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Nouvelles tragédies avant le vote à la Knesset sur l’interdiction des options binaires

Deux femmes désespérées, dans des régions opposées du monde, auraient cru les fausses promesses des vendeurs d'options binaires en Israël, perdant tout leur argent. Elles en sont mortes

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

Illustration : Piratage informatique. (Crédit : iStock)
Illustration : Piratage informatique. (Crédit : iStock)

Alors que la Knesset se prépare à voter lundi la première lecture d’un projet de loi qui mettrait hors-la-loi la totalité de l’industrie des options binaires, le Times of Israël a été contacté par des amis et des proches de deux femmes vivant à l’étranger et qui, selon eux, auraient été trompées par des courtiers de l’industrie frauduleuse des options binaires en Israël – une arnaque tragique qui les aurait menées à la mort.

Les options binaires sont une entreprise multi-milliardaire, largement frauduleuse, qui est située en Israël et emploie des milliers de personnes. Les activités de ces sociétés escrocs ont été exposées dans une série d’articles parus dans le Times of Israël depuis le mois de mars 2016.

Dimanche dernier, une proposition de loi cherchant à proscrire cette industrie – qui n’a cessé de prospérer sans pratiquement susciter une quelconque intervention de la part des responsables de la loi depuis une décennie – a été approuvée par le cabinet. Lundi, elle passera la première des trois lectures qui sont nécessaires à la Knesset avant son éventuelle adoption définitive.

En janvier 2017, le Times of Israël avait rapporté l’histoire de Frederick Turbide, homme d’affaires canadien de 33 ans, qui s’était donné la mort après avoir perdu les économies de toute sa vie auprès d’une entreprise localisée en Israël appelée 23Traders. (Dans une réponse livrée au moment du drame, 23Traders avait expliqué que cette affirmation était « absolument fausse ».)

La tragédie de Fred Turbide n’a pas été un cas isolé. Le Times of Israël a ainsi entendu parler d’une jeune femme de 32 ans de Singapour, mère d’un enfant de trois ans, qui se serait suicidée le mois dernier, six mois après avoir perdu une somme à cinq chiffres auprès d’Option.FM, un site de vente d’options binaires qui a aujourd’hui disparu.

Le Times of Israël a également eu connaissance de l’histoire d’une femme en Italie. Son ami, qui est entré en contact avec l’équipe du Times of Israël, a expliqué que cette dernière avait sombré dans une profonde dépression et qu’elle était morte après avoir perdu de l’argent, escroquée par l’entreprise Strongoptions.com.

L’homme de Singapour, qui a demandé à ne pas être identifié parce qu’il a déclaré à ses proches que son épouse était décédée de causes naturelles, a indiqué que les problèmes de sa famille avaient commencé en avril 2016, lorsqu’un type de cancer rare avait été diagnostiqué chez lui et qu’il avait subi une intervention chirurgicale majeure.

« Aujourd’hui, je suis encore en train de me rétablir et je porte une sonde gastrique pour m’alimenter », a-t-il dit dans un courriel adressé au Times of Israël .

Le mari, A., qui, jusqu’à une période récente, travaillait dans le secteur de la construction, indique n’avoir pu rassembler les éléments de ce qu’il s’était passé qu’après la mort de son épouse.

Dans les semaines qui ont suivi son décès, A. s’est souvent rendu sur la boîte courriel de sa femme, constatant qu’entre les mois de juin et d’octobre 2016, elle avait échangé des courriels avec trois vendeurs de la société Option.FM, qui s’étaient présentés sous les noms de Daniel Sharp, Kevin Bloom et Glenn Moore. (Les entreprises d’options binaires frauduleuses, en Israël, offrent aux clients dans le monde entier la possibilité d’un investissement potentiellement profitable à court terme mais qui, en réalité – par le biais de plate-formes commerciales truquées, entre autres ruses – flouent la vaste majorité de leurs clients, leur dérobant la totalité ou la majorité de leur argent. Ces vendeurs escrocs dissimulent quotidiennement le lieu où ils se trouvent, présentent de manière mensongère les produits qu’ils ont à vendre et utilisent de fausses identités – ces noms présentés ne sont donc probablement pas ceux des courtiers).

Option.FM
Option.FM

Dans ses courriels, que son époux a accepté de partager avec le Times of Israël, la jeune femme explique aux courtiers avoir un besoin désespéré d’argent en vue du traitement médical que devra suivre son époux, paraissant de prime abord être rassurée par les « assurances » dont bénéficient les transactions. Après avoir déposé plus de 10 000 dollars sur son compte suite aux vives recommandations de « Daniel Sharp » et après avoir rapidement perdu cette somme, elle est contactée par « Kevin Bloom » qui lui promet d’aider à récupérer toutes ses « pertes » par le seul dépôt d’une somme supplémentaire de 4 000 dollars.

La femme, qui n’a cessé de répéter à ses courtiers qu’elle se trouve dans une situation financière dorénavant dans l’impasse, parvient toutefois à rassembler 3 000 dollars – une somme qui, selon son époux, devait provenir d’un emprunt.

