Israël en guerre - Jour 478

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La femme qui enseigne aux Juifs israéliens comment manifester en arabe

"Je veux être une passerelle entre les communautés", déclare l'activiste Sondos Alhoot, professeure d'arabe et d'hébreu qui rêve, un jour, d'être élue à la Knesset

Sondos Alhoot, membre de Yesh Atid et candidate au conseil municipal de Jérusalem sur la liste  'Kol Toshaveha' lors des élections municipales de 2023, le 9 mars 2023. (Autorisation)
Sondos Alhoot, membre de Yesh Atid et candidate au conseil municipal de Jérusalem sur la liste 'Kol Toshaveha' lors des élections municipales de 2023, le 9 mars 2023. (Autorisation)

Sondos Alhoot est l’une des quelques membres de la communauté arabe israélienne à être montée à la tribune à Tel Aviv lors du mouvement de protestation hebdomadaire dénonçant le plan de refonte du système judiciaire israélien du gouvernement. Dans cette petite minorité, elle a été aussi l’une des seules à avoir pris la peine de s’adresser aux manifestants au moins une partie en arabe.

« Les Arabes israéliens sont majoritairement restés en marge du mouvement de protestation. En partie parce que les opposants brandissent le drapeau israélien, auquel les citoyens arabes ne s’identifient pas mais le problème est plus profond », explique récemment Alhoot au Times of Israel, lors d’un entretien. « Les Juifs libéraux, en Israël, ont le sentiment que la menace pour la démocratie a commencé avec le projet de réforme du système judiciaire, mais cela fait beaucoup plus longtemps que les Arabes ont le sentiment d’être des citoyens de seconde catégorie ».

Alhoot indique qu’elle a commencé à prendre part aux manifestations de la Rue Kaplan parce que « en tant qu’Arabe israélienne, en tant qu’Arabe palestinienne, en tant que femme, en tant qu’éducatrice, il était impossible que je garde le silence face à ce qu’est en train de faire ce gouvernement raciste et dictatorial. Je culpabilisais à l’idée de ne pas faire suffisamment et je n’entendais aucune voix combler l’écart entre les demandes soumises par les Juifs et les demandes soumises par les Arabes. J’ai voulu être cette voix ».

Née à Nazareth, Alhoot, qui a 33 ans, s’était installée à Jérusalem pour faire ses études dans le secteur de l’éducation en 2010 et elle n’a plus quitté la ville depuis. Une fois diplômée, elle a commencé à enseigner la langue arabe dans les écoles publiques juives, y compris dans les établissements religieux, tout en apprenant l’hébreu aux femmes arabes qui vivent à Jérusalem-Est.

En gagnant de l’expérience en tant qu’éducatrice, en tant que médiatrice entre les deux cultures, Alhoot a songé à renforcer son implication sociale. Elle a pris part à plusieurs cours de leadership et elle a rejoint Yesh Atid, devenant l’une des quelques membres arabes du parti politique centriste dirigé par Yair Lapid.

Son besoin de passer à l’action s’est encore renforcé quand le gouvernement actuel a été investi fin décembre, se souvient-elle. Elle a immédiatement eu le sentiment que la coalition actuelle représentait une menace pour elle, une femme, une arabe israélienne, et qu’elle devait se faire entendre.

Sondos Alhoot, s’exprimant en hébreu et en arabe lors d’une manifestation contre le projet de refonte radicale du système judiciaire à Tel Aviv, le 1er juillet 2023. (Capture d’écran : Facebook, Autorisation)

« Tous les matins, on se réveille en entendant parler d’un nouvel homicide dans la communauté arabe et le gouvernement ne fait rien pour arrêter cette vague de meurtres. En plus de tout cela, nous assistons à une régression des droits des femmes. Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule directrice-générale dans l’ensemble des ministères israéliens », déplore-t-elle. « Et la représentation des femmes a également été réduite à la Knesset. C’est dur pour une femme juive d’être élue, sans même parler d’une femme arabe ».

31 femmes siègent actuellement à la Knesset – elles étaient 36 au parlement précédent. Il n’y a que deux députées arabes, Aida Touma Suliman du parti Hadash et Iman Khatib Yassin de la faction Raam. Les femmes sont aussi moins nombreuses au gouvernement qu’elles pouvaient l’être dans le passé, avec seulement six qui siègent au cabinet, constitué de 32 membres.

Au mois de février, Alhoot a été contactée par l’Israel Women’s Network, une organisation qui fait la promotion de l’égalité entre les deux sexes, pour une prise de parole lors d’un rassemblement organisé en opposition au plan de refonte du système de la justice israélien à Tel Aviv – une invitation qu’elle a toute de suite acceptée.

