Quand Moïse rencontre Wall Street
La Torah a son mot à dire sur l’économie moderne. Et le but de l’institut Keter est de faire passer le message
David Shamah édite notre section « Start-Up Israel ». Spécialiste depuis plus de dix ans en technologies et en informatique, il est un expert reconnu des start-up israéliennes, de la high-tech, des biotechnologies et des solutions environnementales.
De nombreux Juifs, parfois même au sein de la communauté orthodoxe, ne savent pas que la Loi juive a beaucoup de choses à dire sur l’argent.
Et pourtant, de nombreux passages de la Torah et du Talmud, ainsi que des textes rédigés plus tard par les érudits, sont consacrés à l’étude de questions relatives au commerce, aux emprunts, aux opérations bancaires, et à d’autres sujets d’ordre économique.
Les Juifs orthodoxes qui rencontrent des conflits commerciaux font souvent appel à un tribunal juif (le Beit Din) pour arbitrer leurs différends. Aux Etats-Unis et ailleurs en diaspora, ainsi qu’en Israël, ces tribunaux sont considérés comme des arbitres légaux.
Si les parties se mettent d’accord au préalable pour accepter les décisions du Beit Din, celles-ci seront ensuite appliquées par des tribunaux d’Etat.
Mais l’institut Keter pour l’économie de la Torah a pour but, selon l’un des dirigeants de l’organisation, le rabbin Shlomo Ishon, d’intégrer autant que possible l’approche juive de l’argent et du commerce à l’Etat d’Israël moderne.
L’institut publie des listes d’entreprises et de fonds d’investissement qui respectent et ne respectent pas les lois fondamentales contre la prise ou le paiement d’intérêts – un interdit biblique pour les Juifs qui commercent avec d’autres Juifs.
Il est ainsi conseillé à ceux qui souhaitent respecter les lois interdisant de recevoir des intérêts de ne pas acheter d’obligations dans de grandes sociétés israéliennes qui paient ces intérêts, mais n’ont pas rempli de « heter isqa » – un contrat qui permet de contourner l’interdit sur les intérêts en « vendant » sa dette à un tribunal juif.
Une autre liste comprend les entreprises cotées à la bourse de Tel Aviv qui ne « respectent pas le Shabbat ». (Selon la Loi juive, il est interdit pour un Juif de faire des profits financiers en enfreignant le Shabbat).
Des exceptions sont tolérées pour les entreprises qui, tout en violant techniquement le Shabbat, offrent des services susceptibles de sauver des vies (les personnes qui sauvent des vies ne sont pas obligées de respecter le Shabbat), s’occupent de questions sécuritaires ou ont intégré à leur business modèle des « mesures significatives » pour empêcher les violations du Shabbat.
L’institut publie également des notes de synthèse sur diverses questions, qui reviennent en détail sur l’approche juive de nombreux sujets, parmi lesquels l’autorisation pour les docteurs de faire grève, le salaire minimum, le statut de réfugiés pour les travailleurs étrangers et l’obligation (ou non) d’Israël de leur fournir du travail, les implications halakhiques d’une faillite et la question de savoir si les Juifs pratiquants doivent (ou non) préférer des produits fabriqués en Israël.
Vient ensuite le défi de convertir des valeurs monétaires bibliques en devise moderne – une question importante, non seulement à Pourim où une mitzvah ordonne de faire une donation d’un demi-shekel, mais aussi pour de nombreuses autres transactions commerciales ainsi que pour les contrats de mariage, où la « valeur d’un penny » (shaveh p’rutah) est l’unité de base.
La donation d’un demi-shekel, telle que décrite dans le livre de l’Exode (30 : 11) a un double objectif : permettre le recensement de la population et subvenir aux besoins du Sanctuaire et, plus tard, du Temple de Jérusalem.
Si le Temple a été détruit, la tradition de donner un demi-shekel (qui a toujours valeur de commandement biblique pour les Juifs pratiquants) s’est perpétuée, et la donation est habituellement faite avant Pourim.
Selon le rabbin Ishon, le problème de base pour définir la « valeur » du demi-shekel, ainsi que les autres valeurs monétaires mentionnées dans la Torah, est que les valeurs bibliques sont liées aux poids de pièces d’argent, qui servaient à l’époque de monnaie. (Les pièces de monnaie modernes n’ont commencé à être utilisées de manière fréquente que plusieurs centaines d’années après l’institution de la loi mosaïque).
Bien entendu, comme pour de nombreux autres sujets relatifs à la Loi juive, il existe des opinions multiples chez les autorités halakhiques sur la meilleure façon de déterminer ces valeurs (la proportion d’argent à inclure, entre autres).
L’institut Keter propose diverses valeurs correspondant à ces opinions, mais publie une valeur « officielle », qui se base sur un compromis entre les différentes opinions.
« Le ‘taux de change’ varie tous les jours », explique Ishon. « Nous observons la valeur du shekel par rapport au dollar, et la valeur d’une once d’argent sur les marchés mondiaux. Nous avons un logiciel qui calcule la valeur moyenne quotidienne, en shekels. C’est sur elle que nous nous basons pour établir chaque valeur particulière. »
L’ « index du demi-shekel » n’est qu’un moyen grâce auquel l’institut espère rendre la Loi juive adaptée à la vie quotidienne en Israël, ajoute Ishon. « Nous avons fondé l’institut à partir de la croyance que la Torah est un objet vivant et qu’elle peut, et doit, être mise en œuvre dans les activités économiques du quotidien. »
« Les sources halakhiques comprennent de nombreuses discussions sur des sujets financiers qui sont pertinentes au quotidien et fournissent des réponses aux multiples dilemmes moraux et sociaux auxquels la société doit faire face. »