Rechercher

Quand les purges en Turquie entravent la justice de l’ONU pour le Rwanda

L'un des magistrats du Mécanisme de suivi des tribunaux pénaux internationaux de l'ONU a été arrêté par la police turque après la tentative de coup d'Etat

Le président rwandais Paul Kagame allume la Flamme du Souvenir au Mémorial du Génocide de Gisozi à Kigali le 7 avril 2015,  la première journée de deuil marquant les 21 ans du génocide de 1994 qui a coûté la vie à 800 000 personnes en plus de 100 jours.  (Crédit : Stéphanie Aglietti/AFP)
Le président rwandais Paul Kagame allume la Flamme du Souvenir au Mémorial du Génocide de Gisozi à Kigali le 7 avril 2015, la première journée de deuil marquant les 21 ans du génocide de 1994 qui a coûté la vie à 800 000 personnes en plus de 100 jours. (Crédit : Stéphanie Aglietti/AFP)

Aydin Sefa Akay figure parmi plus de 41 000 personnes arrêtées en Turquie lors des vastes purges qui ont suivi le putsch avorté de juillet. Mais Akay, 66 ans, n’est pas un prisonnier comme les autres : ancien ambassadeur, il est l’un des magistrats du Mécanisme de suivi des tribunaux pénaux internationaux de l’ONU (MTPI).

Et en cette capacité, il était chargé depuis juillet avec quatre autres juges d’examiner la demande en révision du jugement et de l’arrêt présentée par l’ancien ministre rwandais Augustin Ngirabatware, condamné à 35 ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour sa participation au génocide de 1994.

Cette peine a été réduite en 2014 à 30 ans de prison par la chambre d’appel du MTPI.

Début novembre, le président du MTPI Theodor Meron, évoquant l’immunité diplomatique du juge, avait appelé les autorités turques à le libérer. En vain.

Les mêmes autorités n’ont en outre pas donné suite à la demande de Meron de se rendre en Turquie pour voir le juge en prison, a-t-il ajouté.

Religieux turc et opposant au régime d'Erdogan, Fethullah Gülen dans sa résidence de Saylorsburg, en Pennsylvanie, le 18 juillet 2016. (Crédit : Thomas Urbain/AFP)
Religieux turc et opposant au régime d’Erdogan, Fethullah Gülen dans sa résidence de Saylorsburg, en Pennsylvanie, le 18 juillet 2016. (Crédit : Thomas Urbain/AFP)

La famille d’Akay affirme qu’il est détenu illégalement depuis son arrestation en septembre et réfute son implication dans le putsch manqué de juillet, imputé par Ankara au prédicateur Fethullah Gülen exilé aux Etats-Unis.

Les autorités turques lui reprochent d’avoir téléchargé et utilisé la messagerie cryptée Bylock, qui était selon elles l’outil de communication des putschistes.

« Le 21 septembre, la police, je crois 10 ou 12 policiers, sont venus a la maison. Ils ont porté mon père en prison », raconte à l’AFP sa fille Meric Akay, rencontrée à Milan où elle vit.

« Ils ont regardé dans tous les livres qu’il a, il a 2 000 livres, ils ont regardé chaque page, ils ont regardé dans les armoires, partout », ajoute-t-elle.

La Turquie invitée à s’expliquer

Selon elle, « aucune accusation formelle ne pèse » contre son père. « C’est illégal de le retenir en prison ».

Selon l’agence progouvernementale Anadolu, Akay, qui a servi comme ambassadeur de Turquie au Burkina Faso de 2012 à 2014, a téléchargé Bylock en décembre 2014 et en a fait usage pendant plusieurs mois.

Le magistrat a démenti tout lien avec les réseaux gulénistes, mais le parquet l’accuse d’être un éminent membre d’une loge maçonnique liée au prédicateur, bête noire du président Recep Tayyip Erdogan et dont des dizaines de milliers de partisans présumés ont été arrêtés depuis la tentative de coup d’Etat.

La Turquie a été invitée à donner des explications à l’ONU sur les raisons du maintien du juge en prison, à l’occasion d’une audience du MTPI prévue mardi à la Haye sur l’appel présenté par l’ex-ministre rwandais. Mais des responsables du MTPI ont affirmé à l’AFP qu’il ne disposaient pas d’informations sur l’éventuelle participation de représentants turcs à l’audience.

« Ce qui est triste c’est qu’il y a une injustice qui est faite contre mon père mais aussi à des gens qui sont jugés au Rwanda maintenant et qui attendent que le juge soit libéré pour avoir leur procès », dit la fille du juge.

Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg (crédit : Sfisek/wikicommons)
Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg (crédit : Sfisek/wikicommons)

Selon elle, son père a aussi porté plainte contre sa détention auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

« Il a bon espoir pour la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Comme il sait qu’il est innocent et que cette détention est illégale, il a bon espoir », assure-t-elle.

Depuis le 15 juillet, les autorités turques ont lancé des purges inédites qui, au delà des putschistes présumés, ont visé tous les secteurs de la société, de l’éducation et la presse à l’armée et la magistrature.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.