Tricoter des « écharpes d’amour » pour les otages
Trois femmes de Raanana ont lancé un appel aux tricoteuses et crocheteuses sur les réseaux sociaux pour confectionner des vêtements aux otages du Hamas – la réponse a été immédiate
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Dans les semaines qui ont suivi les attaques terroristes meurtrières du Hamas du 7 octobre, Katy Gerstler, professeure de crochet à Raanana, et ses amis, Saven Hilkowitz et Shawna Goodman Sone, ont commencé à coudre des écharpes pour les otages enlevés à Gaza, avec l’idée d’en tricoter une pour chaque otage et de les leur offrir à leur retour.
Leur projet, qui s’appelle Écharpes de l’amour et qui a commencé comme une manière de s’occuper à la fois la tête et les mains, est devenu une sorte de projet international.
Les trois premières tricoteuses viennent chacune d’un pays différent : Gerstler d’Angleterre, Hilkowitz d’Afrique du Sud et Goodman Sone du Canada.
En parlant de leur initiative sur les réseaux sociaux, elles ont suscité d’autres vocations pour tricoter ou crocheter une écharpe pour un otage. La réponse ne s’est pas fait attendre.
« Nous étions loin d’imaginer un tel engouement », confie Hilkowitz.
Les personnes qui ont contacté les Écharpes de l’amour se sont vu attribuer le nom d’un otage pour qui tricoter ou crocheter une écharpe, sauf lorsqu’elles avaient déjà un nom en tête.
« En tricotant, on pense à ces otages », explique Hilkowitz.
« Cela nous donne l’impression de mieux les connaître », ajoute Hilkowitz, qui a tricoté l’une de ses écharpes pour Ella Elyakim, huit ans, qui a été libérée. « On voit des visages sur des affiches, mais quand on tricote pour eux, on se demande si cette petite fille aime le rose ou le vert. Est-ce qu’elle est sportive ou intéressée par d’autres choses ? »
En décembre, l’équipe a reçu des dizaines d’écharpes tricotées main – il y en a 140 aujourd’hui – et les trois femmes emballent avec soin chacune de ces écharpes en y ajoutant une petite note personnelle de la personne qui l’a tricotée.
« Ce sont des mots très personnels, bien loin de ce à quoi nous nous attendions quand nous avons commencé », confie Goodman Sone. « Nous étions loin d’imaginer que cela inspirerait autant de personnes et apaiserait quelque part le sentiment d’impuissance et d’éloignement. »
Elles n’avaient pas davantage envisagé la logistique du projet ou la façon de faire parvenir les écharpes aux familles ou aux ex-otages.
Goodman Sone, qui a fondé le programme Summer Camps Israël, travaillait à l’époque sur une retraite de camp d’hiver pour les adolescents évacués du sud et du nord. Par l’intermédiaire de l’un de ses partenaires, l’Agence juive pour Israël, elle a pu entrer en contact avec le Forum des otages et des familles disparues, et s’est organisée pour apporter les écharpes dans une tente installée sur la place des otages, à Tel Aviv.
Un de ses amis, lié à la communauté bédouine, a apporté les écharpes tricotées pour les quatre otages bédouins – dont deux ont été libérés fin novembre – dans leur ville natale de Rahat.
« Toute cette affaire nous a reliés à la cause et à la réalité de la situation », explique Goodman Sone. « La question est d’intérêt commun, au service de la société. C’est mieux que de ne rien faire ou de rester sur son téléphone. »
Le projet a également une composante émotionnelle, en particulier pour les écharpes destinées aux otages toujours en captivité ou à ceux qui ont été tués.
« Une femme a tricoté l’écharpe d’un homme assassiné. Elle était en larmes au moment de la tricoter : elle nous a demandé de changer de bénéficiaire », explique Hilkowitz.
C’est devenu un vrai sujet, concède Goodman Sone, savoir s’il fallait réutiliser l’écharpe, alors même que la tricoteuse avait pensé à cette personne en travaillant.
« Nous avons remis ces écharpes entre de bonnes mains », conclut Hilkowitz.
« C’est un travail sacré. »