Refuser de servir dans l’armée en Israël est à l’opposé du judaïsme authentique
C'est finalement toute la société haredi, et toute la société israélienne plus largement, qui doit être placée dans l'obligation d'assumer ses responsabilités en matière de protection de la nation
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

« Il n’y a aucune puissance dans ce bas-monde qui pourra empêcher le peuple d’Israël d’étudier la Torah et tous ceux qui ont essayé, dans le passé, ont misérablement échoué. Aucun jugement tyrannique ne saura éliminer la communauté des érudits sur la Terre d’Israël, qui est la branche sur laquelle nous sommes tous assis ».
Ce sont les paroles qui ont été prononcées par le député Aryeh Deri, président du parti Sépharade du Shas et ancien ministre vétéran du gouvernement, immédiatement après le jugement rendu à l’unanimité par neuf magistrats, qui ont estimé que des décennies d’exemption de service militaire au profit de dizaines de milliers de jeunes ultra-orthodoxes devaient se terminer parce que la situation était intenable du point de vue sioniste, qu’elle était inéquitable, inégalitaire et illégale.
Mais malgré ce qu’a pu dire Deri en faisant ostensiblement part de son indignation – une indignation quelque peu blasphématoire – il semble évident que personne, et je dis bien personne, que ce soit au sein du tribunal ou ailleurs, du côté des dirigeants ou du côté des citoyens israéliens, ne cherche à « empêcher le peuple d’Israël d’étudier la Torah » et ne tente « d’éliminer la communauté des érudits de la Terre d’Israël ».
En effet, peu de Juifs israéliens nourrissent des doutes sur le caractère central qui est celui du judaïsme dans la légitimité même d’Israël : Israël est le seul foyer moderne et ancien du peuple juif, dont l’identité a su se conserver pendant des millénaires grâce à la fidélité à la foi ; un peuple qui a su se maintenir et qui a su se renouveler grâce à l’étude constante, à l’interprétation et au réexamen contemporains de ses textes fondateurs. Personne n’a besoin qu’Aryeh Deri, criminel récidiviste qui est en lui-même une insulte aux préceptes du judaïsme, ne vienne lui expliquer ces choses.

Ce que les neuf juges, laïcs et orthodoxes de la même manière, ont cherché à faire, c’est à ramener la pratique de l’étude de la Torah, une pratique respectée, dans son cadre authentique, traditionnel. A savoir un élément indispensable, en plus d’une éducation la plus large possible et d’un travail honnête, dans une existence riche, épanouissante, pour tous les Juifs qui cherchent à pouvoir s’y adonner, aidant à orienter les érudits en apportant des contributions productives dans une société solide et juste.
En contraste avec des siècles de tradition juive orthodoxe et en contraste avec les normes auxquelles se soumettent les communautés juives du monde entier, il n’y a qu’en Israël – et il n’y a qu’un demi-siècle – que l’étude à plein temps de la Torah est devenue une règle pour les jeunes hommes haredim. Ce qui est une aberration à laquelle les politiciens laïques ont consenti en échange d’alliances avec les dirigeants d’une communauté ultra-orthodoxe qui devient de plus en plus nombreuse, une aberration dont ont profité les Deri et autres Yitzchak Goldknopf, son homologue ashkénaze, pour accroître leur pouvoir et leur influence tout en condamnant leurs électeurs à des vies étroites et appauvries, sans droit à une éducation digne de ce nom.

