Netanyahu, Obama et un conseiller médiatique offensant qui doit être renvoyé
Il n’y a pas d’explication acceptable dans l’échec du Premier ministre qui devrait immédiatement annuler la nomination d’un représentant officiel qui a traité le président des Etats-Unis d’antisémite
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Il doit bien y avoir une explication. Il doit forcément y en avoir une. Mais je ne la trouve pas.
Je ne parle pas de la décision de Benjamin Netanyahu qui a choisi comme nouveau conseiller médiatique et directeur de la communication un homme qui a l’habitude bien connue de critiquer les dirigeants nationaux et internationaux, notamment les présidents Obama et Rivlin.
Si l’on ne connaissait pas mieux la classe dirigeante israélienne, on pourrait considérer que c’est inexplicable. On pourrait considérer qu’il est plus qu’incompréhensible que personne au cabinet du Premier ministre n’ait été chargé de lire le flux Facebook de Ran Baratz où ce dernier accusait Obama d’être antisémite, où il traitait le secrétaire d’Etat John Kerry d’imbécile, le ministre de la Défense israélien Moshe Yaalon d’abruti et de nombreuses autres insultes dans la même veine.
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Vous me direz que c’est hallucinant. Et vous avez bien raison. Nous sommes dans un pays qui impose aux candidats à des positions de haut niveau des vérifications d’antécédents rigoureuses faisant appel aux hiérarchies militaires et du renseignement.
Mais la triste vérité est que l’échec dans l’enquête concernant Baratz est tout simplement plus qu’une histoire d’incompétence de routine du gouvernement israélien qui a également vu – juste pour donner un sinistre exemple de la relation en dents de scie entre Obama et Netanyahu – le projet de construction autorisé par les autorités de Jérusalem d’un nouveau bâtiment dans le quartier controversé de Jérusalem Est (Ramat Shlomo) justement là où le vice-président Joe Biden s’était rendu au cours d’une visite il y a cinq ans.
Autre exemple, plus tôt cette année. Dans le bureau d’un ministre du Likud, la nomination d’un aspirant chef de police (Gal Hirsch) dont la société, si l’on avait procédé à une vérification sommaire, se trouve être au cœur d’une enquête criminelle internationale.
Un dernier exemple, la pertinence de la photo de cet été où Netanyahu était au sommet d’une dispute incendiaire avec les Palestiniens à propos de ses plans ostentatoires pour renforcer l’accès des Juifs au mont du Temple.
Les activistes du mont du Temple et Yehuda Glick au cabinet du Premier ministre ont même posé ensemble sur une photo avec un air penaud. Sur cette photo, Glick tient un exemplaire de son dernier livre prônant la prière juive sur le site.
La main gauche ignore ce que fait la main droite.
Mauvaise gestion pitoyable. Dangereux amateurisme. Hélas, rien de bien surprenant.
Ce que je trouve vraiment inexplicable, c’est qu’une fois que l’incompatibilité de Baratz pour représenter Netanyahu et Israël et pour endosser n’importe quel rôle a été avérée de manière définitive, pourquoi le Premier ministre ne s’en est pas immédiatement séparé : mercredi, Baratz a reçu le prestigieux titre de conseiller médiatique.
Mercredi soir, il était exposé. Dès jeudi matin, il aurait déjà dû appartenir au passé.
Au lieu de cela, le Premier ministre a enfoncé le clou de son erreur de départ en laissant la situation s’envenimer. Et maintenant que les heures – et aujourd’hui les jours – ont passé, l’incompétence est un motif qui ne suffit plus à justifier de tels actes.
Conséquence du refus totalement incompréhensible de Netanyahu de revenir sur la nomination d’un homme dont l’historique Facebook constitue un affront au président des Etats-Unis, le Premier ministre se rendra lundi à la Maison Blanche sans avoir explicité au président qu’il considère l’accusation d’antisémitisme qui pèse contre lui comme absolument inadmissible.
Netanyahu a simplement déclaré qu’il « se débrouillera avec cette affaire » à son retour en Israël.
Il a même utilisé son compte Twitter pour choisir un combat mineur inutile supplémentaire avec l’administration vendredi, démentant qu’il avait affirmé à Kerry qu’il « reverrait » la nomination, quelques heures après que le porte-parole du secrétaire d’Etat a publiquement annoncé que Netanyahu avait promis à Kerry qu’il le ferait.
Pourquoi s’obstiner ?
Plusieurs explications ont été envisagées pour justifier le comportement inadmissible de Netanyahu. Il a été suggéré, par exemple, qu’il a tellement peur d’être étiqueté comme faible par ses partenaires-rivaux de la coalition de droite, d’être perçu comme étant en position de capitulation face au mécontentement américain, qu’il n’ose pas annuler rapidement la nomination.
Le toujours gênant dirigeant Naftali Bennett du parti HaBayit HaYehudi a sauté sur l’occasion jeudi, déclarant que c’était à Israël de décider qui nommer à de tels postes.
Mais cela n’a pas vraiment de sens. Aucun politicien israélien ne devrait vouloir que le pays soit représenté dans une position délicate par un fonctionnaire avec un historique désagréable de propos offensants gratuits et dont les précédentes déclarations constituent un handicap manifestement dommageable.
Comme certains de ses collègues de la coalition plus matures et responsables l’ont fait, Bennett aurait dû encourager Netanyahu à renvoyer Baratz sur le champ pour le bien d’Israël en général et le bien des relations israélo-américaines en particulier.
