Vente d’armes à Israël : Le Conseil des droits de l’Homme adopte la résolution présentée par 55 pays musulmans
Le projet de résolution amendé "condamne également les attaques contre des civils, notamment le 7 octobre 2023", et exige la libération immédiate de tous les otages restant, sans toutefois mentionner le Hamas
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a exigé vendredi l’arrêt de toute vente d’armes à Israël en guerre contre le Hamas à Gaza, dans une résolution présentée par 55 pays musulmans évoquant les craintes de « génocide » contre les Palestiniens, un terme qui suscite un vif débat. Israël a rejeté ce vote, dénonçant un « texte tordu ».
C’est la première prise de position du Conseil des droits de l’homme sur le conflit qui fait rage depuis le 7 octobre et l’attaque sans précédent du Hamas en Israël.
Le ton du texte est très dur envers Israël mais le Conseil n’a pas de moyens contraignants d’imposer ses résolutions.
Vingt-huit des 47 membres du Conseil ont voté en faveur du texte, six ont voté non dont les Etats-Unis et l’Allemagne. Treize pays, dont la France, l’Inde et le Japon, se sont abstenus.
Meirav Eilon Shahar, l’ambassadrice d’Israël devant l’assemblée, a quant à elle déclaré aux membres du Conseil avant le vote que « selon la résolution qui vous est présentée aujourd’hui, Israël n’a pas le droit de protéger son peuple, alors que le Hamas a tout à fait le droit d’assassiner et de torturer des Israéliens innocents. »
« Un vote oui est un vote pour le Hamas », a accusé l’ambassadrice devant l’assemblée.
« Il faut que vous vous réveilliez tous et mettiez fin à ce génocide retransmis en direct à la télévision dans le monde entier et tuant des milliers de Palestiniens innocents », a lancé le représentant palestinien Ibrahim Mohammad Khraishi.
L’Afrique du sud, qui a saisi la Cour internationale de justice pour faire reconnaître un génocide du peuple palestinien, a dénoncé deux poids deux mesures.
« Nous ne pouvons plus choisir d’appliquer un système parallèle de droit international à Israël », a dit l’ambassadeur Mxolisi Nkosi.
La France s’est abstenue parce que la référence au génocide ne peut « être incluse dans un texte d’une portée telle que celle d’une résolution de ce Conseil sans que la qualification n’ait été validée par une autorité juridictionnelle habilitée à le faire », a expliqué l’ambassadeur Jérôme Bonnafont.
L’ambassadrice américaine Michèle Taylor, a eu des mots inhabituellement critiques, estimant qu' »Israël n’a pas fait assez pour atténuer les dommages causés aux civils » mais in fine a voté non à cause « de nombreux éléments problématiques », notamment l’absence de condamnation spécifique du Hamas.
La résolution au ton très critique envers Israël a été amendée encore jeudi pour essayer de rallier le plus de membres possibles. La référence à la notion de génocide a ainsi été enlevée dans plusieurs passages du texte.
Il continue toutefois d’y faire référence en « exprimant sa profonde préoccupation face aux informations faisant état de graves violations des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, notamment d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité » et face « à la détermination de la Cour internationale de Justice selon laquelle il existe un risque plausible de génocide ».
La guerre à Gaza a éclaté lorsque le Hamas a envoyé 3 000 terroristes armés en Israël, le 7 octobre, pour mener une attaque brutale au cours de laquelle ils ont tué près de 1 200 personnes. Les terroristes ont également pris en otage 253 personnes, pour la plupart des civils, et les ont emmenées à Gaza. Israël a réagi en lançant une campagne militaire dont l’objectif vise à détruire le Hamas, à l’écarter du pouvoir à Gaza et à libérer les otages.
L’opération militaire menée par Israël dans Gaza en représailles a fait plus de 33 000 morts, en majorité des civils, d’après le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. L’armée israélienne affirme avoir tué plus de 13 000 membres du groupe terroriste à Gaza, en plus d’un millier de terroristes à l’intérieur d’Israël le 7 octobre et dans les jours qui ont suivi l’assaut.
« Punition collective »
Cette résolution appelle également « tous les Etats à cesser la vente, le transfert et la livraison d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires vers Israël… afin de prévenir de nouvelles violations du droit international humanitaire et des violations et abus des droits de l’homme ».
Le projet « condamne l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’action par Israël dans les zones peuplées de Gaza » et l’utilisation de l’intelligence artificielle « pour aider à la prise de décision militaire susceptible de contribuer à des crimes internationaux ».
Le document exige également qu’Israël « mette fin à son occupation » du territoire palestinien, y compris Jérusalem-Est.
La Cisjordanie est sous contrôle militaire israélien depuis la guerre des Six Jours de 1967, tandis que l’Autorité palestinienne contrôle certaines parties du territoire depuis 1994.
Il exige également qu’Israël « lève immédiatement son blocus sur la bande de Gaza et toutes les autres formes de punition collective ».
Israël et l’Egypte, autre pays frontalier de l’enclave palestinienne, imposent des restrictions sur le passage des biens vers la bande de Gaza pour éviter le détournement de marchandises à des fins terroristes.
La semaine dernière, le Conseil de sécurité de l’ONU à New York a adopté une résolution appelant à un cessez-le-feu – grâce à l’abstention de Washington, le plus proche allié d’Israël. Toutefois, cela n’a pas eu pour l’heure d’impact sur le terrain.
Le Hamas pas mentionné
Le projet de résolution ne nomme pas le Hamas, mais il condamne les tirs de roquettes contre des zones civiles israéliennes.
Le projet de résolution amendé « condamne également les attaques contre des civils, notamment le 7 octobre 2023, et exige la libération immédiate de tous les otages restants, des personnes arbitrairement détenues et des victimes de disparition forcée, ainsi que la garantie d’un accès humanitaire immédiat aux otages et détenus ».
On estime que 130 des 253 otages enlevés par le Hamas et ses complices le 7 octobre sont encore à Gaza, mais au moins 34 ne sont plus en vie. 105 civils ont été libérés lors d’une trêve d’une semaine fin novembre. Quatre otages avaient été libérées avant cela et une soldate avait été secourue. Les corps de huit otages ont également été récupérés et trois otages ont été tués par erreur par l’armée lors d’un incident tragique en décembre. Deux autres otages ont été secourus grâce à une opération conjointe de l’armée et du Shin Bet. Une autre personne est portée disparue depuis le 7 octobre.
Le Hamas détient par ailleurs les corps des soldats de Tsahal Oron Shaul et Hadar Goldin depuis 2014, ainsi que deux civils israéliens, Avera Mengistu et Hisham al-Sayed, qui sont tous deux censés être en vie après être entrés dans la bande de Gaza de leur propre chef en 2014 et 2015 respectivement.
Deux autres résolutions visant Israël – qui accuse de longue date le Conseil d’être biaisé à son égard – ont également été adoptées vendredi à une écrasante majorité.
L’une exige l’arrêt des implantations israéliennes et d’agir contre la violence des résidents d’implantation. L’autre déplore l’annexion par Israël des hauteurs du Golan syrien.