Commençons par la fin. L’aube s’est levée sur la matinée du mardi 25 juillet et le gouvernement d’Israël a cédé. Complètement. Il n’y aucun autre moyen de le dire. Il a retiré les détecteurs de métaux qui avaient été installés après l’attentat du 14 juillet commis contre deux policiers sur le mont du Temple, et il a même fait enlever les nouvelles caméras qui avaient été également mises en place. En l’espace de quatre jours, il a pris le contre-pied absolu de la décision totalement justifiée, mais peu sage qui avait été adoptée par le cabinet sécuritaire, dans la nuit de dimanche, de laisser les détecteurs de métaux qui avaient été dressés.
Lorsque trois terroristes arabes israéliens parviennent à tuer deux policiers druzes à l’aide d’armes à feu qu’il ont introduit clandestinement sur le lieu saint, comme c’est arrivé le 14 juillet, il est difficile de douter de la légitimité de contrôles de sécurité effectués sur celles et ceux qui entrent dans le complexe du mont du Temple.
Mais la manière dont les détecteurs de métaux et autres mesures de sécurité ont été imposés – sans coordination préalable avec la Jordanie, le Waqf jordanien (l’autorité musulmane qui administre le site), ou même l’Autorité palestinienne – a été plus que malheureuse.
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« Le mont du Temple est entre nos mains », a maintenu Israël depuis 1967 mais – au grand chagrin de nombreuses personnes – il ne se trouve pas seulement entre les mains d’Israël. Les événements survenus au cours des dix derniers jours soulignent le prix élevé, notamment le prix du sang, que doivent payer ceux qui tentent d’ignorer ce fait.
Le mont se trouve également entre les mains des Jordaniens, grâce à la décision prise par Israël d’autoriser le Waqf à continuer d’administrer le site au lendemain de la guerre des Six Jours.
Les Jordaniens transportent un modèle du Dôme du Rocher durant une manifestation à Amman contre les nouvelles mesures sécuritaires sur le mont du Temple, le 21 juillet 2017 (Crédit :/Khalil Mazraawi/AFP)
Et aussi troublant que cela puisse être pour Israël, il y a également le facteur palestinien à prendre aussi en compte – pas seulement l’Autorité palestinienne mais les Palestiniens dans leur ensemble, pour lesquels le mont du Temple, la mosquée Al-Aqsa, sont un symbole à la fois religieux et national. Le sort d’Al-Aqsa touche les sensibilités les plus aiguës de l’opinion publique palestinienne, mais aussi arabe et musulmane au sens large – très large. Que cela nous plaise ou non, qu’il soit officiel ou non, ils ont également un rôle dans la prise de décision sur le mont.
Le gouvernement actuel israélien préfère habituellement ignorer les Palestiniens, mettre sur la touche le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et parler aux Jordaniens. Mais exclure les Palestiniens n’a résulté qu’en une plus grande influence acquise par les mouvements islamiques sur le mont : le Hamas et la branche du nord du mouvement islamique – mise hors la loi – ont pu ainsi être en mesure d’étendre leur sphère d’influence tandis que l’AP a été détrônée. Et pour eux, Al-Aqsa est le carburant qui permettra d’enflammer les masses, d’enflammer l’atmosphère et de provoquer les violences.
L’entrée du mont du Temple depuis la porte des Lions, après le retrait des détecteurs de métaux, le 25 juillet 2017 (Crédit : Raoul Wootliff/Times of Israel)
Le retrait des détecteurs de métaux, mardi matin, est toutefois une mauvaise nouvelle pour les Islamistes. Ils vont tenter de revendiquer une victoire et clamer que c’est à eux que revient la capitulation israélienne. Mais le démantèlement des portiques aura offert la victoire à tous ceux qui se sont tenus à l’entrée du mont du Temple pour manifester contre les détecteurs mais qui n’appartiennent ni au Hamas, ni à la branche du nord, ni à n’importe quelle autre organisation.