Très vite, elle perd la plus grande part des 3 000 dollars déposés pour retrouver la mise initiale de 10 000 dollars.

Elle envoie un courriel à Option.FM: « Maintenant, je veux que vous me remboursiez ce que j’avais déposé parce que ce n’est pas ma faute si j’ai tout perdu. Ce sont vos gestionnaires de compte bien formés qui m’ont donné les instructions pour mener les transactions. Vos analystes comme vos signaux ne valent absolument rien si toutes les transactions doivent échouer ».

En réponse à ce courriel, Glenn Moore répond alors que « considérant la gravité de vos affirmations, nous avons effectué une révision en profondeur de votre compte et nous pouvons vous confirmer que vous avez reçu toutes les attentions nécessaires de la part d’Option.FM. Toutefois, Option.FM voudrait aider à résoudre ce conflit pour conserver la satisfaction de tous ses clients et veut donc vous offrir un remboursement de 3 500 dollars, une somme qui sera retournée sur votre carte de crédit ».

La tour Banc de Binary à Ramat Gan, en 2014. (Crédit : BDBJack/CC BY-SA/Wikipedia)
La tour Banc de Binary à Ramat Gan, en 2014. (Crédit : BDBJack/CC BY-SA/Wikipedia)

A cela, la femme désespérée répond que « les attentions dont vous parlez ne sont pas venues jusqu’à moi. J’ai discuté avec vos gestionnaires de compte de l’objectif pour lequel j’ai investi (pour le traitement de mon époux). La promesse d’aide que vous m’avez faite n’a été qu’une façade qui m’a amenée à déposer une grosse somme et à me retrouver finalement piégée ».

En fin de compte, la femme semble accepter le remboursement de 3 500 dollars (sur la somme de plus de 13 000 dollars confiée au total). Mais selon son époux, l’argent qu’elle a utilisé pour les transactions a été emprunté à des banques.

Après sa dernière correspondance avec Option.FM, en octobre 2016, la femme – professeur de sport en salle – est tombée dans une spirale d’endettement dont elle n’a jamais pu guérir, selon son mari.

« L’argent que mon épouse a utilisé dans ces transactions aux options binaires était de l’argent emprunté auprès d’établissements bancaires. Après qu’elle a été arnaquée de l’argent de ce prêt, ma femme a dû souscrire un autre emprunt dans une autre banque et auprès d’entreprises de carte de crédit », a-t-il raconté.

Au mois de mars de cette année, écrasée sous des dettes croissantes, elle a emprunté de l’argent à des usuriers après avoir reçu un message texto l’encourageant à réclamer un prêt.

Elle a porté plainte auprès de la police de Singapour, décrivant toute l’histoire. Mais le mois dernier, explique son époux, en résultat de ce qu’il estime avoir été une pression psychologique intense issue du harcèlement des usuriers, elle s’est suicidée. Un matin, a expliqué son mari, lui et sa belle-soeur l’ont trouvée morte à leur réveil.

« Voir mon fils pleurer en voyant sa mère étendue sur le sol a été plus douloureux pour moi que mon opération de 23 heures », confie-t-il au Times of Israël.

« Elle avait déjà payé son prêt mais ces usuriers en voulaient toujours plus et pratiquaient l’extorsion en la harcelant. Après la mort de ma femme, ces usuriers ont commencé à nous téléphoner, à nous laisser des messages. Dorénavant, ils s’en prennent à moi et à ma belle-soeur. Ils ont commencé à nous harceler et nous ont même envoyé des messagers ».

« Ma femme avait gardé tout ça pour elle. En tant que mari, cela me fait très mal de me dire que je n’ai rien fait pour lui venir en aide. Si seulement j’avais su… Jusqu’à présent, je suis sous le choc et j’essaie de survivre jour après jour. J’espère que vous pourrez nous aider, moi et mon fils, à faire en sorte que justice soit rendue à ma femme ».

Oren Shabbat (Facebook)
Oren Shabbat (Facebook)

Dans une plainte récente déposée par un ressortissant néerlandais qui a perdu son argent confié à l’entreprise Option.FM, les avocats Nir Friedman et Yossy Haezrachy sont parvenus à prouver au tribunal qu’Oren Shabat Laurent, ancien directeur-général de l’entreprise largement critiquée et récemment fermée Banc de Binary, était également le fondateur d’Option.FM, malgré les dénégations de ce dernier.

Friedman et Haezrachy ont cité une déposition de 2015 qui avait été faite devant la Commission des titres et des échanges des Etats-Unis dans laquelle Laurent avait déclaré que « nous venons juste de lancer une autre société appelée Option.FM, c’est ce qu’on qualifie une marque de secours. Nous l’utilisons pour les clients de Banc de Binary désireux d’avoir des comptes multiples, qui ne veulent pas avoir un seul compte. Ils veulent avoir un autre compte. D’où Option.FM.”

