Pourquoi un cessez-le-feu avec un Hezbollah puissant, mais pas avec un Hamas faible, qui retient nos otages ?
Sur le front de Gaza, Netanyahu n'était même pas prêt à accepter une première phase de trêve de 42 jours, au cours de laquelle 20 ou 30 otages vivants auraient pu recouvrer enfin la liberté
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Nous en sommes aux toutes premières heures du cessez-le-feu qui a été conclu entre Israël et le Hezbollah.
Au moment même où j’écris ces lignes, le calendrier programmé semble avoir été dépassé par les événements : Les Libanais retournent dans certains secteurs proches de la frontière où les soldats israéliens sont encore déployés – sans surprise, parce que Tsahal ne devait pas amorcer immédiatement son retrait et parce que les forces libanaises qui sont censées prendre la responsabilité de ces zones ne sont pas encore prêtes à se positionner en lieu et place de Tsahal. Au moment même où j’écris ces lignes, Israël a fait savoir que des membres du Hezbollah s’étaient glissés parmi les résidents des villages qui sont actuellement en train de réintégrer leurs habitations et l’armée israélienne a procédé à des coups de semonce pour les disperser.
Au moment où vous lirez ces lignes – ou peu après – les choses se seront peut-être apaisées. Peut-être que l’accord tiendra, que des vies de soldats et de civils seront épargnées, que le Hezbollah sera désarmé, que le Hamas se montrera plus ouvert aux conditions potentielles d’un accord sur les otages, et peut-être même que l’espoir nourri par les Américains à l’égard d’un processus qui ouvrirait la porte à la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite sera justifié. Peut-être.
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Mais peut-être aussi que les choses vont encore se détériorer, que le cessez-le-feu va s’effondrer. Après tout, il s’est bâti, en son cœur, sur un concept d’une fragilité extrême, un concept qui pourrait bien même être absurde : Israël et le Liban se sont engagés à respecter une série de dispositions qui sont censées être contraignantes pour un groupe terroriste très affaibli mais qui reste très puissant, le Hezbollah ; pour un groupe terroriste qui détient encore des dizaines de milliers de drones, de roquettes et de missiles, ainsi que les capacités nécessaires pour les lancer.
C’est l’armée libanaise qui doit principalement garantir que le Hezbollah se retirera du Sud-Liban, qu’il sera séparé de ses armements et qu’il ne pourra pas se réarmer, mais ces forces ont prouvé qu’elles n’avaient aucunement la volonté ni les capacités d’assumer une telle mission depuis dix-huit ans, alors que c’était très exactement ce que la Résolution 1701, adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations unies, leur demandait de faire.
Il s’agit, par conséquent, d’un accord de cessez-le-feu qui ne tiendra que tant que le Hezbollah – qui ne l’a pas signé et qui n’est aucunement menacé par l’autorité en charge de sa mise en œuvre – choisira de le respecter.
En proposant cet accord, Netanyahu est allé à l’encontre de la volonté exprimée de manière générale par ses propres partisans et il a lui-même reconnu, mardi dans la soirée, que l’accord ne lui permettait pas d’atteindre l’objectif fixé dans le cadre de la guerre – à savoir ouvrir la porte au retour, en toute sécurité, des 60 000 résidents qui avaient évacué le nord d’Israël. Le Premier ministre est critiqué avec amertume par les chefs des Conseils locaux du nord du pays, qui ont la responsabilité directe de la vie de ces résidents et qui, s’ils reconnaissent que le Hezbollah ne peut pas être complètement détruit – cela nécessiterait de conquérir tout le Liban – affirment néanmoins que la campagne de Tsahal a pris fin prématurément et dans des conditions, craignent-ils, qui pourraient se révéler intenables pour leurs communautés.
Mardi soir, Netanyahu a avancé trois raisons qui, selon lui, l’ont amené à demander un cessez-le-feu à ce stade. Il a évoqué l’impératif de s’attaquer à la menace du nucléaire iranien qui est désormais, a-t-il affirmé, sa principale inquiétude ; la nécessité, pour les soldats de Tsahal, de prendre une pause et celle, pour l’armée, de se réapprovisionner en armements. Il a aussi expliqué que l’exclusion du Hezbollah, dans la guerre, isolait dorénavant le Hamas – un isolement qui, selon lui, pourrait aider Israël à avancer sur la question du rapatriement des otages qui se trouvent encore à Gaza.
Mais ces trois raisons, bien que convaincantes, ne répondent pas de manière adéquate à la grande question qui est au cœur de cet accord, un accord finalisé sur ce front particulier et au moment précis que nous sommes en train de vivre : Pourquoi conclure un cessez-le-feu avec le Hezbollah, alors que cela fait déjà six mois qu’un Joe Biden optimiste avait présenté au monde un accord de cessez-le-feu à Gaza qui comprenait les conditions imposées par Netanyahu, un accord qui, tout de go, avait été rejeté avec fermeté par le Premier ministre, qui avait même saisi l’occasion pour durcir encore davantage ses exigences ?
À Gaza, après tout, le Hamas – et ce, selon les propres dires de Netanyahu – a perdu ses capacités de force militaire organisée. À Gaza comme au Liban, il aurait pu y avoir, et il y aurait eu sans doute, une « lettre d’accompagnement » américaine garantissant le droit d’Israël à reprendre les combats en cas de rupture du cessez-le-feu. Et à Gaza, il y a 101 otages – beaucoup d’entre eux sont morts, les autres risquent de mourir un peu plus chaque semaine qui passe.
Sur le front de Gaza, Netanyahu a affirmé avec force que si l’armée quittait le territoire, elle ne serait jamais autorisée, sur la scène internationale, à reprendre la lutte – et pourtant, c’est précisément cette autorisation qu’il a obtenue en ce qui concerne le Hezbollah, une disposition garantie par les États-Unis.
Sur le front de Gaza, il n’était même pas prêt à accepter une première phase de trêve de 42 jours, au cours de laquelle 20 ou 30 otages vivants auraient pu recouvrer enfin la liberté.
Les partenaires ultra-orthodoxes de la coalition de Netanyahu pourraient bien croire que le cessez-le-feu au Liban atténuera les pressions exercées par l’opinion publique sur leurs jeunes électeurs de sexe masculin pour qu’ils acceptent enfin de partager le fardeau du service militaire, dans la mesure où l’armée israélienne pourrait être moins sollicitée si le retrait du Sud-Liban doit s’avérer être viable. Et c’est peut-être aussi, d’ailleurs, l’avis du Premier ministre.
Peut-être aussi n’est-il pas prêt – psychologiquement et en termes de restauration de la dissuasion israélienne, sans parler de la nécessité, pour lui, de retrouver une crédibilité – à cesser de frapper le Hamas parce que c’est bien le Hamas qui avait envahi et commis un pogrom, le 7 octobre, parce que c’est bien le Hamas qui s’était déchaîné dans le sud d’Israël lors de la pire journée connue par les Juifs depuis la Shoah, parce que c’est bien le Hamas qui avait exploité de façon monstrueuse les évaluations ratées, les politiques erronées et l’absence de précautions élémentaires prises sous sa direction.
Mais pourquoi l’extrême droite, au sein de la coalition, a-t-elle accepté le cessez-le-feu du Hezbollah, Bezalel Smotrich, le chef de file de Hatzionout HaDatit, votant en sa faveur et Itamar Ben Gvir, d’Otzma Yehudit, seul membre du cabinet de sécurité à avoir voté contre, renonçant à ses menaces rugissantes habituelles de quitter le gouvernement ?
En ce qui concerne Gaza, les partis de la coalition d’extrême-droite ont, bien sûr, des ambitions à long-terme très différentes de celles qui concernent le Liban. Otzma Yehudit et Hatzionout HaDatit veulent qu’Israël se réimplante définitivement dans la bande de Gaza et que la présence juive y soit rétablie – comme c’est le cas également d’une partie importante du Likud de Netanyahu. Smotrich a affirmé publiquement, cette semaine, que la moitié de la population de Gaza pourrait être « encouragée » à partir au cours des deux prochaines années.
Ce n’est peut-être pas la finalité de Netanyahu – mais c’est très certainement l’objectif poursuivi par les extrémistes de la coalition, un objectif qu’il a toujours encouragé jusqu’à présent. À moyen-terme, cela placerait plus de deux millions de Palestiniens profondément hostiles sous domination israélienne – une responsabilité, un fardeau économique et un danger pour la sécurité qui entraîneraient un handicap permanent pour Israël.
Mais avant d’en arriver là, posons nous la question : si l’on accorde la priorité à un cessez-le-feu fragile avec un Hezbollah puissant et si l’on renonce avec insistance à un cessez-le-feu avec un Hamas très affaibli, qu’en est-il des otages ?…
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel