Israël en guerre - Jour 533

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Interview

Patrick Timsit, du one man show au Livre de ma mère

Dans le cadre du festival de théâtre français en Israël « Horizons », l’acteur interprétera seul sur scène le récit intime d'Albert Cohen à Tel Aviv, Jérusalem, Netanya et Ashdod

Patrick Timsit : (Crédit : Pascal-VictorArtcomPresse)
Patrick Timsit : (Crédit : Pascal-VictorArtcomPresse)

Pour la deuxième édition du festival de théâtre français en Israël, intitulé « Horizons » et qui débutera le 23 octobre, les producteurs Jean-Marc Dumontet et Steve Suissa, expliquaient dans le communiqué de presse : « nous voulons faire découvrir nos coups de cœur. Les pièces que nous vous proposons ont fondamentalement le même message : oser porter le regard sur l’autre, pour comprendre au lieu de juger, pour aider au lieu de punir, pour accepter au lieu de rejeter, pour aimer au lieu de haïr, pour entendre et pour faire entendre. »

Le Livre de ma mère, interprété par Patrick Timsit, fait partie de cette programmation. Un classique de la littérature autobiographique dont Timsit, one man shower, se rappelle avoir « présenté quelques extraits » aux Ateliers du Ranelagh, à Paris, le cours où il a commencé l’art dramatique dans les années 1980, alors qu’il travaillait encore comme agent immobilier.

Ode à l’amour inconditionnel, le texte d’Albert Cohen dépeignant sa mère juive immigrée à Marseille semble avoir des résonances avec l’histoire personnelle du comédien, quand, âgé de 2 ans, il quitte avec sa famille l’Algérie pour s’installer à Paris.

De cette époque, il dira : « En 1961, lorsqu’une bombe explose près de l’appartement de mes parents, mon père a dit à ma mère : ‘Prends le nécessaire, on part.’ En une heure, ils avaient fait leurs bagages. »

Steve Suissa (Crédit : Svend Andersen)

La famille s’installe à Paris, rue du Temple, et ouvre une maroquinerie. Son grand-père y tient la caisse ; son père, « genre Roger Hanin, en plus violent », fabrique des sacs ; sa mère, « une battante », vend des chaussures.

Après son baccalauréat, Patrick Timsit travaille comme agent immobilier. Attiré par le théâtre, il suit des cours du soir et se lance dans le one-man-show avec Les Femmes et les Enfants à mort, qu’il joue au festival d’Avignon.

Il se fait remarquer au début des années 1990 par son ton corrosif dans ses sketchs à l’humour noir.

Il aborde des sujets délicats, comme la politique, le racisme, l’antisémitisme, le conflit israélo-palestinien, la défense des droits des homosexuels, sur un mode provocateur. Un sketch dans lequel son personnage tient des propos jugés insultants pour les handicapés mentaux lui vaudra un procès.

Il débute au cinéma, avec Une époque formidable, sous la direction de Gérard Jugnot, suivi de La Crise de Coline Serreau en 1992.

Sa carrière ne cessera de se construire depuis lors, alternant les succès (Pédale douce, Stars 80…) mais aussi les échecs (Les aventures de Rabbi Jacob, qu’il a adapté en comédie musicale au Palais des Congrès), les one man show, le théâtre dans un registre plus dramatique, avec Les derniers jours de Stefan Zweig, de Laurent Seksik ainsi que Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor (qu’il a également joué à Tel Aviv avec Thierry Lhermitte en 2013).

En 2017, il interprète Le Livre de ma mère d’Albert Cohen au Théâtre de l’Atelier à Paris. Pour ce projet, il a choisi Dominique Pitoiset comme metteur en scène, figure du théâtre public plus habitué aux grands auteurs qu’aux succès populaires.

Les deux hommes, aux parcours et origines très différentes, se sont apprivoisés en tête-à-tête pour travailler et répéter dans un monastère à Venise.

Albert Cohen (Crédit : Studio Harcourt/Domaine public)

Patrick Timsit jouera Le Livre de ma mère en Israël à Tel Aviv, Jérusalem, Netanya et Ashdod.

Times of Israël : Comment vous est venue l’idée et comment avez-vous procédé pour monter la pièce du livre de ma mère ?