Pourtant, même si Bennett était trop centré sur lui-même pour le voir, Netanyahu aurait tout simplement pu l’ignorer. Le Premier ministre a fait un mauvais choix qui avait besoin d’être corrigé rapidement.
Une autre thèse veut que Netanyahu ait délibérément gardé Baratz, au moins pour l’instant, pour souffler dans les bronches d’un président à qui il reproche le pacte nucléaire honteux avec l’Iran, dans une obsession non nuancée pour les maux de la construction d’implantations israéliennes, pour ne pas avoir réussi à parvenir à un compromis avec les dirigeants palestiniens, et pour toute une liste d’autres crimes affirmés et imaginés. Obama arrive à la fin de son second mandat et le Premier ministre, dans ce contexte, n’a aucun scrupule à lui causer de nouvelles offenses.
Cette explication-ci, cependant, n’est pas satisfaisante non plus. Le président a encore plus d’un an à passer dans le Bureau ovale – une véritable éternité dans la réalité chaotique du Moyen-Orient d’aujourd’hui.
La dernière chose que Netanyahu devrait chercher à faire est de l’aliéner encore – pas après avoir testé les limites de leur partenariat en faisant pression contre le président dans son propre Congrès ; pas comme il cherche maintenant à se coordonner avec l’administration sur les conséquences de l’accord iranien ; pas comme il cherche un nouvel accord de dix ans pour l’aide de la sécurité des États-Unis d’une valeur de dizaines de milliards de dollars ; pas comme il cherche à forger une compréhension sur la manière de gérer le conflit avec les Palestiniens maintenant que le président a abandonné l’espoir de négocier un accord de paix.
La seule explication plausible est que Netanyahu, après avoir compris que la nomination de Baratz est un véritable désastre, ne veut tout simplement pas l’admettre. Il n’a pas tant peur d’être traité de faible par Bennett que de se sentir bête lui-même.
Il préfère reporter la question à plus tard et peut-être annuler la nomination dans quelques jours quand l’attention de tout le monde sera concentrée sur la prochaine crise et garder Baratz comme un défi une fois que la visite à Washington sera derrière lui.
Mais je me plais à penser que cette explication n’est pas valable non plus car elle dépeint une mauvaise peu flatteuse du Premier ministre.
Un comportement inexcusable
Malheureusement, avec toutes les crises auto-créées qui se succèdent, il est de plus en plus difficile de trouver des excuses et des explications crédibles au comportement de Netanyahu. Il salit notre démocratie en protestant que les Arabes israéliens votent en masse le jour du scrutin.
Il sape la diplomatie israélienne en dirigeant le pays sans un ministre des Affaires étrangères et en envoyant un adversaire déclaré d’une solution à deux Etats pour représenter Israël aux Nations unies. Il disculpe partiellement Hitler pour l’Holocauste en exagérant radicalement l’influence d’un mufti palestinien.
Il ignore les conseillers experts qui l’avertissent que d’aller au Congrès rendra plus difficile pour les législateurs démocrates de s’opposer à l’accord iranien parce qu’ils ne voudront pas être vus comme privilégiant le dirigeant d’Israël au détriment du leur.
Et maintenant, il se rend à Washington pour une mission d’apaisement entravée par son refus obstiné de se débarrasser d’une personne nommée qui a de manière injustifiée accusé le dirigeant allié le plus important et le plus inébranlable d’Israël.
Benjamin Netanyahu n’est pas devenu le deuxième plus ancien Premier ministre d’Israël par hasard.
Il s’agit d’un homme politique très malin et ingénieux dont la position pessimiste sur les attitudes régionales et mondiales pour les Juifs et leur Etat a largement résonné parmi les Israéliens.
Parmi eux, beaucoup se sentent physiquement menacés sur plusieurs fronts régionaux et insuffisamment pris en charge à l’échelle internationale.
Une série de succès électoraux montre que, lorsque Netanyahu met en garde contre le renoncement aux territoires parce que les extrémistes vont s’en charger, cela a plus de sens pour une majorité d’Israéliens par rapport à Obama ou au chef de l’opposition du jour les exhortant à prendre des risques pour la paix.
Lorsque Netanyahu frappe en représailles le Hamas à Gaza, mais le fait sans l’atterrissage des Forces de défense israéliennes dans la bande, il gagne la reconnaissance et le soutien des parents des appelés sous les drapeaux à l’échelle nationale, bien au-delà de sa base électorale naturelle.
Mais dans un pays si immensément plus victime que coupable, qui se bat avec tant de ferveur pour prospérer et se protéger contre ses ennemis sans morale au milieu d’une communauté internationale antipathique et aveugle, la combinaison des énoncés nocifs de Netanyahu, les sombres perspectives et la création de crises inutiles génèrent de plus en plus de dommages aux causes et intérêts israéliens.
Cela compense également un trop grand nombre des avantages de ses positions mieux jugées clairement dirigées et plus pragmatiques. Et à titre d’exemple, l’affaire Baratz est un cas particulièrement lamentable.
Netanyahu devrait avoir honte de se rendre à son rendez-vous avec Obama sans avoir réglé l’affaire Baratz. Cela insinue que le Premier ministre israélien pense qu’il n’est pas incompatible qu’un membre de premier ordre de son gouvernement puisse se permettre de tenir publiquement des propos selon lesquels le président des Etats-Unis d’Amérique est antisémite. Cela dépasse l’entendement et va au-delà de toute explication.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel