Rejeter Lookstein ‘délégitime’ Israël, déclare Sharansky lors d’une manifestation
Avant l’audience d’appel de Nicole sur sa conversion au judaïsme, les militants mettent l'accent sur le fait que son cas est juste l’un des nombreux exemples de l'extrémisme contre les Juifs de la diaspora
Des bribes de l’hymne national israélien « Hatikva » l’emportaient sur les bruits de l’activité frénétique du matin alors que quelque 200 manifestants protestaient devant la Cour suprême religieuse, à l’entrée de Jérusalem, mercredi matin.
La manifestation était organisée par les anciens élèves de New York du rabbin Haskel Lookstein, ancien directeur de l’école secondaire Ramaz et chef spirituel de la grande Congrégation Kehilath Jeshurun, dont la conversion il y a deux ans d’une immigrante américaine de 31 ans nommée Nicole a été rejetée le mois dernier par le rabbinat de Petah Tikva quand elle a tenté de s’enregistrer pour se marier avec son fiancé israélien.
La conversion rejetée de Nicole est devenue une affaire médiatique internationale parce que Lookstein, qui visiblement ne figure pas sur la liste insaisissable du rabbinat des rabbins « approuvés », a également converti Ivanka Trump. Cette dernière conversion a mené à beaucoup de spéculations quant à la confession des petits-enfants du candidat présidentiel républicain Donald Trump.
Seront-ils considérés comme Juifs dans l’Etat d’Israël ?
Le cas de Nicole est encore plus étrange du fait que le rabbin Itamar Tubul, chef du département du statut personnel au sein du grand rabbinat d’Israël, qui décide quels rabbins américains sont autorisés à prononcer des conversions, a écrit au rabbinat de Petah Tikva que le témoignage de Lookstein est casher. Sa lettre n’a pas été prise en compte, et c’est à la base de l’audience mercredi.
Le chef de l’Agence juive Natan Sharansky et plusieurs membres de la Knesset ont pris part à cette manifestation qui a eu lieu juste avant une audience d’appel à la Cour suprême rabbinique sur le cas de Nicole. Selon la publication ultra-orthodoxe Kikar Shabbat, aucune décision ne devrait être annoncée mercredi.
Lors de la manifestation préparatoire à l’audience, au milieu des chants de « Ha’am Doresh Sovlanut ba’rabanute » (les gens exigent la tolérance au rabbinat) et des appels dénonçant « l’extrémisme » du rabbinat, une série d’intervenants dont le Grand rabbin d’Efrat Shlomo Riskin se sont saisi d’un grand mégaphone blanc pour apporter leur soutien à Lookstein. Issu d’une longue lignée de rabbins de premier plan, Lookstein est considéré comme l’un des premiers rabbins orthodoxes modernes de sa génération.

En plus de son leadership spirituel et halakhique ((la loi juive), au cours des années 1970, Lookstein était aussi un militant pour les prisonniers russes de Sion, et a continué à être un militant pour les droits de l’Homme durant sa longue carrière.
Dans une interview avec le Times of Israel, l’ancien prisonnier de Sion, Sharansky, a déclaré que bien que ce soit une « belle histoire » de dire qu’après que Lookstein se soit battu pour Sharansky, c’est désormais Sharansky qui se bat pour Lookstein, le chef de l’Agence Juive a dit qu’il n’y a « aucun besoin » de se battre pour la bonne réputation de Lookstein, qui se situe au-delà de tout examen.
« Je suis venu ici en tant que chef de l’Agence Juive qui se bat – c’est mon travail pour le gouvernement – pour des liens renforcés entre le monde juif et Israël », a déclaré Sharansky. Il a dit qu’il était du devoir de l’Etat d’Israël de donner à la diaspora juive le sentiment qu’Israël est leur maison. Rejeter des rabbins estimés tels que Lookstein repousse la communauté juive mondiale.
« Ce qui se passe maintenant est la délégitimation de l’Etat d’Israël, non pas par nos ennemis, mais par notre propre gouvernement », a déclaré Sharansky. « Les Juifs de la diaspora sont entourés par ceux qui nient la légitimité d’Israël, a rapporté Sharanksy, en leur disant qu’ils devraient avoir honte de soutenir Israël. »
« Et nous, nous venons avec nos shlihim [émissaires] et jour et nuit nous leur expliquons comment ils devraient être fiers de leur lien avec Israël. Et puis Israël vient et dit : « Mais vos dirigeants ne sont pas nos dirigeants. Vos rabbins, même le plus sioniste qui soit, le plus halakhique au monde, ils ne sont pas nos rabbins. Nous ne les reconnaissons pas. Tout ce qu’il reste à faire pour nos ennemis c’est de dire : ‘Nous vous l’avions bien dit’ », a expliqué Sharanksy.

Parmi ceux qui ont apporté leur soutien à Lookstein on trouve les députés Yesh Atid Aliza Lavie et Elazar Stern, le député du Likud né en Amérique Yehuda Glick, et l’ancien député Dov Lipman, dont la présence a été notée par les dizaines de médias présents.
Ils ne sont pas les seuls politiciens intéressés par l’affaire de Nicole : après des lettres du président de la Knesset Yuli Edelstein et du leader de l’opposition Issac Herzog, le rabbin ashkénaze David Lau a publié une déclaration affirmant l’acceptabilité de Lookstein qui serait un rabbin orthodoxe « casher », mardi.
Cependant, le système de tribunal rabbinique et les bureaux des Grands rabbins sont deux organes bureaucratiques distincts, a déclaré Lau.
Nicole n’est pas la première et certainement pas la dernière »
Rachel Stomel, une représentante de Chochmat Nashim, un groupe de femmes religieuses activistes en quête de justice sociale, était parmi les manifestants à Jérusalem mercredi. Elle a dit que le cas de Nicole représentait un problème plus large au sein de l’Etat d’Israël.
« Nicole n’est pas la première et certainement pas la dernière… Alors que les tribunaux rabbiniques jouissent d’un pouvoir pratiquement sans contrôle, qui leur est accordé par l’État, le public joue un rôle énorme pour soit renforcer soit contester ce pouvoir. Nous renforçons quand nous ne faisons rien. Nous défions quand nous sortons pour manifester et faire connaître l’injustice dans les médias », a déclaré Stomel suite à la manifestation.
Stomel a souligné que c’ « est une question féministe, car la majorité des convertis sont des femmes. En général, les femmes et leurs enfants sont la population la plus vulnérable en matière d’abus par les tribunaux rabbiniques en termes de conversion, divorce, etc. Tout est connecté ».
Dans un article d’opinion cinglant paru dans la plate-forme anglophone du Times of Israel de mercredi, le professeur de Bar-Ilan Adam Ferziger, auteur de plusieurs volumes sur l’histoire religieuse juive contemporaine, a inventé l’éloquente expression, « judaïsme bureaucratique » pour qualifier le labyrinthe qui qualifie le Grand rabbinat israélien aujourd’hui.
« Quelle que soit la décision de la cour, ce malheureux épisode met sur le devant de la scène un problème qui pourrit et surtout depuis 1948 : les fonctionnaires rabbiniques trop souvent financés par l’État – même ceux comme les juges des tribunaux religieux chargés des tâches les plus sensibles – fonctionnent comme des greffiers impersonnels qui sont incapables de rendre compte de l’élément humain dans la vie religieuse. Le résultat est un « judaïsme bureaucratique » qui cherche constamment à consolider son contrôle sur la vie des Juifs, et qui au cours de ce processus est de plus en plus aliénant même pour ceux qui étaient autrefois ses plus grands supporters », a écrit Ferziger.

Le rabbin Seth Farber, le chef de l’organisation israélienne à but non lucratif l’ITIM, qui représente Nicole dans le processus du tribunal rabbinique, a déclaré au Times of Israel que son organisation avait représenté des dizaines de cas similaires.
« Alors que les chiffres augmentent, et que les gens deviennent de plus en plus frustrés, nous avons également réalisé que nous avons besoin d’un changement systémique. Nous ne pouvons pas résoudre les problèmes de l’individu », a dit Farber au Times of Israel. Il a ajouté que Lookstein et Nicole sont des « héros » qui permettent l’utilisation de leur cas pour mettre en évidence les problèmes systémiques du rabbinat israélien.
« Ce n’est pas seulement le problème du rabbinat israélien. C’est le problème du gouvernement israélien. Et ce n’est pas que leur problème non plus. C’est un problème pour le peuple juif. A une époque où l’assimilation et les mariages mixtes sont très importants en Amérique du Nord, nous avons besoin de prendre des mesures, pour que les gens qui se sentent proches du peuple juif soient vraiment en mesure de s’identifier avec l’Etat d’Israël », a déclaré Farber.
« C’est non seulement à propos de Nicole, c’est aussi pour les centaines de milliers de personnes qui veulent se sentir connectées à l’Etat juif », a déclaré Farber.
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