Le Conseil de sécurité autorise « toutes les mesures nécessaires » contre l’EI
Contrairement à la Russie; Londres, Paris et Washington veulent un départ rapide d'Assad dans le cadre d'une transition politique pour régler le conflit
Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité vendredi une résolution française qui permet de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour combattre le groupe Etat islamique (EI), une semaine après les attentats qui ont fait 130 morts à Paris.
La résolution « demande aux Etats qui en sont capables de prendre toutes les mesures nécessaires, en conformité avec les lois internationales, et en particulier avec la charte de l’ONU (..) sur le territoire contrôlé par l’EI en Syrie et en Irak ».
Les pays sont invités à « redoubler d’efforts et à coordonner leurs initiatives afin de prévenir et stopper les actes terroristes commis spécifiquement » par l’EI, ainsi que par d’autres groupes extrémistes associés à Al-Qaïda.
Le Conseil qualifie l’EI de « menace mondiale et sans précédent contre la paix et la sécurité internationales » et se déclare « déterminé à combattre par tous les moyens cette menace ».
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a salué dans un communiqué un texte qui « appelle à l’amplification de la lutte contre Daech », un acronyme de l’EI en arabe.
« Il importe maintenant », a-t-il ajouté, « que tous les Etats s’engagent concrètement dans ce combat, qu’il s’agisse de l’action militaire, de la recherche de solutions politiques, ou de la lutte contre le financement du terrorisme ».
La résolution ne donne pas à proprement parler d’autorisation légale pour agir militairement contre l’EI et elle n’invoque pas l’article 7 de la charte de l’ONU qui prévoit l’emploi de la force.
Mais elle fournit un appui politique à la campagne contre les jihadistes en Syrie et Irak, qui a été intensifiée à la suite des attentats de Paris, revendiqués par l’EI.
Les raids aériens français en Syrie ont pour base légale le droit d’un Etat à se défendre contre une attaque, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies.
La résolution condamne les attaques à Paris, mais aussi celles qui ont été menées depuis début octobre par l’EI à Sousse (Tunisie), à Ankara, Beyrouth ou contre un avion russe au-dessus de l’Egypte.
Elle a été votée au moment où à Bamako une prise d’otages dans un hôtel a fait au moins 27 morts selon les autorités maliennes. Cette attaque a été revendiquée par un groupe jihadiste lié à Al-Qaïda.
La résolution invite les pays à « intensifier leurs efforts » pour empêcher leurs citoyens de s’enrôler dans les rangs de l’EI — comme l’ont fait des milliers de jeunes de pays occidentaux dont des centaines de Français — et pour tarir le financement des groupes extrémistes.
Elle prévoit aussi que l’ONU prenne de nouvelles sanctions contre les dirigeants et membres du groupe et ses soutiens.
La Russie a de son côté proposé mercredi au Conseil d’adopter une nouvelle version de son projet de résolution, que le président russe Vladimir Poutine avait présenté fin septembre.
Mais ce texte est pour l’instant rejeté par les Occidentaux parce qu’il prévoit d’associer le régime de Bachar al-Assad à la lutte contre les groupes extrémistes.
Contrairement à la Russie; Londres, Paris et Washington veulent un départ rapide du président syrien dans le cadre d’une transition politique pour régler le conflit.
L’UE va durcir les contrôles aux frontières extérieures
Une semaine après les attentats de Paris, les Etats européens, emmenés par la France, ont obtenu vendredi la généralisation des contrôles aux frontières extérieures de l’UE, qu’ils veulent rendre imperméables face aux apprentis jihadistes.
Les 28 ont également accentué leur pression pour que le Parlement européen cesse de freiner l’adoption d’un fichier européen des passagers aériens (PNR), jugé indispensable par la France pour « tracer » les parcours de « ceux qui cherchent à nous attaquer ».
L’Europe a « trop perdu de temps », a lancé le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, devant ses homologues européens réunis à Bruxelles, à la demande de Paris, pour coordonner une réponse européenne urgente face à la menace terroriste.
« La voix de la France a été entendue », a assuré le Commissaire européen Dimitris Avramopoulos, saluant le consensus des 28 Etats membres autour de propositions pour améliorer les échanges d’informations entre eux, après les lacunes observées ces derniers jours.
« La Commission européenne présentera d’ici la fin de l’année une proposition de réforme du Code Frontières Schengen », s’est félicité le ministre français, lors d’une conférence de presse au côté du commissaire.
Car si les ministres européens ont décidé vendredi de renforcer « immédiatement » les contrôles aux frontières extérieures de l’Union, y compris pour les ressortissants européens, rendre ces contrôles vraiment systématiques pour les Européens nécessite une initiative législative de la Commission.
Il ne s’agit pas des contrôles basiques de documents d’identité, déjà pratiqués pour tous, « mais d’une consultation obligatoire de bases de données nationales et européennes » pour tous les voyageurs entrants, afin de détecter des individus fichés comme jihadistes ou faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux.
Le PNR ‘avant fin 2015’
Rendre les frontières extérieures moins perméables est la condition de survie de la sacro-sainte libre-circulation au sein de l’espace Schengen, ont insisté de nombreux responsables européens et nationaux ces dernières semaines.
A ce sujet, M. Cazeneuve a clairement prévenu que la France maintiendrait « le contrôle aux frontières (intérieures) qu’elle a rétabli vendredi dernier aussi longtemps que la menace terroriste le nécessitera ».
Les Etats membres ont également renforcé vendredi leur pression pour une adoption urgente d’un PNR européen, actuellement en négociation avec le Parlement, inquiet pour les libertés individuelles.
Ce PNR doit être « finalisé avant la fin de 2015 », il devra « inclure les vols internes dans son champ », prévoir une période « suffisamment longue de conservation des données », et ne devrait pas se limiter aux « crimes de nature transnationale », ont demandé les ministres européens dans des conclusions communes.
Cette base de données partagée « aurait été très utile pour contrecarrer les projets funestes d’un Mehdi Nemmouche, qui se sont produits ici même à Bruxelles en mai 2014 », a rappelé M. Cazeneuve, à l’adresse des députés européens récalcitrants. Le Français Nemmouche a été inculpé et écroué pour la tuerie du musée juif de Bruxelles (4 morts) le 24 mai dernier.
Les contrôles renforcés et le PNR ne seront efficaces que si les pays européens partagent mieux leurs informations, ont prévenu plusieurs ministres. « Les pays européens doivent faire encore davantage équipe, être moins jaloux des informations dont ils disposent », a exhorté le ministre italien de l’Intérieur, Angelino Alfano.
Tous les Etats ont apporté leur soutien au durcissement des contrôles des armes à feu récemment proposé par la Commission européenne. Ils ont demandé à l’éxécutif de présenter « un plan d’action opérationnel avant la fin de l’année » pour s’attaquer aux trafics d’armes dans les Balkans.
Une proposition de la Commission de « créer la base d’une Agence européenne du renseignement » a été fraîchement accueillie par l’Allemagne. « Nous ne devrions pas gaspiller notre énergie » sur un tel projet, a déclaré le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière. « C’est quelque chose qu’il faut considérer sur le long terme », a nuancé M. Avramopoulos.