Un groupe de rabbins orthodoxes européens trouve un foyer à Munich
Après avoir quitté le Royaume-Uni post-Brexit, la Conférence des rabbins européens devient le premier grand groupe juif international à avoir son siège en Allemagne depuis la Shoah
MUNICH, Allemagne – Lorsqu’elle est sortie de la clandestinité en 1945, Charlotte Knobloch a trouvé une ville où « peu de gens pouvaient imaginer qu’une personne juive souhaiterait vivre », a-t-elle rappelé dans un discours prononcé mardi.
Son allocution a eu lieu à l’occasion de l’inauguration à Munich du nouveau siège de la Conférence des rabbins européens (CER), un groupe influent, qui a transféré son siège de Londres à Munich.
« Le cœur du judaïsme européen bat désormais en Bavière », a déclaré Knobloch, présidente de la communauté juive de Munich, la deuxième d’Allemagne, qui, à 90 ans, est la seule survivante de la Shoah à la tête d’une grande communauté juive.
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Le déménagement du siège de la CER s’accompagne d’un financement gouvernemental de base de 1,6 million de dollars pour le groupe juif, ce qui souligne à quel point l’Allemagne est devenue accueillante pour les Juifs et les groupes juifs. Il offre également à la CER la possibilité d’intensifier ses activités, ce qui pourrait lui donner de nouvelles ressources dans sa concurrence avec le mouvement Habad Loubavitch.
Ce déménagement « est un symbole d’espoir et un message à toutes les forces obscures qui menacent le peuple juif », a déclaré Pinchas Goldschmidt, le président de la CER, né à Zurich, dans un discours prononcé avant d’apposer une mezouza sur le chambranle de la porte de leurs nouveaux bureaux.
« Munich, ville à l’histoire tragique, présente aujourd’hui une vie juive florissante. Ce développement est la preuve que l’antisémitisme ne gagnera pas », a-t-il déclaré lors de l’inauguration du nouveau siège, dont le nom officiel est le Centre pour la vie juive et qui est situé dans un bâtiment appartenant à l’association DEHOGA de l’industrie bavaroise de l’hôtellerie et de la restauration.
Florian Herrmann, chef de la Chancellerie de l’État de Bavière et ministre d’État pour les affaires fédérales, a qualifié le déménagement de la CER de « cadeau profondément émouvant et symbolique », affirmant que c’était la première fois depuis la Shoah qu’un groupe juif international établissait son siège en Allemagne.
Knobloch, qui est régulièrement accompagnée de gardes du corps en raison des menaces de mort répétées dont elle fait l’objet de la part d’activistes d’extrême-droite, a déclaré que l’importance de l’événement réside également dans le fait que « la haine des Juifs augmente en Allemagne, en particulier de la part des partis antisémites, et je veux dire du parti AfD en particulier ».
L’AfD est un parti d’extrême-droite qui s’oppose à l’immigration, notamment musulmane. Il nie tolérer l’antisémitisme, mais certains de ses membres ont été impliqués dans des manifestations de haine des Juifs. Le président honoraire du parti, Alexander Gauland, avait déclaré en 2017 que les Allemands ne devraient pas être « tenus pour responsables » du nazisme. Le parti, créé il y a dix ans, obtenait dernièrement entre 18 % et 20 % dans les sondages nationaux.
Sa montée en puissance coïncide avec la prolifération des agressions antisémites commises à la fois par des activistes d’extrême-droite et des personnes issues de l’immigration en provenance de pays musulmans, qui ciblent généralement les Juifs en lien avec Israël. Un organisme allemand de surveillance de l’antisémitisme a recensé 2 480 incidents dans tout le pays en 2022, ce qui représente une baisse de 9 % par rapport aux statistiques de 2021, qui était une année record en termes d’incidents antisémites enregistrés.
« L’élément symbolique est palpable », a déclaré Gady Gronich, PDG de la CER, au Times of Israel lors de l’inauguration des nouveaux bureaux dans le centre de Munich, la capitale de la Bavière. Cette ville et cet État sont souvent considérés comme le berceau du nazisme.
Il y a également des implications pratiques pour le groupe de Gronich, qui est orthodoxe et largement considéré comme le principal rival de la présence robuste en Europe du mouvement Habad Loubavitch.
