Le monde a-t-il réellement tiré des leçons de la Seconde Guerre mondiale ?
Pour les Juifs, "plus jamais ça" est un engagement puissant ; mais, comme en atteste la situation critique de l'Ukraine, la communauté internationale ne peut en dire autant
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Tout semblait joué dès le premier week-end.
Les troupes russes étaient entrées en Ukraine sur trois fronts le jeudi 24 février, dans le cadre de la plus grande offensive terrestre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Vendredi, soutenues par des frappes aériennes dévastatrices sur les zones civiles, elles semblaient prêtes à entrer dans Kiev, et à en prendre le contrôle.
L’invasion avait été largement anticipée, mais la communauté internationale, menée par les États-Unis, avait choisi de ne pas intervenir. Le président Vladimir Poutine était sur le point de réincorporer l’Ukraine dans un empire russe renaissant.
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Deux mois plus tard, ce récit historique présumé s’est déroulé de manière très différente. Grâce à un esprit nationaliste et à une capacité militaire que Poutine ne pensait pas devoir affronter, l’Ukraine a résisté à l’assaut magistralement brutal de la Russie.
La communauté internationale, dirigée par les États-Unis, a été inspirée par l’étonnante résilience de l’Ukraine pour lui fournir progressivement certaines des armes dont elle a besoin pour continuer à résister aux envahisseurs.
Alors qu’Israël marque Yom HaShoah, il est impossible de ne pas penser, en se remémorant le génocide nazi d’il y a huit décennies, à ce qui se passe actuellement en Ukraine – dans une partie de cette même Europe où les Juifs ont été assassinés par millions.
Un engagement puissant et crédible
S’adressant au Parlement allemand le mois dernier, le redoutable président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a fait valoir avec amertume que l’expression « plus jamais ça » s’avérait vide de sens.
« Chaque année, les politiciens répètent ‘plus jamais ça’ », a déclaré le dirigeant ukrainien, faisant référence aux commémorations annuelles de la Shoah.
« Et maintenant, nous voyons que ces mots ne signifient plus rien. Un peuple est en train de se faire décimer en Europe ».
Néanmoins du point de vue israélien et juif, « plus jamais ça » reste un engagement puissant et crédible.
La Shoah a été définie à juste titre par le Premier ministre Naftali Bennett dans son discours de commémoration de mercredi soir comme « un événement sans précédent dans l’histoire de l’Humanité… Même les guerres les plus tragiques, aujourd’hui, ne sont pas un Holocauste et elles ne sont pas similaires à la Shoah », a-t-il poursuivi, faisant évidemment allusion, en partie, à l’Ukraine. « Aucun événement dans l’Histoire, indépendamment de son degré de cruauté, ne peut être comparé à l’annihilation des Juifs d’Europe par les nazis et par leurs collaborateurs », a poursuivi Bennett.
Au lendemain du génocide nazi, Israël s’est efforcé, pendant près de trois quarts de siècle d’existence, de garantir la survie et la sécurité du peuple juif, en tant que patrie et refuge, et a réussi bien au-delà de toute attente raisonnable.
La première réaction internationale incohérente à l’invasion de la Russie a été un rappel à peine nécessaire que « le monde » ne lèvera pas facilement le petit doigt pour sauver des nations et des peuples menacés de dévastation. La survie d’Israël, sa prospérité face à de nouveaux ennemis génocidaires potentiels dirigés par l’Iran, représente une réponse extraordinaire, indépendante et nécessaire à cette réalité.
« Israël est la meilleure chose qui soit arrivée aux Juifs », a déclaré la survivante roumaine de la Shoah qui s’est exprimée lors de l’événement Zikaron Basalon (« La commémoration dans les salons ») auquel j’ai assisté mercredi soir, s’exprimant avec une clarté passionnée à la fin de son histoire déchirante. « Nous devons protéger Israel, et ne jamais le considérer comme acquis. »
A la recherche de la réponse appropriée
Plus largement, cependant, la plainte de Zelensky est une mise en accusation, bien trop justifiée, de l’ordre international de l’après-Seconde Guerre mondiale.
Observant et anticipant l’écrasement apparemment inévitable de l’Ukraine par la Russie, les pays ont réagi en fonction de leurs intérêts – et continuent de le faire alors que la guerre se poursuit dans des effusions de sang. Leurs dirigeants mettent en balance les besoins directs de leur nation et de leur peuple – sécurité, stabilité économique, carburant, blé, etc… – avec leur sens de l’impératif moral, et tâtonnent vers ce qu’ils considèrent comme une réponse appropriée à l’agression de la Russie et à la situation critique de l’Ukraine.
Mais aucun mécanisme international n’a été galvanisé pour dissuader Poutine – pas l’OTAN, et certainement pas les Nations unies politisées et moralement avilies. Et aucun mécanisme international concerté ne s’est encore mobilisé pour mettre fin à ses meurtres.
Et ce, malgré les garanties solennelles de la communauté internationale de protéger l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine selon les termes du Mémorandum de Budapest de 1994, conclu après que l’Ukraine a renoncé à ses armes nucléaires. Sa première clause stipule que « la Fédération de Russie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique réaffirment leur engagement envers l’Ukraine, conformément aux principes de l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, à respecter l’indépendance et la souveraineté ainsi que les frontières existantes de l’Ukraine ».
Les multiples clauses de ce document ressemblent à une blague particulièrement grossière et à une incitation suprême à l’armement nucléaire. Piétinées par Poutine, elles constituent une mise en accusation de la diplomatie internationale et de l’engagement ostensible.
Du point de vue de Zelensky et de l’Ukraine, ces garanties brisées soulignent pourquoi le « plus jamais ça » retentit effectivement comme une rhétorique vide de sens. Elles mettent en évidence le défi central que la communauté internationale, qui a créé les Nations unies après la Seconde Guerre mondiale précisément pour prévenir la guerre et maintenir la paix et la sécurité internationales, n’a pas réussi à relever.
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