Une auteure juive et palestinienne incarne les identités du conflit
Le roman autobiographique de Claire Hajaj est inspiré du mariage de sa mère juive britannique avec son père musulman né à Jaffa
Avec l’escalade du conflit entre le Hamas et Israël, le conflit israélo-palestinien préoccupe de nombreuses personnes. Claire Hajaj porte la lutte entre les deux peuples dans ses gènes.
Hajaj, l’auteure d’un nouveau roman autobiographique intitulé Les Oranges d’Ismaël, est à la fois juive et palestiennne, une combinaison rare, même dans un monde globalisé où les identités multiples sont un lieu commun. C’est un mélange qui lui a laissé un sentiment d’une double richesse et d’un double fardeau
Le roman, situé à Beyrouth, est la première tentative de l’auteure de fiction, qui s’inspire très fortement de ses expériences. Elle a grandi avec une mère juive britannique et un père musulman palestinien de Jaffa.
Dans Les Oranges d’Ismaël, ce sont Salim et Jude qui tombent amoureux l’un de l’autre lors de l’été de l’amour 1967. Dans la vraie vie, c’est le père, Mahmoud, et la mère, Deanne, d’Hajaj qui se sont rencontrés cette année-là et qui ont fini par se marier.
Ce ne fut pas ensuite une histoire de conte de fées : le couple a eu trois enfants, mais a finalement divorcé 25 ans plus tard.
« Ma famille a mené une bataille difficile », confie Hajaj, 40 ans, au Times of Israel. « Leurs familles ont accepté leur mariage, mais les communautés dans un sens plus large étaient méfiantes envers eux. La politique a formé un nuage au-dessus de nos têtes, et cela s’est aggravé quand j’ai grandi ».

Ironiquement, la mère d’Hajaj, Deanne Shapero, qui a fini par épouser un Palestinien, est née le jour de la déclaration de l’Etat d’Israël.
Elle a grandi dans une famille juive pratiquante très soudée dans la communauté de Newcastle où ses grands-parents étaient descendus d’un bateau en provenance de l’Europe de l’Est. Ils s’étaient apparemment trompés en pensant qu’ils étaient arrivés en Amérique.
Les grands-parents possédaient un magasin de vêtements et avaient 14 enfants.
« Il y avait onze filles et trois garçons. Les filles étaient toutes rousses et belles. De jeunes hommes juifs cherchaient des femmes qui viendraient de Londres pour sortir avec elles », explique Hajaj.
Mahmoud Hajaj est né à Jaffa où sa famille est restée tout au long de la guerre d’Indépendance d’Israël. « Ce n’est qu’après 1948 que sa famille a perdu sa maison et des orangeraies à cause de questions juridiques et d’impôts », explique Hajaj.
Si le père de l’auteur, qui avait fréquenté une école chrétienne, a quitté Israël pour le Royaume-Uni à la fin de son adolescence pour commencer une nouvelle vie par lui-même, beaucoup de ses proches sont restés dans le pays et ont vécu à Nazareth et à Haïfa.
Une année après qu’Hajaj soit née à Londres, la famille a déménagé au Koweït où son père avait trouvé un travail en tant que comptable pour une grande entreprise américaine. Un an plus tard, un fils est né, puis une autre fille 11 ans plus tard.
La famille a connu des moments difficiles au Koweït.
« J’ai détesté cela et ma mère était effrayée. Nous devions cacher qui nous étions. Nous prenions des risques », explique Hajaj.
« Au Koweït, ils méprisaient publiquement les Juifs et en privé, ils étaient méfiants des Palestiniens. Il y avait un climat de rage quand cela en venait au conflit israélo-palestinien ».

Malgré le retour de la famille dix ans plus tard au Royaume-Uni et « la tentative courageuse des parents d’Hajaj de réécrire la haine tribale », comme elle l’écrit dans un article récent pour Newsweek, le mariage a échoué.
Les parents de l’auteur se sont peut-être séparés, mais elle continue à se débattre avec sa double identité juive et palestinienne.
« Aucun de mes parents n’a tenu m’inculquer la croyance en Dieu, mais ils voulaient tous les deux que je m’identifie avec leur propre héritage et leurs valeurs culturelles », explique Hajaj. « Ma mère voulait que je sache ce que veut dire être juif et mon père voulait que je sois palestinienne et que je m’identifie avec les aspirations palestiniennes ».
Alors qu’elle grandissait, Hajaj, qui ne voulait décevoir aucun de ses parents, se sentait perdue de ne pas appartenir à un clan particulier.
« J’aimais les rituels, mais je détestais la rancœur », souligne-t-elle.
« Je me sentais très juive quand j’étais parmi les Palestiniens et très palestinienne quand j’étais avec les Juifs. Je pouvais zapper entre les identités et les arguments comme on zappe une chaîne TV ».
« Je me sentais très juive quand j’étais parmi les Palestiniens et très palestinienne quand j’étais avec les Juifs. Je pouvais zapper entre les identités et les arguments comme on zapperait une chaîne TV »
Adulte, Hajaj a travaillé comme journaliste et pour les Nations unies au Pakistan, au Nigéria, Burma, en Indonésie, en Jordanie et en Irak (elle a déménagé au Liban il y a un an parce que son mari néo-zélandais y travaille pour les Nations unies).
Même après toutes ces années, elle se sent toujours autant perdue et en conflit sur sa double-identité juive et palestinienne.
« Je n’ai jamais vraiment pris parti. Cela n’a pas de sens parce que je ne serais jamais acceptée par aucun des deux », explique-t-elle.
Même si ses sentiments n’ont pas changé depuis l’enfance, elle se concentre maintenant sur les récits et les aspirations « douloureusement similaires » de ses deux héritages, plutôt que sur leurs différences.
Elle ne croit pas avoir les outils pour éduquer sa fille de quatre ans comme palestinienne ou juive, mais elle prévoit de lui faire connaître les deux cultures.
« Une des raisons pour lesquelles j’ai décidé d’écrire Les Oranges d’Ismaël maintenant était parce que je voulais que ma fille sache qui elle est », explique Hajaj.
Elle a également été incitée à écrire le roman après avoir parlé avec certains de ses proches plus anciens de deux côtés de la famille et s’être rendue compte que leurs histoires ne seraient pas préservées si elle ne les écrivait pas.
« En écrivant leurs histoires, je veux humaniser les deux côtés aux uns et aux autres », explique-t-elle.
Elle a voyagé plusieurs fois en Israël et est naturellement très sensible aux perspectives à la fois des Israéliens et des Palestiniens sur la situation actuelle.
« Ces points de vue sont aussi impénétrables que le système de défense aérien le Dôme de fer. Depuis que les raids aériens mortels et déchirants sur Gaza ont commencé, la plupart des Israéliens, des Palestiniens et le monde qui observe ont pris abri sous l’un ou l’autre, en rejetant fermement tout message différent qui menace leur point de vue », écrit-elle dans Newsweek.
« Je connais ce récit de gladiateur trop bien parce que je l’ai entendu chaque jour de mon enfance ».
Elle espère une désescalade.
« J’aimerais qu’il y ait un bouton ‘pause’ entre l’instinct et l’action’, explique-t-elle. « Ce ne sont que les ‘jusqueboutistes’ qui combattent. La plupart des gens veulent la paix ».
Hajaj voudrait voir les deux côtés, les deux peuples auxquels elle appartient, surmonter leur douleur aveuglante pour qu’ils puissent voir la souffrance de l’autre.
« Nous pouvons faire mieux que cela », explique-t-elle.
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