Retour sur le discours d’Abbas devant le Conseil de sécurité de l’ONU
Le plan de paix de Trump a été rejeté par le président de l'Autorité palestinienne devant le Conseil de sécurité de l'ONU, qui ferait d'un Etat palestinien un "gruyère suisse"
Le président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas a affirmé mardi devant le Conseil de sécurité de l’ONU rejeter le plan de paix israélo-américain, qui ferait d’un Etat palestinien un « gruyère suisse », après avoir renoncé la veille à un vote d’une résolution faute de soutien international suffisant.
« Nous rejetons le plan israélo-américain » qui « remet en question les droits légitimes des Palestiniens », a-t-il lancé en brandissant une grande carte de la Palestine telle que voulue par les Etats-Unis lors d’un discours qui a semblé parfois décousu.
« Nous avons rejeté ce plan car Jérusalem-Est ne ferait pas partie de la Palestine et cela suffit pour le refuser », a précisé Mahmoud Abbas. Il ferait de la Palestine « un Etat fragmenté », sans contrôle aérien, sans contrôle maritime. « Qui parmi vous accepterait un tel Etat ? », a demandé aux membres du Conseil le Palestinien, en évoquant une situation « d’apartheid » et l’absence de souveraineté pour son peuple.
Abbas a indiqué que le peuple palestinien ne recourra pas à la violence en réponse au plan de paix Trump ou dans le but d’obtenir le statut d’État.
« Je voudrais appeler le peuple israélien à dire que la poursuite de l’occupation et l’occupation militaire d’un autre peuple n’aidera pas votre sécurité », a-t-il déclaré. « Nous devons rester partenaires, chacun dans son pays souverain. »
Il a ajouté : « Nous ne sommes pas contre le peuple juif ou les Juifs. Nous sommes des musulmans. Un musulman qui se dit contre un juif commet un blasphème ».
« Nous ne sommes pas contre le peuple juif. Nous sommes contre ceux qui nous attaquent, nous et notre terre », a-t-il déclaré.
« Nous appelons à la fin de l’occupation et à la création d’un État palestinien. Nous ne nous rendrons pas », a-t-il déclaré, mais il a ajouté : « Nous croyons en la lutte contre la violence et nous n’aurons donc pas recours à la violence. Nous n’aurons pas recours au terrorisme. Nous n’aurons pas recours à la violence ».
Le renoncement au vote d’une résolution mardi matin en présence de ce dirigeant représente un revers sérieux pour les Palestiniens, même s’ils assurent que les négociations sur le texte entamées la semaine dernière vont se poursuivre.
Ils expliquent aussi avoir voulu ménager leurs soutiens au Conseil de sécurité qui ont été mis sous une très forte pression des Etats-Unis pour ne pas approuver de résolution.
Selon un diplomate occidental, Washington a menacé de « mesures de rétorsion » notamment financières les pays qui se positionneraient contre les Etats-Unis.
Un haut responsable américain, demandant l’anonymat, s’est félicité mardi de ce renoncement. « En ne présentant pas de résolution clivante, le Conseil de sécurité démontre que les vieilles manières de faire sont finies », a-t-il dit.
Dimanche, les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient soumis à leurs partenaires du Conseil de sécurité une série d’amendements au texte visant à lui enlever toute critique à l’égard du plan dévoilé par Donald Trump le 28 janvier.
Ce projet retient une « solution à deux Etats » et propose de créer une capitale d’un Etat palestinien à Abu Dis, un faubourg de Jérusalem, alors que les Palestiniens veulent faire de l’ensemble de Jérusalem-Est la capitale de leur Etat.
Il intègre aussi une annexion des implantation israéliennes, ainsi que de la vallée du Jourdain en Cisjordanie, territoire récupéré par Israël en 1967, avec des frontières en rupture avec les lignes d’armistice tracées à l’époque. Il prévoit aussi un Etat démilitarisé pour la Palestine altérant sa souveraineté.
« Etat souverain »
« Ce sont nos territoires », a asséné devant le Conseil de sécurité Mahmoud Abbas. « Qu’est-ce qui vous donne le droit de les annexer ? », a-t-il demandé aux Israéliens, en appelant « la communauté internationale à faire pression sur Israël » pour empêcher cette perspective qui pourrait intervenir au lendemain des prochaines élections israéliennes début mars.
Pour l’ambassadrice américaine à l’ONU, Kelly Craft, le plan, qui s’accompagne d’un investissement de 50 milliards de dollars, « est réaliste et peut être mis en oeuvre ». « Ce n’est pas un projet figé dans le marbre, à prendre ou à laisser », a-t-elle ajouté, évoquant « une proposition de début de dialogue ».
Parmi ses amendements au projet de résolution, Washington a demandé de supprimer la mention d’une vision à « deux Etats souverains et démocratiques » pour ne conserver que la qualification « d’Etats démocratiques ».
Dans une déclaration commune avant la réunion du Conseil de sécurité, les membres de l’Union européenne siégeant dans cette instance (Belgique, France, Allemagne, Estonie, plus la Pologne ancien membre), ont souligné leur engagement à aboutir à une solution à deux Etats, dont « un Etat d’un seul tenant, indépendant, démocratique, d’un seul tenant, souverain et viable » pour les Palestiniens.
Pour les Palestiniens et plusieurs de leurs soutiens, le projet américain est déséquilibré et bien trop favorable à Israël.
Mahmoud Abbas a réaffirmé que « les Etats-Unis ne pouvaient plus être le seul médiateur » pour une paix au Proche-Orient. « Au sein du Quartet, vous êtes les bienvenus, mais en tant que médiateur unique, nous ne pouvons pas accepter … Nous avons essayé, mais nous ne pouvons pas l’accepter à nouveau ».
