un équipement et des compétences spécifiques. Pour survivre, les abeilles doivent être nourries et soignées tout au long de l’hiver – leur alimentation de subsistance, faute de nectar et de pollen, est constituée d’eau sucrée.
Et puis, il y a le risque de se faire piquer, une éventualité inévitable et potentiellement dangereuse pour quiconque manipule des abeilles pendant une longue période.
« J’ai été piqué plus de fois que je ne voudrais m’en souvenir », a déclaré Roth lorsqu’on lui a posé la question. « Mais la plupart du temps, j’ai compris pourquoi je m’étais fait piquer et je n’ai pas répété mon erreur. C’était pour d’autres raisons. »
Bien que la piqûre entraîne la mort de l’abeille, les abeilles sont « extrêmement protectrices et si elles pensent que quelqu’un est là pour nuire à leur ruche, elles ne perdent pas de temps pour vous trouver », explique Roth.
Études comportementales
Certains aspects du cycle de vie de l’abeille ont semblé cruels à Roth lorsqu’il en a été témoin pour la première fois dans le cadre de son activité d’apiculteur.
« Ils veulent conserver autant de miel que possible pour que les abeilles puissent survivre à l’hiver. Les mâles, les faux-bourdons, sont donc exclus par le reste de la colonie et meurent de faim. La colonie diminue alors de moitié », explique Roth.
Certains aspects du comportement des abeilles ont déconcerté les scientifiques des siècles durant. Ce n’est que dans les années 1970 que le scientifique autrichien Karl von Frisch a expliqué comment les abeilles mellifères communiquent dans l’obscurité totale de la ruche grâce à leur danse ondulatoire, qui leur donne les coordonnées des fleurs – sous une forme si complexe qu’elle tient compte de la rotation de la Terre. Von Frisch a reçu le prix Nobel de médecine et de physiologie pour cette découverte.
D’autres comportements restent mystérieux, notamment le mécanisme par lequel de nouvelles reines sont élevées dans une ruche qui ne tolère généralement qu’une seule reine, et ce qui pousse leurs suivantes à quitter leur ruche pour en former une nouvelle.
Un autre exemple est le washboarding, terme qui désigne le fait que les abeilles mellifères utilisent leurs mandibules et leurs pattes avant pour gratter la surface de la ruche en groupe et de manière rythmée.
L’aversion des abeilles pour la pluie est un aspect plus compréhensible de leur comportement.
« Elles ne l’aiment pas. C’est très drôle parce qu’on les voit sortir de leur ruche, regarder autour d’elles, entendre qu’il pleut et retourner directement à l’intérieur. Tout comme les autres Londoniens », a déclaré Roth, alors qu’il sortait une hallah du four, destinée au repas de Rosh HaShana, dans sa maison de Pinner.
Mais cela peut avoir de graves conséquences sur la capacité de survie des abeilles, car lors d’étés pluvieux, comme ce fut le cas en Angleterre, les abeilles récoltent peu de miel, ce qui peut entraîner une mortalité massive en hiver, en particulier pour les essaims sauvages.
Un taux de mortalité qui grimpe en flèche
Ces dernières années, le taux de mortalité des abeilles est monté en flèche en raison de ce que les scientifiques considèrent comme une combinaison de parasites, de pesticides, de famine et de dérèglement climatique.
L’année dernière, les ruches américaines ont enregistré le deuxième taux de mortalité le plus élevé jamais enregistré, les apiculteurs ayant perdu près de la moitié des colonies qu’ils géraient, selon une enquête annuelle sur les abeilles. Le problème est mondial et, au Royaume-Uni, 33 % des populations d’abeilles ont disparu au cours de la dernière décennie, 13 des 35 espèces d’abeilles indigènes s’étant éteintes depuis 1900.
Les implications de ce phénomène dépassent de loin la seule industrie de la production de miel, car les abeilles sont des pollinisateurs majeurs pour de nombreuses cultures, ce qui affecte également les industries de la viande et des produits laitiers.
La technologie est utilisée pour résoudre le problème, et la high-tech israélienne est à la pointe de la lutte pour réduire la mortalité des abeilles. La société israélienne BeeWise, par exemple, a inventé la « Beehome » une ruche alimentée à l’énergie solaire qui combine les opportunités offertes par la robotique, l’intelligence artificielle (IA) et l’imagerie, avec un logiciel et une application mobile qui permettent de contrôler, s’occuper et surveiller les abeilles 24 heures sur 24 dans les ruches individuelles, ce qui, selon l’entreprise, permet de réduire les taux de mortalité de 40 % à 8 %.
Mais les apiculteurs amateurs peuvent aussi faire la différence, a déclaré Roth, qui a travaillé dans le cadre de ses fonctions professionnelles avec de nombreuses grandes firmes afin d’améliorer leurs performances environnementales.
« Du point de vue de l’apiculture, on ne peut pas changer le monde, mais on peut faire la différence. Et chaque petit geste compte », a déclaré Roth.
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