Le Times of Israël a tenté de joindre Laurent pour une éventuelle réaction concernant le drame qui s’est déroulé à Singapour. Nous n’avons eu aucune réponse de sa part au moment de la publication de cet article.

La tragédie frappe en Sardaigne

Le Times of Israël a également eu connaissance de l’existence d’un guide touristique à la retraite originaire de la ville de Sassari en Sardaigne et répondant au nom d’Antonio Sciplino, qui a perdu environ 75 000 euros auprès d’une entreprise appelée financial-advice.net, un site de courtiers d’introduction au site internet Strongoptions.com. Sciplino avait fait virer son argent à la TBI Bank en Bulgarie.

Sciplino, contacté pour la toute première fois par un négociant au mois de décembre 2014 – qui s’exprimait dans un excellent italien avec une trace d’accent romain – a dû reprendre le travail après avoir perdu une grande partie de ses économies. Il n’a épargné aucun effort pour tenter de retrouver ses courtiers et pense que Strongoptions.com tout comme financial-advice.net se trouvent en Israël.

Antonio Sciplino (Autorisation)
Antonio Sciplino (Autorisation)

Sciplino a indiqué au Times of Israël qu’il avait en outre encouragé deux de ses connaissances à investir également chez Strong Options. L’une d’entre elles, une femme de 68 ans aux maigres moyens et qui, pense-t-il, a perdu entre 15 000 et 25 000 euros, est tombée par la suite dans une terrible dépression, arrêtant de s’alimenter. Elle est morte.

« C’était une femme désespérée, elle faisait des ménages pour vivre et elle n’avait pas d’argent. Vous tombez dans le piège et ils sont tellement intelligents que vous n’en avez même pas conscience ».

Ni Strongoptions.com ni financial-advice.net n’existent encore et le Times of Israël a donc été dans l’incapacité d’obtenir une réponse de leur part. Impossible aussi pour le Times of Israël de déterminer qui était le propriétaire de Strongoptions.com. L’entreprise Financial-advice.net a été, elle, enregistrée pendant un moment au nom de Gérard Palord de CEA FINANCE au 35 Rehov Haavoda, à Tel Aviv. Néanmoins, le Times of Israël n’a pu trouver aucune trace de « Gerard Palord » sur internet.

Commençant au mois de mars 2016 avec la parution d’un article intitulé « les loups de Tel Aviv : la vaste et immorale arnaque des options binaires dévoilée », le Times of Israël n’a cessé au cours des 17 derniers mois de détailler les coulisses de cette industrie largement frauduleuse basée en Israël qui a dérobé des milliards de dollars à des centaines de milliers de victimes dans le monde entier lors de la dernière décennie.

Le projet de loi qui mettrait hors-la-loi l’industrie entière et qui sera présenté lundi devant la Knesset imposerait des peines allant jusqu’à deux ans de prison à quiconque contreviendrait à l’interdiction de ce type de société.

La loi s’appliquerait à tous ceux qui « gèrent une plate-forme de trading en ligne » vendant soit des options binaires soit d’autres produits financiers dans le pays s’ils ne possèdent pas d’autorisation préalable. La législation définit la gestion d’un site de plate-forme en ligne comme « la prise de décisions stratégiques en faveur d’une entreprise gérant un site de trading en ligne » ou aidant « au fonctionnement du site internet – notamment par le biais de systèmes logiciels ou informatiques, de centre d’appels ou de démarchage en ligne ou par téléphone, que ce soit directement ou par le biais d’une entreprise – à la gestion ou à l’approvisionnement en services à un site de Trading ».

Piazza d'Italia à Sassari, Italie (Crédit : AlKane/iStock)
Piazza d’Italia à Sassari, Italie (Crédit : AlKane/iStock)

L’industrie des options binaires israélienne rapporte, selon les estimations, entre 5 milliards et 10 milliards de dollars par an, englobe plus de 100 entreprises et emploierait entre 5 000 et de nombreuses dizaines de milliers d’employés.

Le mois dernier, lors d’une initiative qui a indiqué que la police israélienne commençait finalement à s’attaquer à cette fraude qui concerne plusieurs milliards de dollars, Eliran Saada, propriétaire à Tel Aviv d’une entreprise de vente d’options binaires, a été arrêté pour répondre de soupçons de fraude aggravée, dissimulation, falsification de comptes, contrefaçon, extorsion et chantage.

Ces derniers mois, anticipant le projet de loi, plusieurs entreprises d’options binaires ont fermé leurs portes tandis qu’un certain nombre d’entre elles ont relocalisé leurs centres d’appel à l’étranger, notamment en Ukraine et ailleurs dans l’est de Europe.

Vous avez des idées suicidaires : Vous pourrez recevoir une aide immédiate en vous rendant sur le site Suicide.org ou en appelant 1-800-SUICIDE (aux Etats-Unis). On peut empêcher le suicide, et si vous avez des envies de suicide, vous devez absolument obtenir une aide. Veuillez vous rendre sur le site Suicide.org ou appelez votre ligne d’urgence locale anti-suicide dans les meilleurs délais.

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