Moissac, une « ville de Justes oubliés », rend hommage à dix de ses héros
La Maison de Moissac a permis de sauver près de 500 enfants juifs de la déportation, témoigne le fils des gérants
La Maison de Moissac a fait exception pendant la Seconde Guerre mondiale, dans une France partagée entre l’occupant allemand et le régime de Vichy. Dirigée par un couple d’Éclaireurs israélites de France, Shatta et Bouli Simon, en zone vichyste, elle a permis d’accueillir près de 500 enfants juifs entre 1939 et 1943 pour les sauver de la déportation.
Ce dimanche 21 juillet, la ville du Tarn-et-Garonne rendait hommage aux Justes de France, en particulier aux 10 Moissagais honorés par ce titre. Le journal La Dépêche est allé à la rencontre de Jean-Claude Simon, le fils des gérants de la Maison de Moissac, pour recueillir son témoignage.
Le refuge a vu le jour en 1939, grâce notamment à la complicité active du maire de la ville et de sa population. Jean-Claude Simon précise qu’il recueillait sous une fausse identité des enfants juifs, Éclaireurs israélites, de Paris et de la région. Il explique que les enfants vivaient au vu et au su de tout le monde. « Tout le monde savait que nous étions Juifs mais tout le monde nous a protégés ».
« Par exemple tous les vendredis, c’est Shabbat alors il fallait se laver. Mais il n’y avait pas de douche dans la maison. Donc nous traversions la ville en rang aux douches municipales en chantant à tue-tête : ‘Lève la tête peuple d’Israel’ », ajoute-t-il.
Si bien que la Maison de Moissac a permis de sauver l’intégralité des enfants qu’elle a abrités. « Tous les autres enfants sont sortis sain et sauf. Plus de la moitié était orphelins. »
Si la ville de Moissac n’est pas officiellement reconnue comme « ville de Justes », Jean-Claude Simon la qualifie de « centre de la résistance en France ». Il est surtout le président de l’association « Moissac, ville de Justes oubliés », un nom qui honore cette page de l’histoire de la ville.
Un film fait avec des Israéliens raconte ce passé de la Maison de Moissac. Il a rassemblé plus d’un million de téléspectateurs en Israël le jour de Yom HaShoah.
Cet hommage ce 21 juillet se tenait dans le cadre de la « Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France ».
La ville de Moissac est dirigée par un maire Rassemblement national, Romain Lopez, depuis 2020. La commune de 13 000 habitants avait pour la première fois basculé à droite en 2014.
Romain Lopez avait été l’auteur, quelques années avant son élection, de tweets antisémites, avaient rapporté l’Union des étudiants juifs de France et le journal Le Monde.
Moissac, ville symbole de la résistance, passe aux mains d’un antisémite notoire avec l’assentiment et les félicitations…
Posted by Union des Etudiants Juifs de France [ UEJF ] on Sunday, June 28, 2020
En 2015, peu après les attentats de Charlie Hebdo et du magasin Hyper Cacher, le futur maire d’extrême droite avait réagi à la formation d’un groupe d’études sur l’antisémitisme à l’Assemblée nationale par ces mots : « Comme s’il n’y avait pas eu assez d’études sur ce sujet… »
Le responsable politique avait également à l’époque décrit l’avocat Serge Klarsfeld, chasseur de nazis engagé dans la lutte contre l’antisémitisme, comme l’un des « apôtres du complexe victimaire [qui] ne savent plus quoi inventer ».
Dans un troisième post, il répondait à un message du polémiste Alain Soral, qui avait écrit : « L’Europe, Charlie et… le Donbass ignoré de tous. »
Lopez lui avait ainsi répondu : « Sans parler des 2 000 chrétiens du Nigeria mais ils ne sont ni journalistes ni Juifs. Donc le système ‘se frego’. » Par l’expression « se frego », il faisait référence à la devise « me ne frego », « je m’en fous », du dictateur fasciste Benito Mussolini.
Face aux médias qui l’interrogeaient à ce sujet, Romain Lopez expliquait une « erreur de jeunesse ». « Vous savez, ici, ces tweets n’intéressent personne », avait-il déclaré au journal Le Monde.
Afin de se dédouaner de tout antisémitisme, le candidat avait, avant sa victoire à la mairie, épinglé en une de sa page Twitter un message vidéo de Paul-Alain Altar, dit Alter, enfant juif réfugié à la Maison des enfants de Moissac pendant la guerre, également grand-père de Julien Leonardelli, délégué départemental du Rassemblement national de Haute-Garonne.