Une cour lituanienne annule des élections communautaires juives
La décision met en lumière la lutte pour le pouvoir au sein de la communauté et la vive opposition à la présidente du groupe national, Faina Kukliansky
Dans une décision inhabituelle, un tribunal lituanien a annulé les élections internes du mois d’avril de la communauté juive locale, en expliquant que les chefs communaux n’ont aucune autorité légale pour continuer à exercer le pouvoir.
La décision du tribunal du district de Vilnius du 21 décembre, une première en son genre en Europe depuis plusieurs années, est le dernier épisode dans la lutte contre ce que de nombreux Juifs lituaniens considèrent comme une prise de pouvoir de la présidente de la communauté, Faïna Kukliansky, à la fois pour continuer à représenter les membres de sa communauté et pour administrer des millions de dollars donnés à cette communauté par le gouvernement au titre de restitution pour l’Holocauste.
La décision du juge Rima Bražinskienė, traduite par le site Defending History, a été rendue dans le cadre d’un procès intenté plus tôt cette année par la communauté juive de Vilnius contre la communauté juive de Kukliansky en Lituanie. Ce dernier est un groupe national rassemblant toutes les communautés juives du pays, connu aussi sous le nom de LBZ.
Le procès a suivi un changement de règles concernant le mode de scrutin des élections décidée à la mi-campagne par le conseil de LBZ. Alors que le sentiment de ressentiment croissait à l’encontre Kukliansky, qu’on accuse de népotisme et de corruption — ce qu’elle a démentie. Le conseil qu’elle gouverne a décidé de remplacer son système de vote à la proportionnelle par un système qui donne une voix à chaque organisation membre.
Cette modification du mode de scrutin a privé de leurs droits les 2 200 membres de la communauté juive de Vilnius, de loin la plus importante du pays, ce qui a conduit à la réélection de Kukliansky. Quand une critique de Kukliansky, Simonas Gurevicius, a été élue à la tête de la communauté juive de Vilnius en mai, LZB a annulé son élection, affirmant que les électeurs étaient « principalement russophones se disant juifs, avec seulement une minorité de sang litvak ».
Cette déclaration, pour laquelle LZB s’est excusée plus tard, a poussé les critiques à considérer que LZB sous Kukliansky attisait des tensions ethniques et étiquetait certains Juifs comme des agents de la Russie dans un pays où beaucoup de gens et de politiciens s’indignent des tendances expansionnistes de la Russie.
La déclaration controversée du LZB a noté que le vote avait eu lieu alors que « des exercices militaires sont actuellement en cours pour répéter le scénario de la Lituanie et de la Pologne attaquées ».
Suite à la décision du tribunal de district, LZB a critiqué dans un communiqué le fait que la décision « ne faisait référence ni à l’impératif de la loi qui garantit le droit et l’égalité des décideurs de tous les membres de l’association » ni aux dispositions garantissant le pouvoir discrétionnaire communal. Le communiqué n’a pas précisé si LZB comptait organiser une nouvelle élection, comme la communauté juive de Vilnius a exhorté LZB à le faire suite à la décision du tribunal.
« Les désaccords internes qui se sont étalés publiquement ne feront honneur à personne, ne réduiront pas les manifestations de l’antisémitisme, ne détruiront pas les stéréotypes et ne faciliteront pas un travail significatif au bénéfice des membres de la communauté. C’est une honte qu’une petite communauté juive soit divisée là où il serait possible de consolider les efforts pour atteindre des objectifs plus élevés — la lutte contre l’antisémitisme. »
Dans le contexte de cette lutte juridique, LZB est également critiquée pour avoir accepté un plan du gouvernement visant à construire un centre de conférence sur ce qui était un grand cimetière à Vilnius. Les Soviétiques ont détruit le cimetière de Piramont il y a des décennies, mais certains rabbins et membres de la communauté juive affirment que la construction sur le site qui contient encore les restes de milliers de corps juifs violerait les lois religieuses juives.
Mais d’autres rabbins et LZB maintiennent que le site destiné au centre de conférence ne contient pas de restes humains.
Kukliansky est également le coprésident de la Goodwill Foundation, créée en 2011 pour administrer les fonds de restitution d’environ 40 millions de dollars.