Les rabbins ultra-orthodoxes ont établi des partenariats avec leurs représentants politiques dans cette dérive – insistant sur le fait que les membres de la communauté ne devaient pas partager le fardeau pratique de la défense de notre foyer national et qu’en conséquence, ils ne devaient prendre part à aucune forme de service ; ils ont également affirmé qu’il était du devoir de ceux qui servent au sein de l’armée, de ceux qui travaillent et qui paient des impôts, de subventionner cet isolationnisme – ce qui constitue une terrible motion de censure concernant leur approche même du judaïsme :
La société israélienne, à la fois diverse et dynamique, est-elle si attrayante, et leur approche séparatiste de la foi est-elle si fragile que la simple idée de permettre à leurs électeurs de s’intégrer dans l’armée et sur le marché du travail – des environnements tolérants, accueillants, très respectueux d’une multitude d’approches de l’existence – justifie l’expression d’une opposition hystérique ? Est-ce que cela serait si dévastateur, si destructeur ?
Pire encore, en insistant sur le fait que tous les jeunes hommes ultra-orthodoxes doivent toucher des allocations de l’État, cet État pour lequel ils éprouvent des sentiments ambivalents – voire une hostilité affichée – et en affirmant que tous les jeunes hommes ultra-orthodoxes doivent être exemptés de toute forme de service national, ces représentants politiques et ces rabbins sapent une tradition orthodoxe millénaire dans laquelle les meilleurs érudits, les plus brillants, étaient rémunérés par le reste de la communauté de manière à pouvoir consacrer tout leur temps et toute leur excellence à approfondir l’étude de la Torah.
Cette tradition avait été respectée lors de la fondation de l’État moderne avec le premier Premier ministre d’Israël, David Ben Gurion, qui avait exempté de service militaire environ 400 étudiants en yeshiva, conscient du fait que le monde de l’étude de la Torah avait été décimé en conséquence de la Shoah. Vingt ans plus tard, il n’y avait que 800 exemptions de ce type. Mais en 1977, le gouvernement de Menachem Begin avait levé ces restrictions et aujourd’hui, environ 63 000 jeunes ultra-orthodoxes en âge de faire leur service militaire ne le font pas.

Jamais, dans toute son Histoire moderne, Israël n’a eu autant besoin de tous les éléments de la société pour assurer la défense de la nation. Israël est en guerre ou se prépare à la guerre sur de multiples fronts – contre le Hamas à Gaza, contre le Hezbollah au Liban, contre les terroristes en Cisjordanie, contre les milices en Irak et en Syrie, contre les Houthis… Tsahal est au maximum de ses capacités. Des dizaines de milliers de réservistes sont sur le front depuis des mois – séparés de leurs proches, ayant mis en pause leur carrière professionnelle. Les tensions sont si fortes, dans l’armée, que le gouvernement allait faire adopter une loi en toute hâte qui retarderait encore l’âge de la retraite pour les réservistes. Le vote a été suspendu.
Et pourtant, les dirigeants haredim refusent encore et encore de négocier un accord qui serait authentiquement juif avec le gouvernement pour s’assurer que leur communauté jouera un rôle dans la protection pratique du pays tout en permettant de maintenir, pour ceux qui la recherchent, la quête fondamentale de l’érudition juive.

Un tel arrangement pourrait, bien sûr, bénéficier à toutes les parties concernées par le bien-être de ce pays précieux, et il bénéficierait assurément à la communauté ultra-orthodoxe elle-même – qui assumerait alors un rôle apprécié, constructif, dans le fonctionnement vibrant de cette nation extraordinaire et qui est actuellement si extraordinairement menacée.
L’armée n’est pas capable d’intégrer dès demain les dizaines de milliers d’hommes ultra-orthodoxes qui sont dorénavant, avec le jugement qui a été rendu mardi, dans l’obligation de jouer leur rôle dans la défense d’Israël. Cela serait une bonne chose de commencer à recruter les 8 000 « étudiants de la Torah à plein-temps » haredim, qui, selon les estimations de l’Institut de la Démocratie israélien, n’en portent que le titre – des jeunes qui, dans le cadre d’une fraude méprisable, n’étudient pas dans les institutions où ils sont pourtant inscrits, touchant les allocations versées par l’État.
Mais c’est finalement toute la société haredi, et toute la société israélienne plus largement, qui doit être placée dans l’obligation d’assumer ses responsabilités en matière de protection de la nation.
Après des décennies à jouer au chat et à la souris avec les politiciens, la Haute cour a pris – tardivement – position en faveur à la fois du judaïsme authentique et de la survie et de l’épanouissement de notre État en péril.
Aryeh Deri et ses pairs ne sont pas seulement du mauvais côté de l’égalité, de la justice et de la légalité, de la survie de notre foyer juif ; ils sont aussi du mauvais côté du judaïsme authentique. Et bien sûr qu’ils le sont. Parce que le judaïsme dans son authenticité, contrairement à la version dénaturée et intéressée dont ils font à hauts cris la promotion, défend précisément de telles valeurs.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel