Un avocat bien décidé à ce que Netanyahu paie ses impôts, comme Golda Meir
Avec une facture donnée en 1969 à la Première ministre Golda Meir par l'Etat, Shachar Ben Meir veut défaire le crédit fiscal de Netanyahu: un combat "juste", pas "personnel"
L’avocat Shachar Ben Meir, qui est également militant, s’est donné une mission : Faire en sorte que le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’acquitte de ses impôts.
Ce spécialiste en droit commercial, âgé de 61 ans, dit avoir concentré ses efforts, au cours des deux dernières décennies, à rectifier les injustices sociétales par des actions collectives et des jugements faisant jurisprudence.
Il rejette une potentielle « arrogance ». Il explique simplement avoir le temps, l’argent et les connaissances juridiques nécessaires pour l’aider à venir à bout de ce qu’il estime être des injustices.
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« Je n’ai jamais réfléchi à la raison pour laquelle je me suis engagé là-dedans », dit-il lors d’un entretien téléphonique. « Je suppose que c’est parce que cela me fait me sentir en accord avec moi -même. Quand j’assiste à des choses injustes, défaillantes, à des choses qui me mettent en colère, je n’ai pas envie de me taire ou de me plaindre : J’ai envie de faire quelque chose, de passer à l’action ».
Ben Meir menace maintenant d’aller devant la Haute-cour pour renverser une décision controversée prise par la commission des Finances au mois de juin, exonérant Netanyahu de l’acquittement d’impôts sur des avantages en nature obtenus, de 2009 à 2017, de la part de son employeur – l’Etat d’Israël – une facture salée qui sera finalement assumée par les contribuables.
Parmi ces avantages, les rénovations réalisées au domicile privé du Premier ministre à Césarée – avec notamment des travaux réalisés dans sa piscine et les services d’un jardinier – et l’usage du véhicule blindé réservé au Premier ministre sur lequel il devrait normalement, et comme n’importe quel autre citoyen, payer des taxes.
En 2018, une législation avait déterminé que l’utilisation de sa voiture officielle par le Premier ministre ne serait pas assujettie à l’impôt ; que l’Etat assumerait les coûts induits par sa résidence privée, en plus de son habitation officielle de Jérusalem, et que le Premier ministre ne serait pas taxé sur ces avantages. La décision qui a été prise récemment par la commission des Finances dispense dorénavant Netanyahu de payer ces taxes pour la période précédant l’année 2018.
Selon la loi, « vous êtes dans l’obligation de payer des taxes sur les avantages en nature que vous obtenez de la part de votre employeur » – qu’il s’agisse d’un ordinateur ou d’une voiture de fonction – « si vous exploitez, par ailleurs, cet avantage par le biais d’un usage personnel », note Ben Meir dans l’interview.
Le député Miki Zohar, un allié de Netanyahu, avait déclaré devant la commission des Finances, avant qu’elle ne prenne sa décision, le mois dernier, que le paiement de ces impôts de la part du Premier ministre – qui, selon les estimations faites par l’édition israélienne de Forbes, s’élèveraient à environ 50 millions de dollars – « paralyserait financièrement » le chef du gouvernement.
Le salaire mensuel actuel de Netanyahu s’élève à 56 345 shekels, une somme dont il empoche, dans les faits, environ 28 000 shekels, a fait savoir le site financier d’information Calcalist. Toutes ses dépenses et celles de sa famille, dans sa résidence de Jérusalem, sont payées – services, dépenses alimentaires et taxes municipales, mais aussi les frais induits par la présence de cuisiniers, de personnels de sécurité et de chauffeurs. L’Etat assume également les coûts de la résidence privée de Netanyahu à Césarée qui, en 2015, ont atteint la somme de 298 000 shekels, a ajouté Calcalist.
Le parti du Likud, placé sous l’autorité de Netanyahu, a insisté sur le fait que le Premier ministre ne cherchait pas davantage qu’à obtenir ce dont avaient joui ses prédécesseurs, affirmant dans un communiqué qu’il « y a une tentative scandaleuse et personnelle d’imposer des impôts à Netanyahu qui n’ont jamais été exigés à un autre Premier ministre ».