« Je me suis exprimée contre l’intention du gouvernement de dépouiller la Cour suprême de ses pouvoirs lorsqu’elle doit défendre les citoyens, en particulier les femmes, face aux décisions prises par les politiciens lorsque ces décisions sont susceptibles de leur nuire », dit-elle. « J’ai parlé de l’inaction des autorités face au fléau des violences faites aux femmes dans la société arabe, de ce sentiment que nous éprouvons, celui que nous n’avons aucun recours que ce soit du côté de la police ou du côté du système judiciaire. »

Une étude menée par l’organisation Women Against Violence a révélé qu’en 2020 et en 2021, les victimes de 84 % des affaires de meurtres non résolus étaient des femmes arabes.

« Les meurtriers se baladent librement », avait déclaré Alhoot dans son discours, au mois de février. « Les femmes ont également le pouvoir de changer les choses, de créer une meilleure réalité pour les prochaines générations, pour nos filles et pour nos petites-filles. Une réalité où l’égalité règnera, où nous bénéficierons d’une représentation égalitaire ».

Quelques mois plus tard, Alhoot avait été invitée – une fois encore – à monter à la tribune à Tel Aviv et à cette occasion, elle avait décidé de s’exprimer dans sa langue maternelle.

Elle avait ainsi appris à la foule réunie ce soir-là comment traduire leurs slogans en arabe palestinien. S’exprimant avec assurance depuis un pupitre recouvert du drapeau israélien, elle avait demandé aux manifestants d’entonner les cris de ralliement « Ash-shab biddo democratia » — le peuple veut la démocratie – et « Fish mustaqbal bidun taleem » — Pas d’avenir sans éducation.

Tandis que les protestataires – largement des Juifs libéraux – réagissaient avec enthousiasme à ce cours improvisé de langue, la réelle surprise était arrivée dans les jours qui avaient suivi. « J’ai commencé à recevoir des centaines de demandes d’amitié provenant d’Arabes israéliens sur Facebook, chaque jour », déclare-t-elle.

« Les Arabes étaient stupéfaits de voir enfin quelqu’un qui parlait leur langue à Kaplan », ajoute-t-elle. « Ils avaient tout à coup l’impression que les manifestations parlaient d’eux. Ils m’avaient félicitée. Ils m’avaient dit de garder la tête haute pour la communauté. Et tout ça est né du fait que j’ai dit deux phrases en arabe ! Un mur a été brisé. La langue est un outil réellement puissant pour construire des passerelles entre les communautés ».

Le candidat à la mairie de Jérusalem Waleed Abu Tayeh, à droite, assis avec la numéro deux de sa liste électorale au Conseil de la ville de Jérusalem, Sondos Alhoot, pendant une interview réalisée au Saint George Hotel de Jérusalem, le 17 août 2023. (Crédit : Gianluca Pacchiani/Times of Israel)

Une menace constante plane sur la langue arabe en Israël. Le 22 août, la ministre du Travail a encore annoncé que les écoles de formation professionnelle seront autorisées à organiser des examens diplômants en hébreu seulement, l’hébreu étant la seule langue officielle de l’État. La loi controversée sur l’État-nation, en 2018, avait rétrogradé le statut de la langue arabe en lui octroyant « un statut spécial » au sein d’Israël aux côtés de l’hébreu, la langue nationale.

« Les Arabes israéliens sont dans une situation dure. Les villes arabes reçoivent des allocations budgétaires moins importantes que les localités juives », fait remarquer Alhoot. « On ne leur donne pas les mêmes ressources, en particulier en matière d’éducation. Ensuite, on nous dépeint comme des criminels violents ou, pire, comme des terroristes, alors qu’on ne cesse de placer de nouveaux obstacles devant nous ».

L’activiste ajoute toutefois : « Je ne vais pas nier que nous avons, nous aussi, notre part de responsabilité. Il y a un manque de sensibilisation, dans une grande partie de la société arabe, s’agissant de la participation démocratique. Lors des dernières élections, nombreux sont ceux qui ont préféré aller récolter les olives plutôt que d’aller au bureau de vote. »

Alhoot ne mâche pas non plus ses mots en évoquant les responsables arabes élus à la Knesset : « Leur principal problème, c’est qu’ils ne savent pas comment coopérer. Si vous êtes en concurrence constante les uns avec les autres, la confusion finit par se répandre chez les électeurs qui perdent finalement confiance. »

Il y a deux ans, Alhoot avait décidé de rejoindre Yesh Atid, une faction qui n’est pas particulièrement connue pour son implication dans les questions arabes et elle s’affaire à créer un centre de liaison pour les femmes arabes au sein de la formation. Elle est également la seule femme se présentant sur une liste arabe lors des prochaines élections municipales, à Jérusalem. La liste est dirigée par Waleed Abu Tayeh, le seul citoyen arabe à se présenter à la mairie de la ville depuis qu’Israël a pris le contrôle de Jérusalem-Est, en 1967.

Mais l’objectif poursuivi par Alhoot, dit-elle, est d’être élue un jour au parlement israélien.

« J’aurais tellement de choses à changer là-bas, en commençant par l’éducation », déclare-t-elle. « Mais avant tout, je veux montrer aux Arabes israéliens qu’ils ont du pouvoir. Il faut qu’ils le réalisent, c’est tout ».

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