Patrick Timsit : J’ai mis 30 ans. Et je pourrais la jouer pendant les 30 prochaines années à venir. En fait, c’est une idée qui a mûri.

Plus qu’une idée, une rencontre. Il y a 30 ans, je cherchais des extraits de textes pour les présenter en cours de théâtre, quand j’ai lu ce bouquin pour jouer des passages devant les élèves, je me suis dit qu’on avait rendez-vous lui et moi.

Pour plusieurs raisons, dont ce passage qui a été un premier choc pour moi ‘souris, n’oublie pas de sourire, souris pour escroquer ton désespoir. Souris toute ta vie à en crever jusqu’à que tu en crèves de ce permanent sourire’.

‘Souris pour escroquer ton désespoir’, je crois qu’on ne pourrait pas mieux me résumer. Il y a toujours un sourire qui s’affiche dans les pires moments, pas que pour moi, ça rejoins la nature de l’homme. Et aussi ce discours dans les derniers paragraphes qui est adressé aux fils des mères encore vivantes : ‘N’oubliez plus que vos mères sont mortelles. Je n’aurai pas écrit en vain, si l’un de vous, après avoir lu mon chant de mort, est plus doux avec sa mère, un soir, à cause de moi et de ma mère. Soyez doux chaque jour avec votre mère. Aimez-la mieux que je n’ai su aimer ma mère. Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c’est ce que je vous dis du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil. (…) Ils se fâchent et s’impatientent, ils ne réalisent pas que leurs mères sont mortelles’.

Je me suis rendu compte que les gens qui n’avaient pas le même rapport avec leur mère transposaient sur le père ou quelqu’un avec qui ils ont un rapport très fusionnel.

Transposition possible qui rend le texte universel.

Votre mère a-t-elle vu le spectacle ?

Oui elle l’a vu. Au début, je ne voulais pas, mais elle m’a dit ‘c’est un hommage que tu me fais, je suis vivante faut quand même que je le vois’ Elle est venue discrètement, en cachette, je ne le savais pas et bien heureusement.

Vous avez travaillé et répétez « Le livre de ma mère » d’Albert Cohen dans un monastère à Venise, c’est assez incongru comme démarche ?

Je voulais absolument travailler avec quelqu’un qui ne me connaissait pas et issu d’un univers tout à fait différent, je ne voulais pas de complaisance.

Dominique Pitoiset est un grand metteur en scène d’opéra, il enseigne à Venise dans une académie. Ce monastère, il n’y a plus de moines aujourd’hui, est un lieu magnifique chargé d’histoire, il nous a plongé dans Venise y compris dans le ghetto, vous savez que la mère d’Albert Cohen parlait le vénitien.

Dominique Pitoiset (Crédit : capture d’écran YouTube)

Cet endroit, ça a été un lieu d’introspection, Pitoiset et moi en tête-à-tête pratiquement un mois. Même si Cohen on le voit bien dans le texte est relativement athée, c’est un athée qui s’adresse à dieu, c’est assez paradoxal, ça montre à quel point c’est complexe.

Le texte d’Albert Cohen, dépeignant sa mère juive immigrée à Marseille, a-t-il des résonances avec votre histoire personnelle ?

Oui, car on aurait pu s’arrêter à Marseille. On était en Algérie, j’avais 2 ans, suite aux évènements mon père a décidé de partir en France, on est descendu à Marseille, Albert Cohen avait 4 ans et moi j’en avais deux.

Après moi, je me rappelle plutôt de Paris, lui, il part à Genève il va y faire toutes ses études. Ce sont des destins, même s’ils sont différents, on a pris des routes, des chemins, il y a des choses qu’on a vécues qui forcément nous rapprochent : le regard sur l’étranger, cet amour inconditionnel que vous porte votre mère, cette éducation, tout ça nous rattache.

Vous avez dit que, ce n’était pas votre mère qui vous aviez fait parfois honte comme c’était le cas pour Albert Cohen mais votre père, qui était une caricature à la Roger Hanin, à quelles occasions cela s’est-il produit ?

Vous êtes gamin, vous avez 14 ans, vous avez un père avec le beau t-shirt et la chaîne, le slip de bain trop large, qui s’engueule avec le plagiste. Parce que mon père avait loué le pédalo pour m’apprendre à pêcher, et le plagiste lui a dit ‘vous gardez 4h le pédalo et vous pédalez pas’. Et ça a fait toute une histoire, mon père parlait fort, c’était un colérique, il venait d’Afrique du nord ! Il lui a crié dessus, à la Roger Hanin ‘je le paye le pédalo, je fais ce que j’en veux, si je veux pas pédaler !’ et moi j’étais gêné, j’avais honte, je disais ‘papa, c’est pas grave, je veux pas pêcher’.

Mais après, bien plus tard, vous vous rendez compte que c’était que de l’amour, c’était un père qui voulait apprendre à son fils à pêcher, on n’avait pas de bateau, il avait trouvé ça comme moyen. C’est un remords qui vous ronge, on se dit qu’on est passé à côté mais finalement pas totalement car des années après, on se rappelle…

Patrick Timsit (Autorisation)

A l’époque où vous avez commencé, il y avait très peu de comiques juifs, comment avez-vous réussi à vendre à vos parents que vous souhaitiez quitter l’immobilier et faire ce métier ?

Je vendais rien aux parents, il y a une mère qui me dit ‘fais ce que tu peux mon chéri sois heureux’, et un père qui a peur donc qui va pas être d’accord : ‘qu’est ce que tu vas faire là-dedans, t’as quand même un métier’. C’est la peur et la peur est mauvaise conseillère.

Finalement celui qui m’a le plus aidé c’était mon associé dans l’immobilier : lui il y croyait pas du tout. J’avais tellement envie de lui prouver que ça m’a donné une force incroyable, j’avais une volonté, une rage multipliée.

Quel est votre rapport à Israël ?

J’ai de la famille, j’ai des amis, c’est un pays que je connais bien. Quand j’étais gamin on voyageait beaucoup ici, on louait une voiture et on tournait, on était allé dans le Sinaï, Eilat, la mer Morte, le Golan, on était toujours en mouvement.

Avez-vous des amis du milieu qui ont été approchés par le BDS, alors qu’ils venaient se produire en Israël et si oui quelles ont été leurs réactions ?

Je ne sais pas ce que c’est le BDS…

Boycott, Désinvestissement et Sanctions. Il y a régulièrement des artistes étrangers qui annulent leurs concerts ici en Israël suite aux pressions du boycott pour des raisons politiques.

J’ai pas été approché, je leur aurai répondu que même si on est contre, au contraire, il faut connaitre, faut y aller, se rendre compte sur place pour se faire une idée.

Manifestants appelant à boycotter Israël. Illustration. (Crédit : WikiCommons)

Vous n’avez sans doute pas été approché car vous êtes juif. C’est dur de réussir à convaincre des Juifs de boycotter Israël

A mon avis, ce ne sont pas que les non juifs, ce sont les fragiles. Les proies faciles, les terrains fertiles. Quand j’étais venu faire mon one man show en Israël, j’étais rentré sur scène en disant ‘Dieudonné n’a pas pu venir je le remplace’.

Le fait qu’un artiste ne vienne pas jouer son concert, c’est quoi la conséquence ? Au contraire, quand il joue, il peut influer sur quelque chose mais le non-jeu ? Ça veut dire qu’on pense qu’on est indispensable, alors qu’en fait on s’en fout, un autre viendra jouer. Faut pas menacer de partir, faut menacer de rester, c’est ça la force.

Imaginer que ne pas faire quelque chose puisse intervenir sur du politique ou faire bouger les choses, c’est beaucoup, beaucoup d’égo. Le mec il est resté chez lui, super, il a bien, bien, fait avancer les choses !

Quels sont vos prochains projets ?

Je joue dans le prochain film de Géraldine Nakache « Où tu iras j’irai » sur deux sœurs qui se retrouvent suite à l’initiative d’un père pour les réconcilier.

Et un autre film pour Arte un thriller psychologique et puis beaucoup d’écriture, je bosse quoi.

C’est la start-up nation ici, quand vous arrivez à l’aéroport, à la douane, pour passer on vous demande quelle est l’appli que vous voulez développer, vous répondez quoi ?

L’appli pour apprendre à me servir des applis. Je suis complètement largué, je rame. L’appli qui empêche de ramer !

Programme du festival de théâtre français en Israël « Horizons« 

Nouvelle affiche du festival du théâtre français en Israël « Horizons » (Autorisation)

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