Une jeune femme Arabe veut entrer dans l’Histoire en tant qu’élue à Jérusalem
Sondos Alhoot s'efforce de briser un boycott électoral qui dure depuis des dizaines d'années de la part de la population arabe de la ville et de rapprocher les deux communautés

Une semaine avant les élections municipales, une foule d’environ 70 personnes s’est entassée dans le salon d’une maison de Jérusalem pour une réunion avec Sondos Alhoot, tête d’une liste arabo-juive pour le Conseil municipal de Jérusalem.
Depuis sa première apparition sur la scène politique de Jérusalem il y a quelques mois, cette jeune femme de 33 ans, originaire de Nazareth, a suscité l’intérêt non seulement des résidents palestiniens de la ville, mais peut-être plus encore des électeurs juifs progressistes.
« Alhoot signifie en arabe ‘la baleine’, celle qui va avaler les gens de droite à Jérusalem », a-t-elle plaisanté en se présentant à un public majoritairement d’âge moyen, avec une présence anglophone très significative.
Alhoot est la dernière d’une poignée d’aspirants politiciens arabes à s’être présentés aux élections du Conseil municipal de la capitale – tous, jusqu’à présent, sans succès – depuis l’annexion de Jérusalem-Est par Israël en 1967.
Les Palestiniens représentent 40 % de la population de Jérusalem mais, défiant l’autorité israélienne, le boycott a été leur approche politique préférée. La participation des habitants de Jérusalem-Est aux élections municipales a été quasi-nulle à chaque élection depuis 1967. Leur manque de représentation politique a contribué à une grave négligence de la part de la municipalité dans les quartiers arabes, avec une pénurie visible d’investissements dans les infrastructures et les services publics.
Néanmoins, Alhoot est convaincue que les choses seront différentes lors des prochaines élections municipales, qui se tiendront dans tout le pays le 27 février.

Cette professeure de langues, qui s’était illustrée dans une interview du Times of Israel en septembre en évoquant sa participation aux manifestations de Kaplan contre la refonte judiciaire, a fait sa première apparition sur la scène politique de Jérusalem il y a quelques mois, à la tête d’un groupe de candidats composé exclusivement de noms arabes. Cette liste était associée au candidat à la mairie Waleed Abu Tayeh, premier Arabe à contrôler la plus haute fonction de la capitale depuis l’unification de Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest en 1967.
À Jérusalem, les 31 membres du Conseil municipal et le maire sont élus séparément et les électeurs doivent deux bulletins de vote distincts le jour de l’élection.
Abu Tayeh, également originaire de Nazareth, s’est finalement retiré de la course à la mairie et a pris la deuxième place derrière Alhoot dans la liste du Conseil municipal, appelée Kol Toshaveha (« Tous ses résidents » en hébreu).
« Il était trop difficile pour un candidat arabe d’accéder au poste de maire », a expliqué Alhoot à son auditoire lundi. « Nous devrions d’abord nous efforcer de faire entrer des représentants arabes au Conseil municipal. »

Certains des postes de la liste initiale réservée aux Arabes sont devenus vacants à la suite d’un certain nombre de désistements. Alhoot a réussi à les remplacer par des candidats juifs, grâce à l’intercession de l’ancien adjoint au maire de Jérusalem, Yossef Alalu, dit Pépé, un vétéran de la population laïque de Jérusalem qui est maintenant devenu son conseiller de campagne officieux. Sa liste compte aujourd’hui sept Arabes et neuf Juifs.
Surmonter un fossé vraisemblablement infranchissable
Pour quelqu’un qui fait campagne pour avoir son mot à dire dans la gestion d’une ville extrêmement sensible, toujours sous les feux de la rampe, où des décisions vraisemblablement mineures peuvent avoir des répercussions internationales, Alhoot n’apparaît pas comme une personne spécialement méticuleuse. En réponse à une question du public, elle a donné un chiffre irréaliste concernant le montant total des taxes payées par les Palestiniens de Jérusalem et s’est trompée au sujet d’un quartier qui, selon elle, se trouve dans les limites de la municipalité mais qui est en réalité sous la juridiction de l’Autorité palestinienne (AP).
Cependant, la candidate au Conseil municipal apporte une vision, une énergie et un message d’unité et de coopération dont on pourrait dire qu’ils sont cruellement nécessaires dans une ville en proie aux conflits et qui n’est unie que sur le papier.
Son passé de professeure d’arabe pour les Juifs et d’hébreu pour les Palestiniens l’a placée dans une position privilégiée pour faire le lien entre les deux parties de la ville, et lui a fait prendre conscience du profond fossé qui sépare les résidents juifs et arabes, à commencer par le fossé linguistique.
Alors que les citoyens arabes israéliens comme elle parlent couramment l’hébreu, une grande partie de la population palestinienne de Jérusalem ne maîtrise pas cette langue et éprouve des difficultés dans ses interactions quotidiennes avec les Israéliens, par exemple dans sa communication avec les autorités. Alhoot déplore la méfiance mutuelle qui existe entre les deux communautés, les gens ayant peur de s’aventurer dans des quartiers voisins dont ils ne comprennent pas la langue.
« À Jérusalem-Est, certaines écoles emploient des professeurs d’éducation physique pour enseigner l’hébreu. Comment peut-on s’attendre à ce que les enfants prennent cette matière au sérieux ? »
Résidente de Jérusalem depuis 2010, Alhoot a raconté à son auditoire ses multiples déménagements au fil des ans entre les quartiers arabes de Jérusalem-Est, surpeuplés et mal desservis, et les quartiers juifs de l’Ouest, soignés et entretenus mais souvent au-dessus de ses moyens.

Le contraste entre les deux moitiés d’une même ville lui paraissait insupportablement injuste. Même lorsqu’elle résidait dans le quartier arabe huppé de Beit Hanina, qu’elle qualifie sarcastiquement de « Las Vegas de Jérusalem-Est » parce qu’il dispose de trottoirs corrects, une rareté dans l’est de la ville, elle a déclaré qu’il n’était toujours pas comparable aux quartiers juifs tels que Guiva HaTsarfatit, où les habitants disposent de places de stationnement, de pistes cyclables et d’aires de jeux.
Vers la fin du boycott des élections ?
Alhoot a évoqué ses tentatives pour mettre fin au boycott de longue date de la politique de la ville par les habitants de Jérusalem-Est, un obstacle majeur dans sa course.
Dans ses conversations avec les résidents palestiniens, dont certains sont issus de clans bien établis dans la ville, elle a déclaré qu’elle s’était heurtée à une opposition généralisée au fait de « collaborer avec l’occupant israélien », et ce d’autant plus pendant la guerre en cours à Gaza, déclenchée par l’assaut du groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, lors duquel près de 1 200 personnes ont été tuées et 253 autres prise en otages dont 130 sont encore à Gaza – mais certains ne sont plus en vie.
Elle a déclaré avoir souvent été qualifiée de traîtresse par les habitants de Jérusalem-Est, qui rejettent son message de coexistence avec les Juifs alors que des Palestiniens sont tués par Tsahal à Gaza.
En réponse, Alhoot s’est efforcée de s’éloigner de la politique régionale et d’axer sa campagne sur la résolution des problèmes pratiques des citoyens.
« Vous me traitez de ‘collabo’ ? Vous collaborez déjà avec les autorités israéliennes, vous payez des impôts fonciers à la municipalité. Ce n’est pas moi la traîtresse. Vous devriez au moins obtenir quelque chose en échange de vos impôts », a-t-elle martelé à certains de ses détracteurs.
@AlhootSondos is running for the Jerusalem Municipality. She spoke passionately about the importance of Jewish-Arab partnership for the future of our city at an event in a private home in Baka tonight.@kaptainsunshine pic.twitter.com/AXTJU8eLpy
— Ittay Flescher (@ittay78) February 19, 2024
Malgré les accusations de « collaborationnisme », Alhoot a affirmé que le souhait d’avoir un défenseur des Palestiniens de Jérusalem dans la salle de contrôle de la ville était de plus en plus fort.
Les quartiers arabes souffrent d’un sous-financement chronique et d’une négligence institutionnelle, n’obtenant pratiquement aucun permis de construire pour les nouvelles constructions destinées à répondre à la croissance démographique, alors que les quartiers juifs sont en constante expansion.
Lors d’une récente visite à Kfar Aqab, un quartier situé entre Jérusalem et Ramallah, Alhoot a raconté que les dirigeants de la communauté locale l’ont emmenée visiter cette zone densément peuplée, entièrement délaissée par les autorités municipales.
Le quartier est officiellement situé à l’intérieur des frontières municipales de Jérusalem, mais il se trouve à l’extérieur de la barrière de sécurité qui encercle la ville et au-delà d’un checkpoint. Les employés municipaux de Jérusalem ne s’aventurent pas à l’intérieur de Kfar Aqab, pas plus que les forces de police de la ville ou les éboueurs.

En conséquence, la zone est devenue un no man’s land sordide, sans éclairage public, avec des routes et des égouts non entretenus, un accès discontinu à l’eau courante et des embouteillages qui durent des heures sur la route principale menant au point de contrôle.
Les dirigeants des communautés locales, qui auraient refusé d’être photographiés aux côtés d’Alhoot, lui ont fait part de leur désir d’avoir leur mot à dire dans la prise de décision de la ville, a-t-elle indiqué, compte tenu notamment du fait que nombre d’entre eux ne parlent pas l’hébreu.
Jeudi, Alhoot a déposé un recours auprès de la municipalité pour qu’elle mette en place un bureau de vote pour les habitants de Kfar Aqab, afin qu’ils ne soient pas obligés de passer des heures à faire la queue au checkpoint pour se rendre au lieu le plus proche pour voter.
Alhoot a insisté sur le fait qu’un changement radical est encore possible le 27 février, et a soutenu que des fissures apparaissent dans la longue opposition de Jérusalem-Est à la participation politique, en particulier après le 7 octobre.

Alors que sa liste commune avec le candidat à la mairie Abu Tayeh a été officiellement dénoncée il y a plusieurs mois dans une fatwa – décret religieux – par l’imam de la mosquée Al-Aqsa, Cheikh Ekrima Sabri, sous la pression de l’AP, Alhoot a déclaré que la confiance des habitants de Jérusalem-Est dans la capacité de Ramallah à répondre à leurs besoins s’est érodée. À titre d’exemple, l’AP n’a pas soutenu tous ceux qui ont perdu leur emploi à cause de la guerre.
L’AP considère Jérusalem-Est comme la capitale d’un futur État palestinien. Elle maintient un gouverneur dans la ville, contrôle une grande partie de son système scolaire et reste très influente au sein de la population locale. Mais il est profondément impopulaire parmi les Palestiniens, près de 60 % des habitants de Cisjordanie demandant sa dissolution et 90 % souhaitant la démission de son dirigeant de longue date, Mahmoud Abbas, selon un récent sondage.
Selon Alhoot, les conséquences du 7 octobre ont provoqué chez les habitants de Jérusalem-Est une « prise de conscience soudaine de l’inefficacité et de la corruption de l’Autorité palestinienne ».
« L’AP ne cesse de parler d’Al-Aqsa, mais qu’a-t-elle vraiment fait pour Jérusalem-Est ? »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel