Nucléaire: en France, Netanyahu prédit la fin de l’accord à cause des sanctions
Après s'être entretenu avec le Premier ministre, Macron a appelé à la stabilisation après les émeutes à Gaza, qui ont fait une centaine de morts, la moitié étant membres du Hamas

Le président français Emmanuel Macron a mis en garde mardi contre toute « escalade » vers une guerre au Moyen-Orient alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu l’exhortait à mettre une « pression maximale » sur l’Iran pour l’empêcher d’accéder à l’arme nucléaire.
« J’invite tout le monde à stabiliser la situation et à ne pas céder à cette escalade parce qu’elle ne mènerait qu’à une chose, le conflit », a lancé Emmanuel Macron à l’issue d’un entretien avec M. Netanyahu à l’Elysée.
La décision de l’Iran d’augmenter ses capacités d’enrichissement d’uranium a provoqué une nouvelle envolée des tensions mardi, Israël estimant que le programme nucléaire et les capacités balistiques iraniennes constituent une menace pour son existence même.
L’annonce iranienne ne signifie pas que Téhéran soit sorti du cadre de l’accord de 2015 encadrant ses activités nucléaires, a estimé le le président français devant un Premier ministre israélien visiblement dubitatif, en tournée européenne pour tenter de rallier les Européens à sa ligne dure contre Téhéran.
« Le but est d’éradiquer Israël », a répliqué M. Netanyahu, avertissant à son tour que « les desseins agressifs de l’Iran au final déstabiliseront le Moyen-Orient (mais aussi) l’Europe et le monde », en provoquant de nouveaux flux de réfugiés.
Cherchant à rallier les Européens à sa cause (il était en Allemagne lundi et visitera la Grande-Bretagne après la France), le dirigeant israélien a appelé à « mettre le maximum de pression sur l’Iran pour s’assurer que leur programme (nucléaire) n’aille nulle part ».
Principe de « bon sens »
Emmanuel Macron a réitéré l’attachement des Européens à la préservation de l’accord sur le nucléaire iranien même si les Etats-Unis en sont sortis avec fracas le 8 mai et si Israël le juge inefficace pour empêcher l’Iran d’accéder à la bombe atomique.
« ‘Un tiens vaut mieux que deux tu auras’. Le JCPOA (accord, ndlr) n’est pas suffisant, je suis tout à fait d’accord, mais il est mieux que ce qu’on avait avant et d’ailleurs les services israéliens l’ont bien montré », a ironisé le président français dans une allusion à la montagne de documents sur le programme iranien dévoilée dernièrement par M. Netanyahu.
Le chef du gouvernement israélien a répondu qu’au final, que les Européens sauvent ou non l’accord, les sanctions pesant sur l’économie iranienne du fait des Etats-Unis forceraient l’Iran à le renégocier.
« Je n’ai pas demandé au président Macron de quitter l’accord. Je pense que les réalités économiques vont décider cette question », a-t-il lancé, en référence notamment au fait que les entreprises européennes n’oseront sans doute pas pas défier les sanctions américaines, privant l’Iran de ressources.
Emmanuel Macron appelle de son côté à compléter l’accord existant en discutant avec l’Iran de ses activités balistiques et de son influence régionale.
Face à l’urgence iranienne, le conflit israélo-palestinien s’est retrouvé relégué à l’arrière-plan. Le président français a qualifié d’erreur « l’acte américain consistant à faire de Jérusalem la capitale » mais a averti que la France ne ripostait pas à cette décision par une reconnaissance unilatérale d’un état palestinien.
« Alliés naturels »
« L’expérience des dernières semaines a montré une chose: l’unilatéralisme irrespectueux des autres créent la violence », a-t-il dit, en référence aux émeutes à Gaza qui ont suivi la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël.
« Quand on fête un tel événement et qu’il y a des gens qui meurent, je ne considère pas que ce soit une fête », a-t-il ajouté en référence à la mort de 61 émeutiers palestiniens le jour même où les Etats-Unis célébraient le transfert de leur ambassade à Jérusalem le 14 mai. Un responsable du Hamas, Salah Bardawil, avait par la suite confirmé que 50 des morts étaient membres de l’organisation terroriste.
Plusieurs centaines de personnes ont défilé mardi à Paris et dans plusieurs autres villes pour protester contre la visite de Netanyahu, à l’appel d’associations propalestiniennes qui voient en lui un « criminel de guerre », ont constaté des journalistes de l’AFP.
A Paris, où M. Netanyahu est arrivé dans l’après-midi pour rencontrer le président Emmanuel Macron, environ 300 personnes se sont rassemblées à proximité des Invalides, munis de drapeaux palestiniens et de de l’association solidarité France Palestine.
« Israël assassin, Macron complice », « Halte au massacre du peuple palestinien », scandaient notamment les manifestants, parmi lesquels la sénatrice écologiste de gauche de Paris Esther Benbassa, sous l’oeil de policiers anti-émeutes qui leur ont bloqué le passage à l’entrée du pont Alexandre III sur la Seine.
A Marseille, quelque 200 militants réunis sur une place du centre-ville ont déployé un grand drapeau palestinien. Parmi eux, plusieurs militants communistes, syndicalistes ainsi que des membres de la campagne BDS contre Israël.
Ils étaient 80 rassemblés sur l’une des places principales à Lille. « Gaza se meurt », « Halte au massacre en Palestine », « Levée du blocus criminel de Gaza », pouvait-on lire sur pancartes et banderoles.
« On accueille quelqu’un qui se comporte comme un dictateur. (…) C’est honteux qu’il puisse être reçu comme un chef d’Etat lambda », s’est insurgée auprès de l’AFP Caroline, éducatrice âgée de 45 ans, un pin’s « Free Palestine » accroché sur sa veste noire.
A Saint-Etienne, environ 200 militants pro-palestiniens ont manifesté dans le centre-ville. A Lyon, une vingtaine de personnes se sont rassemblées sur un quai du Rhône.
Les deux dirigeants ont aussi voulu mettre à profit la Saison culturelle croisée France-Israël qu’ils ont lancée mardi soir, à l’occasion des 70 ans de l’Etat d’Israël, pour montrer ce qui rassemble les deux pays, que M. Netanyahu qualifie « d’alliés naturels ».

Cette saison va proposer 400 manifestations artistiques et scientifiques dans les deux pays jusqu’en novembre, dans une cinquantaine ville en France et une vingtaine en Israël. « Ce sera la rencontre entre la startup nation et la frenchtech », a déclaré M. Macron dans un discours à l’occasion de ce lancement au Grand Palais, tout proche du palais présidentiel de l’Elysée.