Ben Meir a écrit, dans des lettres envoyées au conseiller juridique de la commission des Finances et au bureau du procureur d’Etat après la décision prise d’octroyer des crédits d’impôt au chef du gouvernement, que la dite commission n’avait pas la compétence nécessaire pour approuver une telle initiative et que, malgré cette approbation donnée, Netanyahu n’était pas pour autant exonéré de payer des taxes sur les avantages non-liés à sa fonction de Premier ministre et dont il a pu jouir au cours de ces années.
« Je suis actuellement dans l’attente de leurs réponses », dit Ben Meir. « Et si ces réponses ne me satisfont pas, alors je déposerai plainte devant la Haute-cour ».
Il pense que ses demandes pourront être défendues devant un tribunal. « Je le crois vraiment – je ne le ferais pas le cas échéant ».
Ce n’est pas la première fois que Ben Meir s’implique dans une telle initiative. En 2016, il avait fait plier l’Etat – grâce à une plainte déposée devant la Haute-cour – obligeant de ce fait Netanyahu à payer des taxes sur des avantages en nature qu’il avait obtenus de l’Etat pour sa maison de Césarée.
Netanyahu ne s’était pas acquitté de sa dette, et la commission des Finances a dorénavant estimé qu’il n’avait pas à le faire.
Dans son courrier adressé au conseiller juridique de la commission des Finances, Ben Meir a écrit que la commission avait pris une décision « invalide » qui devait être renversée.
Si le Premier ministre ne désirait pas payer les impôts requis par la loi sur les avantages dont il a bénéficié et qui ne sont pas liés à son rôle, il aurait pu utiliser tous les canaux légaux mis à la disposition de tous les citoyens, dit Ben Meir dans sa missive – il aurait dû se tourner vers l’Autorité fiscale.
Mais il a fait appel à la commission des Finances pour profiter d’une « exemption personnelle et rétroactive ».
Ce qui représente une « violation significative et substantielle de l’Etat de droit », rajoute Ben Meir dans sa lettre.
150 lires par mois
De plus, les faits dans leur entièreté n’ont pas été présentés aux membres de la commission concernant les obligations fiscales qui avaient pu être imposées, dans le passé, à d’autres Premiers ministres se trouvant dans une situation similaire, écrit-il encore.
L’affirmation faite par le chef du gouvernement – qui a déclaré avoir été le premier à avoir écopé d’une telle facture fiscale – émane du fait qu’il est le premier à avoir jamais reçu de l’argent public pour des dépenses réalisées dans son domicile privé, et qui ne se rapportent donc pas à sa fonction – un élément qui aurait dû être contrôlé avant que la commission ne prenne sa décision.
Si les Premiers ministres qui l’ont précédé n’ont jamais eu à payer de tels impôts, c’est tout simplement parce qu’ils n’avaient jamais bénéficié de tels avantages, explique-t-il.
Ben Meir porte aussi à l’attention du conseiller juridique de la commission des Finances qu’en 1956, quand le gouvernement de David Ben-Gurion avait octroyé aux ministres des résidences à Jérusalem, il avait décidé que si les ministres tiraient des bénéfices personnels de leur utilisation, alors ces bénéfices seraient assujettis à l’impôt.
« C’est très exactement le devoir fiscal qui a été imposé au Premier ministre » aujourd’hui, continue Ben Meir dans sa lettre.
Aux archives nationales, Ben Meir a trouvé une note écrite en 1969 concernant le domicile privé de l’ex-Première ministre Golda Meir à Ramat Aviv, et qui mentionne qu’il lui avait été demandé de verser 150 lires par mois pour ses dépenses personnelles – ce qui représentait, estime Ben Meir, un tiers du salaire mensuel israélien de l’époque.
