Retour des otages : La Santé dévoile des protocoles stricts pour les otages libérés
La Croix-Rouge confiera les otages à l’armée, qui les amènera dans six hôpitaux en Israël, où ils seront suivis selon des protocoles régissant la suralimentation et les viols
Le ministère de la Santé a annoncé qu’il s’apprêtait à accueillir les otages qui doivent être libérés de leur captivité à Gaza dans les prochains jours.
En vertu d’un accord négocié par le Qatar, l’Égypte et les États-Unis, le Hamas devrait commencer à libérer les otages israéliens demain vendredi. L’accord prévoit la libération de de 50 otages femmes et enfants israéliens – des civils – contre 150 femmes et adolescents prisonniers sécuritaires palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. On dénombre actuellement 238 ressortissants israéliens et étrangers actuellement aux mains du Hamas et d’autres groupes terroristes à Gaza.
Si l’accord se déroule comme prévu, des groupes de 12 à 13 Israéliens seront libérés chaque jour pendant les quatre jours de trêve du conflit négociés à cet effet entre Israël et le Hamas.
Dès le 7 octobre, date à laquelle le Hamas s’est livré à une attaque sauvage contre le sud d’Israël, le ministère de la Santé et le ministère des Affaires sociales ont élaboré des protocoles de prise en charge des otages à leur libération. Les professionnels de la médecine et de la santé mentale sont prêts à accueillir les otages et espèrent qu’ils pourront enfin suivre ces directives.
« Nous nous sommes entraînés et sommes prêts à faire face à tous types de scénarios », a déclaré le directeur général du ministère de la Santé, Moshe Bar Siman-Tov, lors d’une conférence de presse mercredi.
Après avoir été remis par le Hamas à la Croix-Rouge, les otages israéliens seront transférés aux représentants de Tsahal au poste-frontière de Rafah.
Après un premier examen, les otages seront envoyés dans l’un des six hôpitaux israéliens : Soroka, Sheba, Wolfson, Ichilov, Shamir ou Schneider.
Des secouristes du ministère de la Santé détermineront la destination de chaque otage libéré. Les mères et les enfants ne seront pas séparés. Les membres les plus proches des familles d’otages seront informés de l’endroit où leurs proches auront été transférés et pourront les y retrouver.
Les otages et leurs familles seront placés dans des zones séparées, spécialement désignées, au sein des hôpitaux, afin de garantir la plus grande discrétion possible. Tous les examens médicaux seront également effectués dans cette zone, à l’écart des autres patients et du personnel.
Dans un premier temps, les médias n’auront pas accès aux otages ni à leurs familles. Bar Siman-Tov a déclaré à une chaîne d’information en hébreu que par la suite, les familles seront libres de décider elles-mêmes si elles souhaitent accorder des interviews. Il estime cependant, tout comme ses collègues, qu’il est préférable que les otages et leurs familles se remettent de leur épreuve loin des projecteurs. Cette décision fait suite à une conférence de presse controversée qui s’est tenue à l’hôpital Ichilov après la libération, le 24 octobre, de Yocheved Lifshitz, une otage âgée de 85 ans.
Les dossiers médicaux de chacun des otages ont été compilés à l’aide d’informations recueillies auprès des caisses de santé israéliennes et par l’équipe médicale et de résilience du Forum des otages et des familles disparues, dirigé par le professeur en santé publique Hagai Levine.
Dès que la remise des otages aux autorités israéliennes sera confirmée, leurs dossiers médicaux confidentiels seront communiqués à l’hôpital concerné. De petites valises contenant des vêtements, des objets personnels et des jouets seront également envoyées. Le personnel médical veillera également à ce que tous les secouristes et appareils médicaux nécessaires, tels que les prothèses auditives, soient disponibles.
Le ministère des Affaires sociales a donné des instructions a Tsahal pour s’assurer que les meilleurs soins possibles soient prodigués aux otages libérés avant même leur arrivée dans les hôpitaux.
Il a été conseillé aux militaires d’affecter un seul soldat à l’accompagnement de chaque enfant ou famille. Les soldats devront s’identifier et parler de manière rassurante à l’enfant, tout en veillant à ne pas lui prendre la main ou le porter, sauf s’il y consent. Si de telles actions se révélaient indispensables, le soldat devra expliquer exactement ce qu’il fait et pourquoi il le fait.
De même, les otages adultes pourraient ne pas vouloir être touchés ou pourraient être sensibles à certains sons. Si les otages ont été détenus sous terre pendant sept semaines, la lumière du soleil pourrait leur être désagréable.
« Les soldats ne devraient pas répondre aux questions des enfants [qui ont perdu l’un de leurs parents ou les deux], demandant ‘Où est maman ?’ ou ‘Où est papa ?’, même s’ils connaissent les réponses », précisent les directives du ministère de la Protection sociale.
La réponse à donner devra être du type : « Je suis désolé, mais je ne sais pas, ma puce. Mon travail est de t’emmener en Israël, dans un endroit sûr où des personnes que tu connais pourront répondre à toutes tes questions ».
Les hôpitaux ont pris des dispositions pour que les médecins, les infirmières et les autres membres du personnel médical soient de sexe féminin pour soigner les otages qui seront libérées dans le cadre de ce premier accord. Les médecins procéderont avec sensibilité à des examens physiques complets des femmes et des enfants et prescriront tous les tests sanguins ou d’imagerie nécessaires.
Le ministère de la Santé a demandé aux médecins de rechercher et de documenter tout signe de torture, de viol ou d’autres crimes de guerre. Si des preuves de viol sont détectées ou si l’otage en parle, il faut faire appel à des professionnels compétents pour évaluer s’il est possible d’interroger la femme et de recueillir des preuves sans la traumatiser à nouveau.
Parmi les protocoles distribués par le ministère de la Santé figure un document détaillé sur la manière de nourrir correctement les otages libérés, qui risquent de rentrer en Israël en état de sous-alimentation.
Ce document vise à prévenir le syndrome de renutrition, une affection potentiellement mortelle causée par l’administration trop rapide d’une trop grande quantité de nourriture et de liquides à une personne sous-alimentée, ce qui entraîne des troubles métaboliques et des déséquilibres hydro-électrolytiques. Ces déséquilibres peuvent endommager les systèmes nerveux et respiratoire, la fonction cardiaque, les muscles et le sang.
Le médecin ne discutera avec les responsables de la Défense de la possibilité de débriefer avec l’otage qu’après un examen médical complet de ce dernier. Les adultes jugés en assez bonne santé pourront débriefer assez rapidement, mais le débriefing des enfants sera reporté pendant un certain temps.
Chaque otage ou famille d’otage se verra attribuer un travailleur social, ou un psychologue ou un psychiatre si nécessaire, pour l’évaluer et le soigner.
En plus de leur captivité infernale, les otages n’auront probablement pas connaissance de l’ampleur de ce qui s’est passé le 7 octobre et de la guerre qui s’en est suivie. Ils ignoreront sans doute que les terroristes ont détruit plus de 20 communautés, assassiné 1 200 personnes et kidnappé quelque 240 Israéliens et ressortissants étrangers.
Nombre d’entre eux seront informés que des membres de leur famille, des voisins ou des amis ont été assassinés, sont toujours retenus en captivité ou sont portés disparus.
Levine, du Forum des familles d’otages et de disparus, a déclaré qu’il était essentiel de poursuivre les soins.
« Un professionnel de la santé mentale qui a accompagné la famille d’un otage depuis le début de cette épreuve doit continuer à le faire. De même, un professionnel qui commence à soigner un ex-otage devra poursuivre cette relation sur une longue période », a-t-il déclaré.
Bar Siman-Tov a souligné l’importance pour les ex-otages de quitter l’hôpital dès qu’ils sont physiquement stables, afin d’entamer leur convalescence au sein de leur famille et de leur communauté.
Selon Levine, le meilleur environnement pour le rétablissement varie d’une personne à l’autre, et il est essentiel d’écouter les souhaits de chacun.
« Chaque personne sera évaluée de manière appropriée, mais en fin de compte, elle doit être traitée comme un individu à part entière », a expliqué Levine.
Il a souligné qu’il s’agissait d’un événement horrible, sans précédent dans l’histoire d’Israël et nouveau pour tous ceux qui ont participé à la libération des otages.
« Les otages ne seront pas tous libérés en même temps. Nous pouvons tirer des leçons de chacune de ces expériences et affiner nos protocoles pour chaque groupe libéré par la suite », a-t-il affirmé.