Première lecture franchie pour le projet de loi sur le hametz dans les hôpitaux
À l'approche de Pessah, la nouvelle proposition donne la possibilité aux administrateurs d'hôpitaux d'établir des règles de casheroute
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

Un projet de loi controversé permettant aux administrateurs d’hôpitaux publics d’interdire les produits au levain, appelés hametz, pour la prochaine fête de Pessah a passé l’étape de la première lecture à la Knesset dimanche soir, en passant par un vote de 51 voix contre 46 lors d’une session spéciale organisée pour faire passer la législation malgré la fête de Pourim.
Soutenu par les députés ultra-orthodoxes et décrié par un certain nombre d’organisations juives, le projet de loi accorde aux administrateurs d’hôpitaux la flexibilité de déterminer « les dispositions spéciales nécessaires pour garantir que les patients hospitalisés puissent respecter la casheroute de Pessah ».
« Entre autres choses, cela inclut – une fois que d’autres alternatives ont été envisagées – l’établissement de protocoles interdisant ou limitant l’entrée de hametz dans l’enceinte de l’hôpital, en totalité ou en partie, pendant la fête de Pessah », indique le projet de loi.
Le chef du parti d’opposition Yesh Atid, Yaïr Lapid, a accusé la coalition d’avoir adopté le projet de loi lors de la première des trois lectures « comme des voleurs dans la nuit ».
« Ce gouvernement a deux mois d’existence, et il n’a rien fait passer pour le bien public, mais le plus urgent ce soir était cette coercition religieuse », a écrit Lapid sur Twitter.
Soutenu par le gouvernement, certains groupes religieux et députés de l’opposition religieuse ont averti que le projet de loi pourrait opposer les Israéliens juifs à la religion, plutôt que de les rapprocher de leur foi, dans un contexte de tensions séculaires-religieuses de longue date sur la façon d’être juif dans l’État juif. Les partisans saluent le projet de loi comme un correctif nécessaire, annulant une décision de la Haute Cour de justice de 2020 selon laquelle les hôpitaux ne pouvaient pas obliger les agents de sécurité à fouiller les sacs des visiteurs à la recherche de hametz pendant la semaine de Pessah.
Une version antérieure beaucoup plus stricte du projet de loi proposé par le parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah a été tempérée par la commission de la Santé de la Knesset. Yahadout HaTorah avait initialement demandé une interdiction générale d’introduire dans un hôpital non seulement le hametz, mais aussi tout aliment ne portant pas explicitement la mention « Casher LePessah » sur l’étiquette du fabricant, à l’exception des produits frais.
Le projet de loi révisé donnerait un plus grand contrôle aux directeurs d’hôpitaux pour qu’ils décident comment s’assurer que leurs installations répondent aux besoins des patients et des visiteurs religieux qui ne peuvent pas manger de hametz à Pessah.
Le député Moshe Gafni (Yahadout HaTorah), critique de longue date de la Haute Cour, a déclaré à la Knesset, lors du débat préalable au vote, que « cette loi ne devrait pas être nécessaire », car la Cour « n’a pas l’autorité » pour interférer avec les décisions des administrateurs d’hôpitaux visant à préserver les normes « Casher LePessah » dans leurs établissements.
Gafni et ses collègues de parti, ainsi que l’autre parti ultra-orthodoxe de la coalition, le Shas, sont depuis longtemps irrités par ce qu’ils appellent la l’ardeur et l’ingérence de la Haute Cour dans des domaines qui touchent à leur style de vie guidé par l’observance.
« Ils ne se soucient pas des gens qui observent les mitzvot ! » a hurlé Gafni lors du plénum, arguant que ce projet de loi ne changerait pas le statu quo entre la religion et l’État. Ce dernier argument est souvent répété par les partis ultra-orthodoxes et fait parfois référence à un retour en arrière sur les changements progressifs de l’équilibre entre les intérêts religieux et séculiers. Dans le cas présent, préserver le statu quo reviendrait en fait à revenir sur l’arrangement actuel afin de permettre l’application de la politique des normes « Casher LePessah » à tous les visiteurs de l’hôpital, quel que soit leur niveau d’observance.
Pendant des années, les hôpitaux et d’autres institutions publiques ont interdit le hametz pendant la semaine de la fête de Pessah – au cours de laquelle les Juifs s’abstiennent traditionnellement de manger des aliments contenant du levain – et certains ont même donné l’ordre aux agents de sécurité de fouiller les sacs des visiteurs à la recherche d’aliments interdits à l’entrée des bâtiments. Mais en 2020, la Haute Cour a déclaré que les hôpitaux ne pouvaient pas procéder à des fouilles aussi invasives – après avoir poussé pendant des années le gouvernement à trouver un compromis ou à adopter une loi sur la question – et l’année dernière, la cour a rendu une décision similaire concernant les bases militaires.
En avril dernier, le débat annuel sur l’autorisation du hametz dans les hôpitaux a servi de catalyseur à l’effondrement du dernier gouvernement pendant trois mois, avant que la Knesset ne convoque des élections législatives anticipées. La porte-parole de l’ancienne coalition, Idit Silman, aujourd’hui députée du Likud, avait quitté l’alliance politique et l’avait privée de sa très mince majorité.
Parmi d’autres griefs fondés sur des valeurs à l’encontre de la coalition précédente, Silman a cité une lettre que le ministre de la Santé de l’époque avait envoyée aux administrateurs d’hôpitaux pour leur demander de respecter la décision de la Haute Cour avant Pessah.
Judah Ari Gross a contribué à cet article.