Allemagne : L’antisémitisme reste répandu ; crainte de la montée de l’extrême droite
Les données de 2022 montrent une diminution des incidents, mais une hausse des attaques violentes ; les Pays-Bas enregistrent aussi une baisse des cas
AMSTERDAM – Un organisme allemand de surveillance de l’antisémitisme a documenté 2 480 incidents à l’échelle nationale en 2022, soit une baisse de 9 % par rapport aux statistiques de 2021.
Parallèlement, les professionnels de la communauté juive des Pays-Bas ont enregistré une baisse de 15 % des incidents antisémites en 2022 par rapport à l’année précédente, soit 155 incidents l’an dernier.
La Federal Association of Research and Information Centers on Antisemitism [Association fédérale allemande des centres de recherche et d’information sur l’antisémitisme] (RIAS) a écrit dans un communiqué sur son rapport annuel publié mardi : « Cela représente près de sept incidents par jour. L’antisémitisme en Allemagne reste à un niveau élevé ».
Malgré cette baisse, ce chiffre correspond à une augmentation de 26 % par rapport aux statistiques de 2020, écrit le RIAS.
Une tendance similaire émerge du rapport publié lundi par le CIDI, l’organisation de surveillance de la communauté juive néerlandaise. Les statistiques de 2022 du CIDI, le Centre d’information et de documentation sur Israël, sont supérieures de 14 % à celles de 2020.
Les données de 2021 dans les deux pays reflètent un pic d’activités antisémites pendant les combats entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas dans la bande de Gaza cette année-là.
Les incidents enregistrés en Allemagne en 2022 comprenaient neuf cas d’extrême violence, contre six en 2021. Aux Pays-Bas, le CIDI a enregistré trois incidents violents en 2022, soit autant qu’en 2021.
Un des cas d’extrême violence en Allemagne concerne une fusillade survenue en novembre au domicile d’un rabbin dans l’ancienne synagogue d’Essen. Des impacts de balles ont été constatés sur les fenêtres de la résidence.
Aux Pays-Bas, les incidents incluent une bagarre qui a éclaté sur la place du Dam à Amsterdam, un monument aux victimes de la Seconde Guerre mondiale. Des Juifs qui y célébraient Pourim ont été agressés par un groupe de jeunes, dont l’un a été arrêté par la police, écrit le CIDI. Le rapport ne précise pas les motivations idéologiques des agresseurs.
Environ trois quarts de l’ensemble des incidents survenus en Allemagne l’année dernière relevaient de ce que le RIAS appelle un « comportement abusif », c’est-à-dire des insultes antisémites lancées en public ou l’inscription de graffitis antisémites. Le groupe, qui est financé par le gouvernement allemand, a également enregistré 56 agressions, contre 63 en 2021, 186 cas de dommages matériels ciblés et 72 menaces. Le RIAS a enregistré 426 rassemblements antisémites en 2022, contre 449 l’année précédente.
Dans un peu plus de la moitié des incidents, le RIAS n’a pas pu établir un motif idéologique. Dans les incidents où un motif idéologique a pu être déterminé, les conspirationnistes représentent 21 %, les extrémistes de droite ou les populistes 13 % et les activistes anti-israéliens 7 %. Les islamistes ne sont responsables que de 1 % des incidents pour lesquels un motif idéologique a pu être déterminé.
Selon Ariel Muzicant, président du Congrès juif européen, cette répartition ne reflète pas nécessairement la distribution des auteurs dans la vie réelle.
« Il y a une agitation antisémite considérable dans les cercles d’extrême droite en Allemagne, et vous avez certains néo-nazis isolés qui pourraient perpétrer une attaque contre une synagogue ou tabasser un rabbin dans la rue », a déclaré Muzicant au Times of Israel. « Mais la force motrice de l’antisémitisme meurtrier et dangereux en Europe aujourd’hui est musulmane ».
Les personnes d’origine musulmane en Europe occidentale sont responsables d’environ 70 % des agressions physiques contre les Juifs en Europe occidentale aujourd’hui, a-t-il déclaré, ajoutant que la propagande iranienne est « un facteur important, qui incite les agresseurs à agir ».
Le rapport du RIAS a été publié peu après une victoire symbolique de l’extrême droite allemande. Dimanche, le parti populiste néo-nazi AfD a remporté pour la première fois l’élection d’un conseil de collectivité territoriale à Sonneberg, une zone rurale située dans l’est de l’Allemagne.
Le parti AfD affiche un taux de popularité d’environ 19 à 20 % à l’échelle nationale, soit environ huit points de plus que ses gains aux élections législatives de 2021, au cours desquelles il s’est hissé à la troisième place au Parlement. Le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz avait obtenu 20 % des voix lors de ces élections, derrière le parti de centre-droit de l’ancienne chancelière Angela Merkel.
Dimanche, Josef Schuster, le président du Conseil central des Juifs en Allemagne, a déclaré que les élections régionales de Sonneberg constituaient « un tournant que les forces politiques démocratiques de ce pays ne peuvent tout simplement pas accepter ».
Le Comité international pour la commémoration d’Auschwitz a qualifié ces élections de « triste jour pour le district de Sonneberg, pour l’Allemagne et pour la démocratie ».
« Une majorité d’électeurs a manifestement dit adieu à la démocratie et a délibérément opté pour un parti d’extrême droite destructeur dominé par un nazi », a déclaré le vice-président exécutif du comité, Christoph Heubner, faisant référence à Björn Höcke, un dirigeant régional de l’AfD qui est communément reconnu comme un extrémiste, même au sein du parti.
Höcke, qui dans un discours de 2017 a déclaré qu’il souhaitait voir un « changement à 180 degrés » dans la façon dont l’Allemagne commémore l’Holocauste, a nié être pro-nazi. Le Troisième Reich n’a « aucune relation avec notre programme », a-t-il déclaré.
Aux Pays-Bas, les partis politiques qui ont été accusés d’antisémitisme ou de xénophobie sont également une force importante, et représentaient au total 15 % de l’électorat lors des élections législatives de 2021.