De surcroît, le 10 août de la même année, le secrétaire du département des Finances au bureau du Premier ministre avait demandé à Meir de payer 150 lires supplémentaires parce qu’elle avait hébergé des invités personnels dans son habitation privée, le mois précédent.
La résidence personnelle de Golda Meir, à cette époque, était une bâtisse modeste de Ramat Aviv, dans le nord de Tel Aviv – et non pas une villa à Césarée, comme c’est le cas pour Netanyahu, remarque Ben Meir au cours de l’entretien.
« Ce qui était manifeste en 1969 – à savoir que le Premier ministre paie pour ses dépenses personnelles – ne l’est plus en 2020, lorsque Netanyahu estime que l’Etat doit payer les impôts sur l’argent qu’il lui verse lui-même pour ses dépenses personnelles, note Ben Meir dans sa missive.
Rien de personnel
Ben Meir appelle également le bureau du procureur de l’Etat à exiger que Netanyahu paie la facture, même au vu de la décision prise par la commission des Finances de l’en exonérer. La décision elle-même dit que l’Etat couvrira les taxes de Netanyahu pour tous les revenus ou pour tous les avantages qui lui seront accordés dans le cadre de son travail et de sa fonction de Premier ministre.
Quelles sont les dépenses payées relativement à ce rôle ?, interroge Ben Meir dans un courrier adressé au procureur d’Etat.
La réponse a été admise par l’Etat, en 2016, explique Ben Meir dans la lettre, lorsqu’il a indiqué que toutes les dépenses liées à des avantages personnels devaient être taxées.
Ce qui établit de manière claire, continue-t-il, que tout paiement passé ou futur au bénéfice de la résidence privée de Netanyahu – sans lien aucun avec sa fonction à la tête du gouvernement – doit être assujetti à l’impôt.
Une personnalité publique est un administrateur public, précise Ben Meir au téléphone. « Il devrait travailler dans l’intérêt du public et pas à son propre profit », affirme-t-il.
L’activisme judiciaire de Ben Meir, ces dernières années, a notamment amené Yitzhak Molcho, conseiller politique de Netanyahu, à démissionner, et a aidé à dévoiler les détails de la relation obscure liant Netanyahu et le magnat des communications Shaul Elovitz. Elovitch et Netanyahu sont tous les deux actuellement traduits devant les juges dans le cadre de l’Affaire 4000 – le dossier Bezeq – dans lequel le Premier ministre est accusé de pots-de-vin, de fraude et d’abus de confiance.
Dans un entretien accordé au journal financier Globes en 2018, Ben Meir avait déclaré ne rien avoir de personnel contre Netanyahu. Mais dans la mesure où ce dernier est à la tête du gouvernement depuis de nombreuses années, c’est naturellement sur lui que se concentrent les éventuelles plaintes dénonçant les abus commis par le gouvernement, avait-il ajouté, tout en soulignant que les problèmes qui se posent ont toujours été une affaire de principes.
Netanyahu n’est pas la seule cible des initiatives prises par Ben Meir pour faire de l’Etat juif un pays plus juste. Il a déposé plainte contre le suivi des malades assuré par les services de sécurité du Shin Bet dans un contexte de pandémie de coronavirus ; contre l’Autorité chargée de la concurrence concernant la fusion de deux détenteurs de licence télévisuelles ; il a déposé une requête auprès de la commission centrale électorale pour interdire l’utilisation des fausses déclarations dans le cadre des campagnes pré-scrutin et, plus récemment, il a porté plainte devant la cour de district contre le fabricant Tnuva, obligeant ce dernier à indemniser les consommateurs pour avoir utilisé son statut de monopole sur le marché pour faire augmenter les prix du fromage blanc. La firme devra ainsi débourser des millions de shekels à l’attention de ses clients.
C’est vrai, tout le monde n’est pas aussi actif que lui peut l’être, reconnaît Ben Meir.
« Je peux me permettre de faire ça, à la fois financièrement et aussi parce que j’ai les connaissances légales nécessaires. Je peux le faire – et donc, je le fais », s’exclame-t-il.
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