Il a appelé le « Quartette (Etats-Unis, Russie, Union européenne et ONU) et les membres du Conseil de sécurité à organiser une conférence internationale de paix », sans autre précision.
Selon l’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon, la paix ne peut pas intervenir si les Palestiniens ne changent pas de dirigeant.
« Ce n’est qu’une fois qu’il sera parti qu’Israël et les Palestiniens pourront aller de l’avant », a-t-il dit, provoquant l’indignation du secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, assis à sa droite, qui s’est dit « stupéfait ».
Après s’être affiché au côté de Mahmoud Abbas devant des médias réunis dans un hôtel, l’ex-Premier ministre israélien Ehud Olmert (2006-2009) s’est lui aussi inscrit en faux contre la déclaration de Danny Danon. Mahmoud Abbas « est un homme de paix, opposé à la terreur et c’est le seul partenaire avec lequel nous pouvons traiter », a-t-il souligné.
Abbas à Trump : Donnez-nous la possibilité de parvenir à la paix. Votre plan ne le permet pas
« Croyez-moi, s’il y a la paix entre nous et le peuple israélien, ce sera la plus belle forme de paix, mais donnez-nous cette chance de parvenir à la paix », a déclaré Abbas au Conseil de sécurité de l’ONU, affirmant que le plan ne le leur permet pas. « J’espère que le président Trump sera juste et équitable afin que nous puissions avoir la possibilité de parvenir à la paix ».
Abbas a rappelé que lorsqu’il a rencontré le président américain Trump en 2017, on lui a promis que les États-Unis annonceraient leur soutien à un certain nombre de positions palestiniennes clés.
Mais, a-t-il dit, « quelque chose s’est passé » qui l’a amené à changer d’avis et à « soutenir pleinement les souhaits d’Israël ». « Je ne sais pas qui lui a donné ce conseil inacceptable », a dit Abbas. « Je sais que Trump n’est pas comme ça. Le président Trump que j’ai rencontré n’est pas comme ça. Et il est très surprenant ».
« La paix est toujours possible, mais pas avec le plan Trump »
Abbas estime que la paix est encore possible, mais qu’elle ne passera pas par le plan de paix Trump.
« Je suis venu devant vous aujourd’hui pour vous dire que la paix entre Israéliens et Palestiniens est encore possible. Elle est réalisable. Je suis venu pour construire un partenariat international en faveur de la paix », a-t-il déclaré.
« Mais nous devons rejeter ce plan injuste », a-t-il insisté.
Il a affirmé qu’il a été rédigé par un pays (les États-Unis), au nom d’un autre pays (Israël), dans le but d’imposer des conditions aux Palestiniens en violation du droit international et des résolutions des Nations unies.
Le plan d’action « légitime ce qui est illégal » et renforce le « régime d’apartheid »
Abbas a déclaré que le plan de paix du président américain Donald Trump annule le droit des Palestiniens à « l’autodétermination, la liberté et l’indépendance dans notre propre État ».
Le plan « légitime ce qui est illégal : la colonisation et l’annexion de la terre palestinienne … il ne doit pas être considérée comme une référence internationale pour les négociations ».
« Il s’agit d’un plan préemptif israélo-américain visant à mettre fin à la question de la Palestine », a dit Abbas. « Il a été rejeté par nous car il considère que Jérusalem-Est n’est plus sous la souveraineté de l’État de Palestine… Il laisse la Palestine fragmentée… Il mettrait fin à la question des réfugiés palestiniens » et « mettrait fin à toute base pour un plan de paix… »
« Ce plan n’apportera ni la paix ni la stabilité à la région, et nous ne l’accepterons donc pas. Nous nous opposerons à son application sur le terrain ».
Abbas a ajouté que l’accord « renforce le régime d’apartheid ». Il « récompense l’occupation au lieu de la tenir pour responsable de tous les crimes qu’elle a perpétrés contre notre peuple et notre terre ».
Si le président palestinien peut se targuer, dans son rejet du plan de Donald Trump, d’un soutien de la Ligue arabe, de l’Organisation de la Coopération Islamique et de l’Union africaine, l’appui international présente de multiples « fissures », selon le terme employé par Jared Kushner.
Les réactions au plan ont montré souvent de la modération, l’Union européenne ne s’est pas affichée unie et dans le monde arabe, plusieurs pays ont marqué leur soutien à Washington, comme les Emirats Arabes Unis, Oman ou Barheïn.
Selon des diplomates, un vote d’une résolution palestinienne critiquant le projet américain n’aurait pas recueilli les 14 voix sur 15 qui avaient dénoncé, en décembre 2017 à l’ONU, la décision américaine unilatérale de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.
L’ambassadeur Danon a ensuite attaqué le rejet de Mahmoud Abbas, en déclarant « Si le président Abbas était sérieux dans sa volonté de négocier, il ne serait pas ici à New York, il serait à Jérusalem. Se plaindre au lieu de gouverner, c’est la façon de faire d’Abbas ».
L’ambassadeur israélien a aussi déclaré aux membres du conseil : « Les progrès vers la paix ne seront pas possibles tant que le président Abbas restera à son poste. Ce n’est que lorsqu’il se retirera qu’Israël et les Palestiniens pourront aller de l’avant. Un dirigeant qui choisit le rejet, l’incitation et la glorification du terrorisme ne pourra jamais être un véritable partenaire pour la paix ».
Il a conclu : « La paix est un aspect essentiel de notre croyance, du mode de vie juif. Nous remercions le président Trump et son équipe pour leur dévouement à la cause de la paix ».
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