Gronich a refusé d’évoquer cette rivalité de longue date, qui est rarement discutée en public avec les journalistes. « Nous sommes désormais en mesure de stimuler les activités des rabbins et des communautés, et nous allons le faire. Je ne veux pas entrer dans toutes sortes de conflits », a-t-il déclaré. Son organisation a embauché six nouveaux employés et prévoit une augmentation importante de ses activités en 2024, a-t-il ajouté.
La CER, qui compte des dizaines de rabbins délégués dans les pays du continent et au-delà, fait pression sur les gouvernements et les groupes internationaux pour défendre les intérêts des Juifs orthodoxes, par exemple en luttant contre les tentatives d’interdiction de la Brit mila – ou circoncision – suivant la halakha – ou loi juive orthodoxe. En interne, elle certifie les mohalim – les personnes exécutant la brit mila selon la tradition juive -, promeut des mécanismes européens pour punir les maris qui refusent de donner le guet – ou certificat de divorce religieux – à leur femme, et forme de jeunes rabbins et leurs épouses pour diriger des communautés, grandes et petites, entre autres activités.
Au début des années 2000, la CER a été impliquée dans un conflit médiatisé avec le Centre rabbinique d’Europe, un groupe affilié à Habad fondé en 2000, dont le nom même, selon les critiques, faisait partie d’une tentative de Habad de supplanter la vieille garde du leadership juif européen, dont les origines étaient les survivants de la Shoah.
Selon Gronich, le nouveau financement du gouvernement soulagera certaines des difficultés rencontrées par les Juifs ukrainiens et russes, dont des dizaines de milliers ont quitté les deux pays après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Il contribuera également à former davantage de jeunes rabbins à des postes de direction qui stimuleront la vie juive non seulement dans des endroits comme Munich, où vivent environ 10 000 Juifs, mais aussi dans des communautés éloignées. Une cinquantaine de rabbins formés par la CER travaillent actuellement dans des communautés à travers l’Europe.
Aucun ne l’a fait avec plus de dévouement, selon Gronisch, que Shimon Kutnovsky-Liak, le rabbin de Jurmala né en Israël, une petite ville de Lettonie qui est une destination de vacances privilégiée pour les Juifs russophones. « Ce financement signifie plus de rabbins Shimon, plus de contacts, plus de vie juive », a-t-il ajouté.
Cette décision s’explique en partie par le fait que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne (UE) en 2020. Il était « plus pratique » pour la CER, qui fait régulièrement pression sur les responsables de l’UE pour pouvoir installer son siège dans un grand pays membre, a déclaré Gronich. L’accueil et le soutien du gouvernement bavarois ont scellé l’accord.
« Une partie de la décision est due au fait que le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’Union européenne », a déclaré Gadi Gronich au Times of Israel. « La générosité du gouvernement bavarois a également joué un rôle dans la décision. C’est la combinaison de ces facteurs ».
En Bavière, la Conférence des rabbins européens « est désormais officiellement inscrite au budget annuel, ce qui est une première en Allemagne », a déclaré Gronich.
Cela n’a pas été facile. Lui et son équipe ont travaillé sur le financement ces 18 derniers mois et, à l’approche de la date butoir, ils ont travaillé jour et nuit pour répondre aux exigences strictes du gouvernement bavarois en matière de financement.
Le gouvernement fédéral allemand et ses États fédérés offrent souvent un financement aux groupes religieux, y compris musulmans et chrétiens, mais le financement de base d’un groupe religieux est inhabituel et sans précédent en Bavière, le deuxième État allemand en termes de population, qui compte quelque 13 millions d’habitants.
Herrmann, ministre de l’État de Bavière, a évoqué, dans un discours d’une émotion inhabituelle, le rôle central joué par certains cercles de la société allemande et bavaroise dans la prise en charge de la responsabilité de la Shoah.
« Nous tenons notre promesse de protéger la vie juive en Bavière. ‘Jamais plus’ est notre raison d’être et un mandat éternel pour tous les acteurs de la politique et de la société », a-t-il déclaré. « La décision concernant la Conférence des rabbins européens est la confirmation que nous avons été à la hauteur de notre tâche et les mots ne suffisent pas à décrire à quel point je suis heureux que cela se soit produit. »
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