Sondage : Haï par les Juifs, le parti extrémiste allemand de l’AfD adorerait israël
Les candidats de la formation populiste, décriée pour son antisémitisme, professe largement des positionnements pro-israéliens, selon une étude, mais l'enseignement de la Shoah ne fait pas l'unanimité
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Les Juifs haïssent l’Alternative pour l’Allemagne mais ce parti aime les Juifs – ou tout du moins Israël, selon un nouveau sondage.
La communauté juive a très largement dénoncé la victoire aux élections allemandes de dimanche du parti d’extrême-droite connu sous le nom d’AfD et qui a réuni environ 13 % des votes lors du scrutin national qui a eu lieu dans la journée, ce qui en fait dorénavant la troisième faction la plus importante du pays au sein du Parlement.
Et pourtant, le parti décrié pour ses points de vue antisémites et xénophobes qui évoquent les nazis, serait un fervent partisan d’Israël. L’AfD, comme un certain nombre de formations populistes de droite en Europe, tente de faire cause commune avec le positionnement dur adopté par l’Etat juif envers le terrorisme, et se targue d’incarner également un soi-disant rempart contre l’extrémisme islamique.
La majorité des Juifs allemands rejettent l’AfD, considérant le mouvement comme antisémite, soulignant son agenda anti-immigration et anti-musulman et affirmant que quiconque prend pour cible les musulmans et d’autres minorités viendra, tôt ou tard, nuire aux liberté religieuses des Juifs.
« Il est détestable que le parti de l’AfD, un groupement réactionnaire honteux qui rappelle le pire du passé de l’Allemagne et qui devrait être mis hors la loi, ait dorénavant la capacité de faire la promotion de sa plate-forme infâme au sein du Parlement allemand », a déclaré le président du Congrès juif mondial, Ronald S. Lauder.
« Ce résultat est un cauchemar qui devient réalité », a commenté pour sa part Charlotte Knobloch, présidente de la communauté juive de Munich et ancienne présidente du Conseil central des Juifs d’Allemagne.
« Avec l’AfD, l’exclusion, l’essentialisme, l’agression, le mépris de l’humanité, les théories de la conspiration, le nationalisme völkisch, le néo-nazisme, les violations constitutionnelles, le déni de l’Holocauste, l’antisémitisme, le racisme, l’anti-religion, l’hostilité envers les médias et l’Europe, le révisionnisme et le relativisme historique entrent au Bundestag et dans ses instances nationales et internationales », a-t-elle mis en garde.
Des déclarations faites par de hauts-responsables de l’AfD ont laissé indiquer une volonté de changer la posture de culpabilité de l’Allemagne en ce qui concerne l’Holocauste. Elles ont aussi fait montre d’une admiration pour les soldats de la Wehrmacht durant la Deuxième guerre mondiale. Malgré des efforts intenses, la formation n’a jamais été en mesure de se débarrasser de cette impression, à savoir qu’elle était devenue une plate-forme pour antisémites, racistes et autres xénophobes.
Mais comme de nombreux partis d’extrême-droite en Europe et ailleurs, l’AfD se présente comme un partisan fervent d’Israël.
Selon un important sondage commandé par un groupe qui promeut les relations entre l’Allemagne et l’Etat juif, la majorité des politiciens au sein de l’AfD disent se préoccuper profondément de la sécurité d’Israël et soutenir la demande du Premier ministre Benjamin Netanyahu de la reconnaissance d’Israël par les Palestiniens en tant qu’Etat juif. Ils affirment également rejeter la reconnaissance unilatérale d’un état palestinien et soutiennent généralement une relation plus forte entre Jérusalem et Berlin.
Presque 90 % des membres de l’AfD qui ont été interrogés soutiennent « totalement » ou « un peu » le principe de la chancelière Angela Merkel selon lequel « la sécurité d’Israël est la raison d’être de l’Allemagne ». Deux sondés ont indiqué s’opposer à cette déclaration et deux ont dit être « sans opinion ».
Un quart des personnes interrogées est déjà allé en Israël.
Plus de la moitié des représentants de l’AfD ont indiqué être « totalement d’accord » avec la déclaration affirmant
l’antisémitisme du mouvement BDS (Boycott, Divestment and Sanctions) anti-israélien. Aucun autre parti n’a adopté une opposition aussi forte envers le BDS.
77 % des personnes interrogées ont estimé être d’accord avec la déclaration selon laquelle l’anti-sionisme est une forme d’antisémitisme, tandis que 23 % ont noté n’être pas d’accord.
« Critiquer l’état d’Israël et le comportement sioniste n’est pas de l’antisémitisme », a estimé un politicien de l’AfD en commentaire de sa réponse.
Environ 88 % des sondés ont déclaré que le 70e anniversaire d’Israël, prévu l’an prochain, serait une opportunité de réjouissance pour les Allemands, contre 4 % qui n’ont pas souscrit à cette déclaration (En comparaison, chez les sociaux démocrates de Martin Schulz — qui sont arrivés deuxième aux élections nationales – 11 % des sondés ont estimé que l’anniversaire d’Israël n’était pas un motif de fête).
« Les relations entre l’Allemagne et Israël sont spéciales, pas seulement en raison de l’histoire mais également parce qu’Israël est la seule démocratie qui fonctionne vraiment dans la région », a déclaré un membre de l’AfD sondé. « Israël est la seule démocratie au Moyen Orient, au niveau politique et d’un point de vue chrétien », a expliqué un autre.
Une large majorité des candidats de l’AfD interrogés (86 %) a dit également soutenir les exportations d’armes allemandes à destination d’Israël.
« Alors que l’Allemagne donne des armes aux régimes islamiques, comme la Turquie ou l’Arabie saoudite, il n’y a pas de raison qu’Israël, état démocratique et pro-occidental, soit exclu des accords d’armement », a estimé Beatrix von Storch, vice porte-parole de la formation.
Le ministère israélien des Affaires étrangères et le bureau du Premier ministre ont gardé le silence, dimanche soir, face à la percée historique de l’AfD aux élections allemandes. Le bureau de Netanyahu a toutefois félicité Merkel, la qualifiant de « véritable amie d’Israël » dans un tweet.
Congratulations to Angela #Merkel , a true friend of Israel, on her re-election as Chancellor of Germany.
— Prime Minister of Israel (@IsraeliPM) September 24, 2017
Jérusalem entretient une relation compliquée avec les partis européens d’extrême droite, qui prospèrent sur le sentiment anti-musulman mais épousent avec enthousiasme la cause de l’Etat juif.
Le parlementaire Nachman Shai, législateur de l’opposition à la tête du groupe d’amitié parlementaire Israël-Allemagne, a déclaré que si les élections démocratiques allemandes devaient être respectées, elles représentaient en même temps un « grand signal d’avertissement » pour Israël et le peuple juif.
« La hausse de l’extrême-droite en Allemagne indique des états d’esprit dangereux qui se renforcent actuellement », a-t-il dit. « La xénophobie, le racisme et l’extrémisme ont conquis une portion significative de l’opinion publique allemande et cela prouve que les strates démocratiques sont fragiles et vulnérables ».
« Deux tiers des candidats de l’AfD ne pensent pas que les implantations sont le principal obstacle à la paix »
Trois quarts des politiciens sondés de l’AfD ne veulent pas que l’Allemagne reconnaisse l’état de Palestine avant la signature d’un accord de paix avec Israël tandis que 11 % ont tendance à favoriser une reconnaissance unilatérale (En comparaison, 77 % des Verts et 28 % des sociaux démocrates soutiennent une reconnaissance unilatérale).
Tous les candidats de l’AfD ont déclaré que l’Allemagne devrait utiliser l’aide financière accordée aux Palestiniens pour les obliger à mettre un terme aux incitations et à la glorification du terrorisme.
Deux tiers des candidats de l’AfD ne pensent pas que les implantations en Cisjordanie soient le principal obstacle à la paix israélo-palestinienne, contre 19 % d’opinions contraires. Deux tiers également affirment qu’ils sont « totalement » en désaccord avec la décision prise par l’Union européenne d’étiqueter les produits israéliens fabriqués dans les implantations et aucun d’entre eux n’a soutenu ouvertement cette démarche (21 % sont »plutôt en désaccord » avec cette politique et 12 % sont « sans opinion ».)
69 % sont « absolument » d’accord avec la déclaration selon laquelle un traité de paix global devra inclure la reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat juif. Seulement 3 % se disent « complètement » en désaccord.
« La reconnaissance du droit à l’existence d’Israël est la condition préalable à toute solution pacifique à apporter au conflit israélo-palestinien. Et cela comprend absolument la reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat juif », a déclaré von Storch. « Comme n’importe quelle autre nation, Israël a le droit de protéger ses citoyens, de sécuriser ses frontières et de sauvegarder son identité culturelle ».
Lorsqu’on en vient à l’enseignement de l’Holocauste, toutefois, l’AfD n’offre pas le même visage. Tandis que 100 % des personnes interrogées des partis du centre-gauche, du centre-droit et des Verts disent « totalement » soutenir l’enseignement de la Shoah aux jeunes générations, à l’AfD, 38 % « sont plutôt » d’accord et 6 % « sont plutôt » en désaccord.