Un mois après la mort de son fils à Gaza, un père monte une pièce sur le 7 octobre
Hagay Lober, rabbin et acteur, espère apporter un peu de réconfort avec un spectacle sur le deuil mis en scène par sa compagnie de théâtre Aspaklaria à Jérusalem
Alors que Hagay Lober et sa famille marquent les trente jours de la mort de son fils, le sergent-chef de réserve Elisha Yehonatan Lober, tué au combat à Gaza, l’acteur et rabbin présente son spectacle solo, qui, il l’espère, l’aidera à surmonter sa perte et apportera du réconfort à d’autres personnes affectées par la guerre.
Le « 7 octobre » est une adaptation d’un one-man-show que Lober avait écrit pour sa compagnie de théâtre Aspaklaria il y a 20 ans. Il raconte l’histoire de Nadav, qui tente de reprendre sa vie en main et d’élever seul ses trois enfants après avoir perdu sa femme, Orly, dans un attentat terroriste.
Au lendemain du déclenchement de la guerre le 7 octobre, après l’assaut meurtrier des terroristes du Hamas contre les communautés israéliennes situées à la frontière de Gaza, au cours duquel ils ont tué près de 1 200 personnes, commis des atrocités et pris 253 otages qu’ils ont emmenés dans la bande de Gaza, Lober a décidé de ressortir cette pièce pour la jouer.
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Il avait prévu de faire quelques modifications au manuscrit, pour raconter les histoires de ceux qui ont perdu leurs proches au cours de ces événements choquants et traumatisants.
Le 8 octobre, le sixième de ses neuf enfants, qu’il appelait Yehonatan, son deuxième nom, a été mobilisé pour rejoindre son service de réserve.
« J’avais prévu de présenter la pièce le 7 janvier, trois mois après le 7 octobre », a expliqué Lober. « Yehonatan était à Gaza. Il savait que je travaillais sur cette pièce ».
Yehonatan a été tué au combat le 25 décembre,
Il a laissé derrière lui sa femme, Aviya Lober, qui est enceinte, et leur fils de 10 mois.
« J’ai dit à mon équipe que je ne jouerai pas la pièce. Je n’avais pas la force de le faire », a confié Lober.
Mais pendant la shiva, les sept jours de deuil, il a réalisé que d’autres personnes avaient aussi besoin d’être consolées et il a décidé de revenir à son projet.
Hagay Lober jouera « 7 octobre » le jeudi 25 janvier, pour marquer les 30 jours de la mort de Yehonatan, puis les 27 et 28 janvier, au théâtre Gerard Behar de Jérusalem.
Cette pièce d’une heure est un monologue d’un père en deuil « qui décide de vivre avec son deuil », explique Lober.
Dans un décor simple composé d’une table à repasser et d’un ensemble de chaises pour enfants d’âge préscolaire, le père repasse la robe d’une petite fille, s’affole du retard d’une autre de ses filles, qui a pris le bus, et assiste à une réunion parents-professeurs. Et il fait tout cela seul, comme tout parent veuf.
Par un triste concours de circonstances, on entend la voix de Yehonatan Lober, lorsqu’il avait cinq ans, résonner pendant une partie de la pièce. Lober l’avait enregistré lorsqu’il a écrit la pièce il y a 20 ans.
« C’est très, très difficile pour moi », dit Lober en parlant des répétitions. « Parfois, on pleure, parfois on est triste. Ce n’est pas difficile en tant qu’acteur, parce que je suis sur scène et que l’histoire est différente de la mienne. Mais en tant que personne, en tant qu’être humain, c’est difficile. Et pourtant, je veux réconforter les autres ».
En 1995, Lober était étudiant en théologie quand il s’est inscrit à un cours de théâtre pour hommes avec l’acteur Shuli Rand à l’école de cinéma Maaleh de Jérusalem. Il n’y est resté que trois ans, le temps d’obtenir son ordination rabbinique, mais, depuis, c’est le théâtre qui guide sa vie.
Lober fait partie du mouvement des Kippot shrougot [kippot tricotées] et vit dans l’implantation de Beit El en Cisjordanie. En 1998, il a fondé le théâtre Aspaklaria (« miroir » en araméen) afin d’offrir des opportunités professionnelles aux acteurs qui recherchent des productions non-mixtes et respectueuses de la religion. Le théâtre s’est ensuite agrandi pour inclure une école d’art dramatique.
Parler de son fils en public lui fait du bien. Un samedi soir, juste après la fin de la shiva de Yehonatan, il a pris la parole lors d’un rassemblement sur la place des Otages.
Lors du rassemblement, Yehonatan Lober a décrit son fils comme quelqu’un « qui avait de longues moustaches et une barbe et qui était plus un rêveur qu’un combattant ». Il a ajouté : « Il est allé avec votre courage récupérer les otages. C’est ce qui lui a donné sa force ».
Le frère de Yehonatan, un réserviste lui aussi, avait également pris la parole, soulignant les différences religieuses qui existaient entre lui et son frère et qui, selon lui, reflétaient les différences entre les réservistes dont les opinions politiques divergeaient mais qui, aujourd’hui, connaissent un grand élan de solidarité « qui s’étend à tous les coins du pays ».
Lober a déclaré : « Nous continuerons à nous battre, mais en gardant à l’esprit que nous sommes frères et que nous faisons partie de la même équipe ».
Leur père, Hagay Lober, a indiqué que le montage de la pièce s’est révélé être un défi pour toutes les personnes impliquées, mais aussi un objectif à atteindre.
« Il ne s’agit pas seulement de mon épreuve, mais aussi de celle du personnel et de ma famille », a expliqué Lober, ajoutant que sa belle-fille ne viendrait pas, ni plusieurs autres membres de sa famille. « Pour certaines personnes, c’est difficile, et c’est compréhensible. »
En ce moment, son travail est une source de réconfort. Il prévoit de faire trois autres représentations, même s’il sait qu’il n’aura peut-être pas l’énergie et la force de le faire.
« Nous faisons un travail sur nous-mêmes pour avoir l’énergie de continuer, de grandir, de rire et de travailler, et je suis sûr que nous aurons des hauts et des bas, et parfois aucune envie [de faire quoi que ce soit]. Mais lorsque vous savez où vous allez et quel est votre objectif, c’est plus facile », a-t-il affirmé.
Son fils était sur le point d’entamer des études pour devenir éducateur, après avoir travaillé avec des enfants dans sa communauté.
Cela fait près d’un an que la famille élargie de Lober est en deuil, depuis que Hillel et Yagel Yaniv, les cousins germains de Yehonatan, ont été abattus alors qu’ils circulaient en voiture dans la ville de Huwara, en Cisjordanie, au mois de février.
Leur mort a déclenché des représailles des habitants d’implantations juives extrémistes. À l’époque, la famille avait appelé à une journée d’unité, un appel qu’elle a réitéré à l’occasion de la mort de Yehonatan.
« Nous demandons aux médias et à chaque membre de notre nation, s’il vous plaît, une journée d’unité pour élever son âme. S’il vous plaît, n’écrivez pas et ne diffusez pas d’informations qui sèment la discorde, dites du bien [des autres], cherchez ce qui est positif chez les responsables [politiques] et notre peuple extraordinaire pour lequel Yehonatan était fier de se battre », avait écrit Hagay Lober sur Facebook.
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