Une série télé sur des Israéliens à Berlin prend un autre sens après le 7 octobre
La série Yes, "Berlin Blues", diffusée pour la première fois le 6 octobre, raconte l'histoire de Yonah et Talya, un couple israélien typique qui essaie de vivre en Allemagne
Lorsque les créateurs et scénaristes de « Berlin Blues », Dana Idisis et Itamar Rothschild, ont écrit leur série télévisée de six épisodes pour Yes sur un couple d’Israéliens à Berlin, ils pensaient aux épreuves plus banales du changement de pays et au fait d’être un typique couple de Sabra – en hébreu tzabarim, ceux qui sont nés en Israël – essayant de vivre en Allemagne.
La série a été présentée pour la première fois au Festival du film de Haïfa le 6 octobre et devait être lancée à la fin du mois d’octobre.
Mais l’assaut barbare et sadique du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre a repoussé le lancement jusqu’en mars, et la série offre désormais un autre type d’exutoire émotionnel, a déclaré le réalisateur Ram Nehari dans une interview accordée au Times of Israel.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
« Je connaissais beaucoup de gens qui pensaient à changer de pays avant le 7 octobre », a expliqué Nehari. « N’oubliez pas qu’il y avait des raisons d’y penser à cause de ce qui s’est passé l’année dernière », a-t-il ajouté, faisant référence aux projets largement controversés de refonte du système judiciaire du gouvernement qui ont semé la discorde et aux manifestations hebdomadaires de masse qui ont suivi.
C’est une discussion qui est toujours tenue parmi les Israéliens de la classe moyenne, a souligné Nehari, et elle est encore plus forte depuis la guerre à Gaza, car « nous ne savons pas ce que sera la réalité demain, dans six mois ou dans un an ».
« Berlin Blues » raconte donc l’histoire d’un couple marié, Yonah (Rothschild) et Talya (Shira Naor), avec un jeune enfant, Rani, qui s’installe à Berlin pour un an afin que Yonah, un joueur de hautbois frustré, puisse avoir l’opportunité de travailler et de se produire avec un orchestre allemand.
C’est une décision facile à prendre pour Yonah – citoyen allemand grâce à ses grands-parents maternels, qui ont fui le régime nazi et se sont réfugiés en Israël – et il se réjouit de cette opportunité professionnelle.
Talya, une romancière, a du mal à accepter ce déménagement, même si elle répète aux gens qu’elle peut travailler n’importe où. Chaque épisode de 30 minutes, court et précis, oscille entre la relation et la famille du couple, et leurs cercles d’amis allemands et israéliens dans leur nouvelle vie berlinoise.
L’histoire est basée sur une expérience similaire pour les créateurs, partenaires dans la vie et au travail, qui ont déménagé à Berlin il y a plusieurs années pour réaliser le rêve de Rothschild de vivre dans le pays natal de son grand-père. À l’époque, Idisis travaillait sur la deuxième saison de son excellente série primée « On the Spectrum« .
Le déménagement à Berlin a toutefois été difficile pour Idisis, qui souffrait du syndrome de la page blanche et ne parvenait pas à faire avancer son scénario, a déclaré Nehari.
« Itamar était très heureux. Il a adoré les trains et le sens de l’ordre et s’est épanoui, alors que Dana a eu du mal. Son anglais n’était pas très bon, elle n’était pas ouverte aux étrangers et elle n’arrivait pas à travailler », a expliqué Nehari.
C’est l’écrivain Sayed Kashua (qui avait conseillé Idisis sur « On the Spectrum ») qui lui a recommandé d’écrire sur ce qu’elle vivait. Elle et Rothschild ont chacun contribué à ce qui se passait dans leur aventure berlinoise, créant ainsi une tragicomédie sur la lutte du couple fictif.
Cette série traite des épreuves de l’exil et de l’ironie d’être Israélien en Allemagne, où les gens se débattent avec l’histoire de la Shoah du pays, mais aussi du personnage principal, Talya, une jeune auteure à succès qui voit ses propres problèmes amplifiés par son déménagement à Berlin.
Elle souffre du froid, de la langue et de la nature des Allemands, tandis que son mari, Yonah, est fasciné par tout cela, malgré l’histoire de la Shoah de ses propres grands-parents dans le pays.
D’autres thèmes sont familiers à l’écriture d’Idisis, qui s’est inspirée de son jeune frère atteint d’autisme lorsqu’elle a créé « On the Spectrum », et introduit les propres troubles émotionnels de Talya ainsi que ceux du jeune frère du personnage, qui souffre d’instabilité mentale.
Nehari est entré dans le projet alors que la majeure partie de l’écriture était terminée et a commencé le tournage en 2022. L’équipe a tourné deux épisodes à Berlin avant de se rendre en Ukraine pour un moindre coût.
En février 2022, la Russie a attaqué l’Ukraine, obligeant l’équipe à se rendre à Budapest avant de finaliser le travail en Israël.
Aujourd’hui, la série est enfin en ligne, offrant un certain type d’exutoire émotionnel et de confrontation à la réalité pour les téléspectateurs israéliens, a déclaré Nehari.
Il reconnaît qu’à tout autre moment, il aurait été contrarié par le retard du lancement, mais ce n’était pas le cas cette fois-ci, pas après les événements tragiques du 7 octobre, lorsque des centaines d’Israéliens ont été massacrés et tués lors des attaques terroristes du Hamas et que 253 autres ont été pris en otage.
« Si j’avais pu, j’aurais arrêté toute activité culturelle jusqu’à ce que les otages soient rentrés chez eux », a affirmé Nehari. « Pas de télévision, pas de films, mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. »
« Berlin Blues », qui est maintenant disponible sur Yes en Israël, offre quelque chose d’émotionnel, de pertinent et de très israélien dans son ton, a noté Nehari.
« Il a touché les gens », a-t-il ajouté.
Nehari travaille actuellement sur une nouvelle série pour la chaîne publique Kann avec Noa Knoller, et bien qu’elle n’ait rien à voir directement avec le 7 octobre, tout est désormais vu à travers ce prisme, a-t-il expliqué.
« Tout tourne autour de nos peurs, de la question de savoir si le rêve sioniste est terminé, compte tenu du traumatisme, des cercles de désespoir et de deuil », a-t-il déclaré.
« Berlin Blues » touche également un point sensible chez les Israéliens, en soulevant des questions sur Israël et la possibilité de vivre sa vie dans ce pays.
« Il parle de son grand-père, un Berlinois, qui a toujours voulu retourner en Allemagne après avoir immigré en Israël et qui passait ses vacances en Suisse chaque année, tandis que sa grand-mère polonaise ne parlait que le polonais dans les dernières années de sa vie. »
« Vous comprenez à quel point c’est traumatisant », a déclaré Nehari. « Leur vie était là-bas et pour nous, Israéliens, notre identité est ici, et je l’aime, mais je vois bien que nous risquons de passer notre temps dans des abris anti-atomiques. Tout peut arriver et voulons-nous cela pour nos enfants ? Nous pourrions tous être des otages retenus dans un tunnel. »
Le premier épisode de « Berlin Blues » est disponible gratuitement sur YouTube, en hébreu uniquement.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel