Référendums d’annexion en Ukraine: les autorités prorusses revendiquent la victoire
"La Russie a le droit d'utiliser des armes nucléaires si nécessaire", a dit l'ex-président et numéro deux du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev
Les autorités prorusses des régions ukrainiennes de Zaporijjia, Kherson, Lougansk et Donetsk ont revendiqué mardi la victoire du « oui » en faveur d’une annexion par la Russie, lors des « référendums » d’annexion organisés par Moscou et dénoncés par Kiev et ses soutiens occidentaux.
La prochaine étape revient au Parlement russe, censé voter dans les jours qui viennent un traité formalisant l’intégration des quatre régions au territoire russe.
Dans la foulée de ce processus parlementaire, le président Vladimir Poutine pourrait prononcer un discours dès le 30 septembre pour annoncer formellement l’annexion des territoires ukrainiens, selon les agences russes.
En attendant, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré mardi soir dans une vidéo postée sur Telegram que l’Ukraine agirait « pour défendre son peuple ».
« Nous agirons pour protéger notre peuple : à la fois dans la région de Kherson, dans celle de Zaporijjia, dans le Donbass, et aussi dans les zones actuellement occupées de la région de Kharkiv et en Crimée », a déclaré M. Zelensky dans sa première réaction après l’annonce des résultats par les autorités prorusses.
S’adressant plus tôt mardi dans un message enregistré au Conseil de sécurité de l’ONU, il avait affirmé que Kiev ne pouvait mener de pourparlers avec Moscou après ces « pseudo-référendums ».
« La reconnaissance par la Russie des ‘pseudo-référendums’ comme ‘normaux’, la mise en œuvre du même scénario qu’en Crimée et une énième tentative d’annexer une partie du territoire ukrainien signifie que nous n’avons pas à discuter avec l’actuel président russe », a-t-il dit.
En 2014, le président Poutine avait signé un traité rattachant la Crimée à la Russie deux jours à peine après le « référendum » que les autorités russes y avaient organisé, lors d’une cérémonie au Kremlin, avant même le vote du Parlement russe. Cette annexion n’a pas été reconnue par la communauté internationale.
« Action diabolique », dit Blinken
La commission électorale de la région de Zaporijjia a affirmé que 93,11 % des électeurs avaient voté pour le rattachement à la Russie, après le dépouillement de 100 % des bulletins de vote.
Dans la région de Kherson, l’administration d’occupation pro-Moscou a indiqué que 87,05 % des électeurs avaient voté en faveur du « oui », après le dépouillement de tous les bulletins.
Peu après, celle de Lougansk a aussi annoncé la victoire du oui. Dans la soirée, les autorités prorusses de la région de Donetsk ont fait de même.
« Nous nous réunissons avec notre grande patrie, avec la grande Russie », a réagi le chef de la République populaire de Donetsk, Denis Pouchiline.
Les alliés de l’Ukraine ont dénoncé ces scrutins, organisés dans l’urgence face à la progression des forces de Kiev.
La secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques a répété mardi lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur ces « référendums » d’annexion, le soutien des Nations unies à « l’intégrité territoriale de l’Ukraine » dans ses « frontières reconnues ».
Le G7 a juré de ne « jamais reconnaître » les résultats et Washington a promis une réplique « sévère » par la voie des sanctions économiques.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a répété que les Etats-Unis et leurs alliés prendraient en représailles de nouvelles et « sévères » sanctions contre la Russie, face à ces annexions qu’il a qualifiées d' »action diabolique ».
Par la voix de son ambassadeur à l’ONU, la Chine a appelé au respect de « l’intégrité territoriale de tous les pays ».
Vladimir Poutine a de son côté défendu ces scrutins comme le moyen de « sauver les populations » locales, Moscou justifiant son invasion en accusant Kiev de « nazisme » et d’orchestrer un « génocide » des russophones en Ukraine.
Ces votes concernent plus de 20 % de la surface de l’Ukraine.
Menace nucléaire
Revendiquant son emprise sur ces nouveaux territoires, Moscou a de nouveau menacé mardi de faire usage de l’arme nucléaire.
« La Russie a le droit d’utiliser des armes nucléaires si nécessaire », a dit l’ex-président et numéro deux du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev.
Une position confirmée par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a rappelé la doctrine militaire russe, qui prévoit la possibilité de telles frappes en cas d’attaque contre le territoire russe.
Dans la soirée, le Pentagone a affirmé que Washington « prenait ces menaces au sérieux », sans toutefois « ajuster sa position nucléaire pour le moment ».
Pour le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, « la Russie doit savoir que la guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ».
La Russie continue parallèlement de mener une mobilisation de ses réservistes afin de recruter 300 000 combattants, cherchant la parade à la contre-offensive des troupes ukrainiennes qui ont, fortes des livraisons d’armes occidentales, repris des milliers de kilomètres carrés de territoire début septembre.
En Crimée, une journaliste de l’AFP a vu des rangées d’hommes mobilisés, souvent d’âge mûr, en treillis militaire et kalachnikov en main, attendre leur tour avant de monter dans des bus.
Cette campagne de recrutement, menée par endroits de manière chaotique, a poussé de nombreux Russes à fuir, un exode confirmé mardi par deux pays voisins, la Géorgie et le Kazakhstan, tandis qu’un afflux est également observé aux frontières de la Mongolie et de la Finlande.
Fuites sur Nord Stream
Par ailleurs, les gazoducs Nord Stream construits au fond de la mer Baltique pour acheminer le gaz russe vers l’Europe ont été touchés par des fuites majeures, le Kremlin évoquant un possible sabotage, Kiev « une attaque terroriste » russe.
Les vastes fuites en cours sont dues à des « actes délibérés » et « pas à un accident », a affirmé mardi soir la Première ministre danoise Mette Frederiksen, pour qui elles devraient durer « au moins une semaine » jusqu’à l’épuisement du méthane qui s’échappe des conduites sous-marines.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a elle aussi estimé qu’il s’agissait d’un « acte de sabotage ».