Le chef du Hamas Ismail Haniyeh et le porte-parole Fawzi Barhoum lors d’une manifestation dans la ville de Gaza le 22 juillet 2017 contre les nouvelles mesures de sécurité mises en oeuvre en Israël sur le lieu saint, avec notamment des détecteurs de métaux et des caméras, suite à un attentat qui a tué deux policiers israéliens la semaine précédente (Crédit : /Mohammed Abed/AFP)
Le démantèlement des détecteurs est également une mauvaise nouvelle pour les militants de l’extrême-droite qui tentent de faire avancer leur propre agenda sur le mont du Temple et réaliser une souveraineté israélienne pleine et entière là-bas – en gagnant le droit à la prière juive, à une synagogue et, au bout du compte, à un Troisième temple.
Cette capitulation constitue une reconnaissance de facto de la part du gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu des limites de ses pouvoirs sur le mont. Ces militants ont pu constater, mardi matin, qu’il existe quelque chose ou quelqu’un qui effraie le Premier ministre Benjamin Netanyahu plus qu’ils ne l’effraient eux-même. C’est la perspective d’une escalade majeure de violence ou la guerre. Netanyahu peut jouer avec le feu, il peut permettre à des ministres comme Naftali Bennett et Ayelet Shaked du parti HaBayit HaYehudi et Miri Regev du Likud de déterminer la politique menée par le cabinet pendant quelques jours. Mais au moment où de vrais problèmes surviennent à l’horizon, Netanyahu lui-même se précipite à céder – même s’il présente ses concessions comme de bonnes réalisations.
Naftali Bennett, ministre de l’Education, pendant le Forum Education et Economie à Jérusalem, le 22 mars 2017. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)
Dans le cas de la reculade actuelle, Netanyahu doit – de manière assez ironique – remercier « Ziv ». Ziv — son identité entière a été placée sous ordonnance de non-publication – c’est le nom du garde de sécurité israélien qui a tué deux Jordaniens par arme à feu, dont un tentait de le poignarder, dans l’enceinte de l’ambassade israélienne d’Amman.
Après l’attaque, dimanche en début de soirée, les Jordaniens ont interdit à Ziv et aux autres personnels diplomatiques de revenir en Israël. Ils ont insisté pour pouvoir soumettre Ziv à un interrogatoire. Ce qui a poussé Netanyahu à envoyer Nadav Argaman, le chef des services de renseignement du Shin Bet, à Amman pour négocier un accord de sortie de crise avec les Jordaniens dans cette affaire.
Argaman, souvenons-nous, c’est ce même chef du Shin Bet qui avait recommandé le retrait rapide des détecteurs de métaux sur le mont du Temple pour devancer les explosions de violence du week-end dernier, mais qui avait été ignoré par Netanyahu tandis que ses partenaires de la droite l’avaient tourné en dérision, voyant en lui un alarmiste pris de panique. Lundi, Netanyahu a apparemment intériorisé que cette alarmiste représentait son meilleur espoir de retour au calme.
Il est difficile d’affirmer de manière définitive à ce stade que l’accord a été réfléchi par Argaman — éventualité qui, pas besoin de le dire, a été démentie par le bureau du Premier ministre. Mais il est possible qu’Argaman ait entrevu une possibilité de faire d’une pierre deux coups, en faisant revenir l’équipe de l’ambassade en Israël et en se débarrassant des détecteurs de métaux.
Le fait est, en tout cas, que quelques heures après qu’Argaman soit revenu de son bref passage en Jordanie, le personnel de l’ambassade, dont Ziv, étaient sur le chemin du retour et que les détecteurs de métaux – qui étaient jusqu’à présents absolument indispensables à la sécurité – ont été retirés.
Nadav Argaman, directeur du Shin Bet, devant la commission de la Défense et des Affaires étrangères de la Knesset, le 12 juillet 2016. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Argaman a fait le travail et a offert à son patron, Netanyahu, les moyens d’émerger de la crise en vainqueur. Une conversation entre Netanyahu et l’ambassadrice israélienne en Jordanie, Einat Schlein, ainsi que le garde « Ziv », qui a eu lieu immédiatement après leur retour en Israël, a été enregistrée et distribuée aux médias. « Je vous avais dit que je vous ferais revenir chez vous », dit le Premier ministre au garde de la sécurité reconnaissant. « Et vous y êtes dorénavant. Chez vous ».
Netanyahu a même demandé à Ziv s’il avait eu le temps de fixer un rendez-vous amoureux avec sa petite amie.
Une crise ? Quelle crise ?