Si ce n’est pas Netanyahu, alors qui pourrait changer la donne ?
Même si Esprit sioniste semble franchir le seuil, donnant potentiellement une majorité au Likud, sa position reste incertaine
Quiconque suit l’actuelle campagne électorale israélienne sera pardonné d’avoir une impression de déjà-vu.
Cela n’est pas seulement dû à la nature répétitive et insipide de la campagne jusqu’à présent, mais à quelque chose de bien plus fondamental.
Si certains partis et personnalités ont changé au cours des cinq derniers cycles, l’évolution de l’opinion publique, elle, demeure inchangée.
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Il suffit de regarder le graphique ci-dessous, qui montre les résultats des quatre derniers cycles électoraux par blocs, lesquels, ces dernières années, ont été définis non pas par une idéologie mais par « Oui Bibi, ou Non Bibi ».
Il y aura sans doute débat sur notre façon de situer les partis. Lors de la campagne d’avril 2019, par exemple, le parti Yisrael Beytenu d’Avigdor Liberman était considéré par beaucoup comme faisant partie du bloc de Netanyahu, mais il n’est finalement pas entré dans son gouvernement, et nous l’avons donc placé dans le bloc anti-Netanyahu. De l’autre côté, nous avons inclus le parti Yamina de Naftali Bennett dans le bloc pro-Bibi en 2021, sur la base de ses engagements de campagne, malgré le fait qu’il ait fini par diriger un gouvernement anti-Netanyahu.
Mais si ces classifications post-facto sont ouvertes au débat, la ligne de fond est claire. Dans trois des quatre cycles, les partis soutenant Netanyahu ont remporté entre 58 et 60 sièges – presque assez, mais pas tout à fait, pour former un gouvernement. L’exception ayant été l’élection de septembre 2019, où le bloc anti-Netanyahu a remporté beaucoup plus de sièges, mais n’a pas été en mesure de former un gouvernement.
Cet échec souligne la différence essentielle entre les deux blocs. Le bloc Netanyahu comprend aujourd’hui le Likud, le parti Sionisme religieux, les deux partis haredi et probablement le nouveau parti Esprit sioniste. Ce qui maintient la cohésion de ce bloc, c’est un semblant d’homogénéité idéologique et l’existence d’un leader incontesté.
Le bloc anti-Bibi, en revanche, présente un large éventail d’opinions qui rendent la formation d’un gouvernement cohérent presque impossible. De fait, la seule force unificatrice claire qui semble avoir étayer le gouvernement sortant était la politique supposément partagée « anti-Bibi ». Et pourtant, dans la réalité, même ceci était loin d’être vrai, car un par un, les membres de droite de la coalition ont quitté le gouvernement pour rejoindre Netanyahu.
Ce qu’il faut en retenir, c’est que la manière la plus probable – ou peut-être même la seule – dont les prochaines élections pourraient donner un résultat décisif serait une victoire de 61 sièges pour le bloc Netanyahu, ce qu’il n’a pas réussi à faire au cours des quatre dernières élections.
Les sondages montrent que, jusqu’à présent, le bloc Netanyahu est à nouveau très proche – mais juste en dessous – de 61 sièges. Le noyau dur du bloc Netanyahu (Likud, parti Sionisme religieux et partis haredi) a obtenu une moyenne de 58,8 à 60 sièges au cours des six semaines de campagne actuelle, et se situe actuellement à 59,1. Il y a donc peu d’indications que ce bloc soit plus proche des 61 sièges convoités que lors des cycles précédents.
Un nouvel esprit ?
Le grand point d’interrogation ici, est le nouveau parti qui a vu jour cette semaine, Esprit sioniste. Issu de la fusion de Yamina, désormais dirigé par Ayelet Shaked, et du parti Derech Eretz du ministre des Communications Yoaz Hendel, Esprit sioniste a gagné quatre sièges dans les deux sondages réalisés depuis l’annonce de la fusion (bien qu’aucun des deux partis n’avait dépassé le seuil dans les sondages précédents depuis des semaines). L’impact global de cette évolution a été de pousser le bloc Netanyahu au-dessus de 61 dans les deux sondages, portant sa moyenne à 60,7.
À ce stade, deux points méritent d’être soulignés concernant le nouveau parti. Premièrement, s’il tente dans une certaine mesure de se maintenir entre les blocs, il n’a pas exclu de siéger sous Netanyahu, et la plupart des observateurs pensent qu’il se joindra volontiers à un gouvernement dirigé par Netanyahu. Par conséquent, il devrait en réalité être considéré comme faisant partie du bloc Netanyahu.
Deuxièmement, comme nous l’avons noté à propos de la fusion Kakhol lavan – Tikva Hadasha, l’annonce de nouveaux partis et de fusions entraîne une vague de couverture médiatique qui tend à faire grimper les chiffres des sondages.
Cependant, cette hausse est généralement de courte durée, et l’alliance Kakhol lavan – Tikva Hadasha a déjà perdu 1,6 siège au cours des deux dernières semaines. Ainsi, un nouveau parti qui n’obtient que quatre sièges ne présage rien de bon pour ses perspectives, et nous ne devrions pas être surpris de le voir repasser en dessous du seuil électoral dans les semaines à venir.
Tout cela signifie que les perspectives de Netanyahu ne tiennent qu’à un fil. Comme il est peu probable que l’opinion publique change radicalement au cours des 13 prochaines semaines, pour que Netanyahu parvienne enfin à 61 sièges, il faudra, selon toute probabilité, qu’au moins l’un des partis Meretz ou Raam ne franchisse pas le seuil ; qu’Esprit sioniste franchisse le seuil ; ou qu’il y ait une participation massive de la droite (ou une participation très faible de la gauche ou du secteur arabe).
Possible ? Certainement. Probable ? Cela dépend à qui vous le demandez.
Le compte n’est pas bon
Et si, une fois de plus, le bloc Netanyahu ne parvient pas à atteindre 61 sièges, alors que va-t-il se passer ?
Le gouvernement actuel est évalué à 54,9 sièges selon notre moyenne (53,3 si nous supposons qu’Esprit sioniste se situe désormais dans l’autre camp), loin des 61 sièges requis. Même s’il parvenait à atteindre 61 sièges, les divergences de vues au sein du bloc rendraient à nouveau la formation – et le maintien – d’un gouvernement extrêmement difficile.
L’intégration de la Liste arabe unie, qui regroupe des partis essentiellement arabes (avec une moyenne de 6 sièges actuellement), au gouvernement a également été exclue par la plupart des acteurs clés, ce qui la voue à l’échec.
L’espoir du Premier ministre Yair Lapid est que si Netanyahu ne parvient pas, une fois de plus, à atteindre 61 sièges, les partis haredi – Shas et Yahadout HaTorah – rejoindront cette fois-ci sa coalition. Cet espoir repose sur plusieurs facteurs. Les haredim n’ont pas apprécié leur passage dans l’opposition ; ils ont besoin des budgets qui découlent d’un parti de coalition. Et surtout, les partis haredi ont évoqué la possibilité de soutenir un autre candidat au poste de Premier ministre si Netanyahu échouait.
Le problème pour Lapid est qu’il a toujours été considéré comme pas moins que diabolique par la communauté haredi, et les partis haredi ont toujours exclu de rejoindre un gouvernement qu’il dirigerait.
La personne qu’ils n’ont pas exclue comme partenaire alternatif potentiel est, par contre, le ministre de la Défense Benny Gantz. Ce dernier a en effet compris qu’il était plus acceptable pour les haredim que Lapid, et c’est sur cette conviction que repose l’espoir de Gantz de devenir Premier ministre, bien qu’il soit presque certain que son parti Kakhol lavan – Tikva Hadasha obtiendra moins de sièges que Lapid.
Le problème de ce scénario est qu’une fois de plus, les chiffres ne concordent probablement pas.
Liberman a expressément exclu de siéger dans un gouvernement avec les haredim, et une coalition Kakhol lavan-Yesh Atid-Haredi n’atteint que 49,4 sièges dans notre moyenne actuelle. Si l’on ajoute les travaillistes et Meretz (ce qui n’est certainement pas garanti), on arrive à 58,6 sièges, ce qui signifie qu’il faudra à nouveau compter sur le soutien de Raam comme voix décisive, ce que Gantz a déclaré ne pas vouloir faire.
Par conséquent, même si Shas et Yahadout HaTorah étaient ouverts à l’idée de rejoindre un gouvernement centriste dirigé par Gantz (ce qui est en soi discutable), le nombre de sièges pourrait bien ne pas être suffisant.
Il est évident que les partis haredi préféreraient un remake du gouvernement d’unité et de rotation de 2020 entre le Likud et le Kakhol lavan, mais avec Gantz en tête de la rotation. Seulement, c’est une idée que Gantz a catégoriquement rejetée, lors d’entretiens avec les médias cette semaine.
Et c’est là que réside le nœud du problème. Nous parlons ici de sondages et d’opinion publique, et nous partons du principe que ce sont les électeurs qui déterminent les élections. Mais l’opinion publique a été extrêmement stable au cours des trois dernières années et demie, ne donnant aucun mandat à l’un ou l’autre de ces résultats.
Si le bloc Netanyahu parvient à se frayer un chemin jusqu’à 61 sièges, la question pourrait être réglée, du moins provisoirement. Mais si cela ne se produit pas, il ne reste que deux possibilités.
La première est qu’un ou plusieurs chefs de parti manquent à leur parole envers leurs électeurs et forment un gouvernement qu’ils se sont engagés à ne pas former. C’est ce qui s’est passé après les troisième et quatrième élections, qui ont au moins conduit à la formation de gouvernements, même si ce ne fut que brièvement. On pourrait alors imaginer Benny Gantz se retrouvant à nouveau avec Netanyahu. Ou peut-être Liberman avec les Haredim. Ou peut-être même les partis haredim commettre l’impensable et rejoindre un gouvernement dirigé par Lapid.
L’autre scénario… un sixième cycle électoral en 2023.
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Simon Davies et Joshua Hantman sont associés chez Number 10 Strategies, un cabinet international de conseil en stratégie, recherche et communication, qui a réalisé des sondages et mené des campagnes pour des présidents, des premiers ministres, des partis politiques et de grandes entreprises dans des dizaines de pays sur quatre continents.
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